Cet article date de plus d'un an.

Guerre en Ukraine : cinq questions sur la présidence russe du Conseil de sécurité de l'ONU en avril

La Russie préside l'instance exécutive de l'ONU pour un mois, à compter du 1er avril. Enjeux, programme, réactions internationales... Franceinfo fait le point.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les membres du Conseil de sécurité de l'ONU, à New-York, aux Etats-Unis, le 20 février 2023. (MICHAEL M. SANTIAGO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Une "mauvaise blague" pour un 1er avril. Voilà comment l'Ukraine a qualifié samedi l'arrivée de la Russie à la tête du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU), l'organe exécutif de l'institution. Succédant au Mozambique, elle présidera l'instance pendant un mois, plus d'un an après son invasion de l'Ukraine, et alors que son président, Vladimir Poutine, est visé par un mandat d'arrêt international de la Cour pénale internationale (CPI) pour "déportation" d'enfants ukrainiens. Franceinfo revient en cinq questions sur cette présidence sous haute tension.

1 Qu'est-ce que le Conseil de sécurité de l'ONU ? 

Il s'agit d'un des six organes principaux de l'ONU, créé en 1945. Il se compose de 15 membres, dont cinq membres permanents : Chine, Etats-Unis, Russie, France et Royaume-Uni. Par ailleurs, 10 membres sont élus par l'Assemblée générale des pays membres de l'ONU pour un mandat de deux ans, en respectant une répartition géographique équitable. Actuellement, il s'agit de l'Albanie, du Brésil, des Emirats arabes unis, de l'Equateur, du Gabon, du Ghana, du Japon, de Malte, du Mozambique et de la Suisse.

Sa mission principale est le maintien de la paix et de la sécurité internationales, rappelle le site des Nations unies. Dans ce cadre, il enquête sur les désaccords entre nations et propose des solutions pour y remédier, telles des mesures diplomatiques (mesures d'enquête et de médiation, etc.), non coercitives (sanctions financières ou commerciales, interdictions de voyager, etc.) mais aussi d'ordre militaire en cas d'agression. Le Conseil de sécurité peut se réunir à tout moment, et chaque membre doit avoir en tout temps un représentant au siège de l'organisation, à New York (Etats-Unis).

Alors que l'autorité des autres organes de l'ONU se limite à des recommandations aux Etats-membres, le Conseil de sécurité est seul habilité à prendre des décisions qui obligent les Etats-membres. Pour cela, elles doivent être prises par neuf membres du Conseil de sécurité, dont l'intégralité des membres permanents, qui peuvent néanmoins s'abstenir, rappelle l'article 27 de la Charte de l'organisation. Par ailleurs, chaque membre permanent dispose d'un droit de veto, qui empêche qu'une résolution ou décision soit adoptée, rappelle le site des Nations unies.

2 A quoi sert la présidence du Conseil de sécurité ? 

Elle est assurée par chacun des Etats-membres à tour de rôle pendant un mois, suivant l'ordre alphabétique anglais de leurs noms, rappelle le site de l'ONU. "La présidence du Conseil de sécurité joue un rôle de facilitateur des débats et d'organisation générale des travaux du Conseil sur le mois. Si elle ne confère pas de prérogatives particulières, elle permet toutefois de donner des impulsions politiques", relève le site de la diplomatie française. S'il doit respecter les échéances régulières et obligatoires (renouvellement de mandats d'opération de maintien de la paix, débats, etc.), le président peut notamment prendre l'initiative d'organiser des réunions sur certains thèmes "afin de marquer ses priorités".

3 Quel est le programme de la présidence russe ?

La Russie n'a plus exercé la présidence du Conseil de sécurité depuis février 2022, mois où l'invasion de l'Ukraine a débuté. Pour cette nouvelle présidence, Moscou a déjà mis en avant plusieurs moments-clés. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, présidera à New York un débat public sur "un multilatéralisme efficace à travers la défense des principes de la Charte des nations unies", a annoncé sa porte-parole jeudi, sans fournir de date. Il entend également présider une autre session de débats sur la situation géopolitique au Moyen-Orient, le 25 avril. 

L'ambassadeur russe auprès de l'ONU, Vassili Nebenzia, a par ailleurs annoncé un débat le 10 avril sur le violations des accords réglementant les exportations d'armes et de produits militaires, rapporte TV5 Monde, citant une interview donnée par le dignitaire à l'agence d'Etat russe, Tass (en anglais), le 31 mars. Ce débat devrait être l'occasion pour la Russie de dénoncer l'action des Occidentaux qui livrent des armes à l'Ukraine. L'ambassadeur russe a aussi annoncé que Moscou prévoyait une réunion informelle "sur les enfants évacués de la zone de guerre du Donbass et de l'Ukraine" afin de "dissiper les faux récits diffusés par les médias occidentaux".

Plus généralement, "nous nous attendons à ce qu'ils cherchent également des occasions pour faire progresser leur campagne de désinformation contre l'Ukraine, les Etats-Unis et tous nos alliés", a estimé l'ambassadrice américaine à l'ONU, Linda Thomas-Greenfield, à l'AFP.

4 Comment la communauté internationale réagit-elle ? 

L'Ukraine a qualifié la future présidence russe de "mauvaise blague". "La Russie a usurpé son siège, elle mène une guerre coloniale, son président est un criminel de guerre recherché par la CPI pour enlèvement d'enfants", a fustigé son ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, jeudi 30 mars. Ce dernier a aussi dénoncé "une gifle au visage de la communauté internationale", rapporte l'AFP.

Les Etats-Unis ont par ailleurs émis des "doutes" sur le fait que la Russie se comporte "de manière professionnelle" lors de cette présidence, selon des propos de Linda Thomas-Greenfield à l'AFP. Néanmoins, aucun Etat-membre du Conseil de sécurité n'a prévu de boycott, souligne auprès de franceinfo Florent Parmentier, secrétaire général du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). "L'idée d'une suspension ou d'un boycott total paraît compliquée", estime le chercheur, car il n'existe pas "d'équivalent". Sans compter que la Russie est un membre permanent du Conseil de sécurité, ce qui lui confère un poids important au sein de l'institution. En revanche, il est probable qu'il y ait, de la part des alliés de Kiev, "une forme de dégradation du niveau de représentation" pour manifester leur opposition, estime Florent Parmentier.

"Plutôt que d'envoyer des ministres des Affaires étrangères, les pays vont envoyer, sans doute, des personnes de moindre importance pour siéger dans cette instance."

Florent Parmentier,  secrétaire général du Cevipof

à franceinfo

5 Est-il possible d'exclure la Russie du Conseil de sécurité ?

La charte des Nations unies prévoit bien dans ses articles 5 et 6 qu'un membre puisse être suspendu, ou exclu, de l'organisation, si "une action préventive ou coercitive" a été exercée contre lui par les Nations unies, ou s'il "enfreint de manière persistante les principes énoncés" dans ladite charte. Mais ces dispositions nécessitent la validation du Conseil de sécurité... où la Russie dispose d'un droit de veto. 

Aucune exclusion n'a jamais été prononcée depuis la création de l'organisation en 1945, rappelait d'ailleurs à franceinfo, en avril 2022, Frédéric Encel, maître de conférences à Sciences-Po et docteur en géopolitique.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.