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Grand entretien Guerre en Ukraine : "La justice internationale se mettra inévitablement en marche et tous les criminels seront jugés", estime Robert Badinter

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Article rédigé par franceinfo
Radio France

Dans un grand entretien accordé à franceinfo, l'ancien garde des Sceaux Robert Badinter est revenu sur la guerre en Ukraine et ses nombreux massacres qu'il a qualifié de "crimes de guerre".

Cet article, initialement publié le 13 avril 2022 a été republié vendredi 9 février 2024, à l'occasion de la mort de l'ancien ministre de la Justice.


La guerre en Ukraine dure depuis un peu plus d'un mois et demi. De nombreux bombardements ont eu lieu et plusieurs tueries de civils ont été dénoncées, comme à Boutcha. "Ce sont des crimes de guerre, aucun doute là-dessus", a déclaré sur franceinfo Robert Badinter, ancien garde des Sceaux, mercredi 13 avril. "La justice internationale inévitablement se mettra en marche" et "tous les criminels seront jugés", a-t-il ajouté.

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franceinfo : Pensiez-vous que la guerre allait revenir aux portes de l'Europe ?

Robert Badinter : Elle est dans l'Europe, au cœur de l'Europe, même si c'est la partie orientale c'est quand même dans l'Europe.

"Je croyais que ces temps-là étaient révolus, qu'avec la chute du mur de Berlin c'était une période tournée et que cela n'avait plus de sens. Je n'aurais jamais cru que cela allait revenir."

Robert Badinter, ancien garde des Sceaux

à franceinfo

Vladimir Poutine a déclaré qu'il voulait dénazifier l'Ukraine. Qu'en avez-vous pensé ?

Je me suis dit qu'évoquer le nazisme à propos de l'invasion de l'Ukraine par les Russes c'est jouer sur les mots et les souvenirs. C'est dire aux Russes : allez-y, ce sont des nazis. Ce n'est pas vrai. Il n'y a d'ailleurs jamais eu la moindre preuve de cette allégation. C'est un pur mensonge. C'est tout.

Les bombardements et les nombreux massacres qu'il y a eu en Ukraine sont-ils de crimes de guerre ?

Oui, ce sont des crimes de guerre. Aucun doute là-dessus. On ne massacre pas des civils, on ne bombarde pas des hôpitaux sans qu'on commette des crimes de guerre. Ce qu'il faut chercher c'est comment punir les responsables. On est fasciné par le cas de Poutine. On se demande s'il sera jugé. Vous avez eu à la fois la mobilisation des autorités nationales, la mobilisation des grandes juridictions internationales, la Cour pénale internationale se livre à une enquête.

"Il faut mesurer qu'un jour vient où on doit produire des preuves des crimes. Il ne suffit pas de les évoquer, de les dénoncer, de les flétrir, il faut encore les établir."

Robert Badinter, ancien garde des Sceaux

à franceinfo

J'ai été très frappé par le fait que la procureure de la Cour pénale internationale se soit immédiatement occupée de réunir les preuves des crimes de guerre commis.

Qui pourra être jugé un jour ?

Tous les criminels seront jugés. Nous sommes dans un domaine d'imprescriptibilité. Il arrive que la justice soit lente. Mais le fait qu'elle existe suffit à rendre l'avis. Je ne parle pas de Poutine, son sort est particulier, c'est un chef d'Etat, donc il faut qu'il perde le pouvoir pour être jugé. Je parle de tous les complices, les décideurs, les chefs d'état-major, les officiers supérieurs, les financiers, ceux qui construisent les armements nécessaires. Tous ceux-là sont susceptibles de comparaître devant des juridictions pénales internationales. L'imprescriptibilité, cela veut dire que le temps écoulé ne change rien à la responsabilité de ceux qui ont été les décideurs et complices.

Ils doivent donc tous se méfier ?

La justice les retrouvera. La justice internationale est souvent lente par rapport aux crimes mais quand elle se met en marche, et inévitablement elle se mettra en marche, à ce moment-là l'heure viendra de la reddition des comptes. Jamais ni Goering, ni Keitel, ni Ribbentrop n'auraient pensé se retrouver dans le box des accusés à Nuremberg.

Le 24 avril aura lieu le second tour de la présidentielle en France. Emmanuel Macron est face à Marine Le Pen. Allez-vous appeler à faire barrage contre l'extrême droite ?

Cela va de soi. Je voterai pour monsieur Macron. C'est aussi clair que possible.

"L'heure est trop grave et le choix trop important. Je voterai pour monsieur Macron."

Robert Badinter, ancien garde des Sceaux

à franceinfo

Jean-Luc Mélenchon a déclaré le soir du premier tour, "pas une seule voix à Marine Le Pen", mais n'a pas appelé à voter pour Emmanuel Macron. Qu'en pensez-vous ?

Nous avons appartenu au même groupe, je le connais de longue date, c'est un puissant orateur. Chacun prend ses responsabilités. Libre à lui de considérer que l'abstention à l'égard de madame Le Pen suffit. Moi je réponds, faites l'addition des voix possibles des lepénistes, de tous ceux qui ont voté pour monsieur Zemmour et d'autres encore. Ne prenons pas de risque avec la liberté. Il faut voter monsieur Macron dans ces circonstances-là.

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