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Guerre en Ukraine : quels sont les objectifs de la mission d'inspection de l'AIEA attendue cette semaine à la centrale nucléaire de Zaporijjia ?

Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique, la mission évaluera notamment les dommages causés sur les installations de la centrale, déterminera si les systèmes de sûreté, de sécurité et de secours sont fonctionnels.

Article rédigé par franceinfo
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Rafael Mariano Grossi, directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), à Vienne (Autriche), le 09 juin 2022. (JOE KLAMAR / AFP)

Face au risque "réel de catastrophe", le gendarme du nucléaire se rend sur place. Le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Mariano Grossi, a annoncé, lundi 29 août, être en route vers la centrale nucléaire de Zaporijjia. Située dans le sud-est de l'Ukraine, elle est la cible, ces dernières semaines, de frappes dans la guerre qui oppose la Russie à l'Ukraine.

"Nous devons protéger la sécurité de l'Ukraine et de la plus grande centrale d'Europe", insiste Rafael Mariano Grossi sur Twitter, en accompagnant son message d'une photo de son équipe composée d'une dizaine de personnes. Franceinfo revient sur les objectifs de cette mission très attendue de l'organisation onusienne.

Réaliser "des activités de sauvetage urgentes"

C'est l'une des missions énoncées par l'AIEA sur Twitter : une fois sur place, il faudra "effectuer des activités de sauvegarde urgentes", prévient-elle.

Une déclaration qui rejoint les procédures évoquées succinctement par Rafael Mariano Grossi, le directeur de l'AEIA, dans une interview au Monde, le 26 août. Il mentionne l'impératif de "réparer l'essentiel" de l'installation, et ajoute vouloir "remettre en route les systèmes de transmission qui ont été endommagés."

Jeudi dernier, le site a été brièvement "déconnecté" du réseau après l'endommagement de lignes électriques, selon l'opérateur ukrainien Energoatom. Toujours d'après l'opérateur, des incendies à proximité de la centrale thermique de Zaporijjia, proche de la centrale nucléaire, ont provoqué par deux fois la déconnexion de la dernière ligne reliant le site au réseau électrique."Trois autres lignes" électriques avaient été "précédemment endommagées lors d'attaques terroristes" russes, a poursuivi Energoatom. D'après Karine Herviou, directrice générale adjointe de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire interrogée le 29 août sur franceinfo, il faut donc absolument rétablir "soit une ligne d'alimentation électrique, soit ravitailler en carburant la centrale".

Evaluer les dégâts causés par les combats

La dizaine d'experts de l'organisation onusienne aura également pour mission d'inspecter la centrale pour constater l'étendue des dégâts causés par les six mois de guerre. "La mission évaluera les dommages causés sur les installations de la centrale, déterminera si les systèmes de sûreté, de sécurité et de secours sont fonctionnels (...)", prévient ainsi l'AIEA dans un communiqué publié sur son site, dimanche 28 août. Dans le détail, l'agence prévoit d'"inspecter les piscines d'entreposage du combustible usé et [de s]'attaquer à la question sensible de l'approvisionnement en électricité, qui est indispensable au refroidissement des réacteurs", explique encore Rafael Mariano Grossi dans Le Monde.

Dans le même temps, l'AIEA devra "vérifier l'état des réacteurs et des stocks de matières nucléaires pour s'assurer qu'ils ne sont pas détournés de leur utilisation pacifique", précise encore l'agence dans son communiqué.

Apprécier les conditions de travail du personnel

Bien que contrôlée par les forces russes depuis début mars, Zaporijjia reste en effet exploitée par son personnel ukrainien depuis le début du conflit. Tout le travail des experts consiste à établir dans quelles conditions ce travail a été réalisé.

"On peut imaginer que le personnel est sous forte pression, sur la ligne de combat, que leurs familles sont peut-être aussi affectées", avance Karine Herviou, toujours pour franceinfo. L'AIEA devra donc "discuter avec l'exploitant, le personnel de la centrale, pour voir s'il est en mesure d'assurer sa fonction, c'est-à-dire de maintenir les systèmes et la sûreté de l'ensemble des systèmes de la centrale", ajoute-t-elle.

Formuler des recommandations

Dans son entretien au Monde, le directeur de l'AEIA déclarait vouloir formuler des "recommandations qui seront diffusées de manière officielle et impartiale", à l'issue de la visite. Même dans une situation de crise, l'agence n'a pas de pouvoir décisionnaire. Son rôle se limite à formuler des recommandations et à rapporter ses constatations dans un rapport. Rafael Mariano Grossi assure également vouloir que "des experts de l'agence puissent rester en permanence à Zaporijjia", après cette mission.

Tenter de restaurer la stabilité autour de la centrale

Alors que depuis plusieurs semaines, Kiev et Moscou s'accusent mutuellement de procéder à des bombardements à proximité de la centrale, la communauté internationale compte sur un apaisement des tensions après l'intervention de l'AIEA. "La manière de stabiliser la situation, c'est d'avoir une présence internationale sur place", déclarait ainsi le directeur de l'AIEA pour France 24, jeudi dernier."Je n'ai pas de rôle de médiateur attitré entre la Russie et l'Ukraine, mon mandat est limité. Ma mission est d'ordre technique. (...) Je veux croire que notre présence sur place aura un effet, sinon dissuasif, du moins réel", complétait-il dans l'interview pour Le Monde.

Le rôle de la mission de l'AIEA reste cependant à relativiser d'après Bruno Chareyron, directeur du laboratoire de la commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD). "C'est une nouvelle étape, mais il faut rester très prudent. Tant qu'il n'y aura pas une démilitarisation de cette zone, le problème ne sera pas résolu par une simple mission ponctuelle. Ce qui met en danger la centrale, ce sont les bombardements", insiste-t-il pour Le Parisien. La Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a réclamé jeudi la démilitarisation de la centrale nucléaire. Un appel resté jusqu'à présent sans réponse.

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