Demandes d'adhésion à l'Otan de la Suède et de la Finlande : "Pas une escalade, une mesure de défense", selon le secrétaire général adjoint de l'Alliance
"Ce qui est le plus important, c'est de voir comment cette invasion est en quelque sorte une erreur complète d'évaluation de ce qu'est l'Ukraine, de la réaction des Occidentaux en général", analyse Camille Grand.
L'annonce des gouvernements finlandais et suédois d'intégrer l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), "est une conséquence directe des actions de Vladimir Poutine", affirme lundi 16 mai sur franceinfo Camille Grand, secrétaire général adjoint de l’OTAN. Il fait partie de ceux qui ont participé aux négociations avec la Finlande ces derniers jours. Avec ce conflit en Ukraine, Vladimir Poutine a "précipité les décisions de la Finlande et de la Suède".
Pour la Finlande et la Suède, "de leur point de vue, c’est une mesure de défense dans un environnement stratégique transformé. Et il ne s’agit pas du tout d’une sorte d’escalade vis-à-vis de la Russie, mais bien de défendre leurs intérêts de sécurité et de consolider la sécurité dans cette partie de l’Europe. Et je ne vois pas comment la Russie peut répondre militairement à ses annonces", a-t-il poursuivi.
franceinfo : La demande de la Suède et la Finlande est un signal adressé à Vladimir Poutine ?
Camille Grand : En tout cas, c'est une conséquence directe des actions de Vladimir Poutine. Ces deux pays, qui étaient des partenaires proches de l'Otan, mais qui n'avaient pas engagé de démarche d'adhésion jusqu'aux événements d'Ukraine et l'agression contre l'Ukraine a précipité un débat qui restait très prudent jusqu'alors. C'est vraiment une conséquence très directe de ce conflit en Ukraine qui a amené les deux pays à revoir leur politique de sécurité parce qu'ils considèrent que la situation de sécurité en Europe est profondément changée.
La Finlande a 1 300 kilomètres de frontière commune avec la Russie. En l'intégrant, vous ne donnez pas raison à Vladimir Poutine qui dénonce l'avancée de l'Otan ?
Ce n'est pas l'Otan qui s'avance, c'est le choix démocratique de deux pays qui ont pris la décision d'engager une démarche d'adhésion. Vladimir Poutine se plaignait d'avoir trop d'Otan à ses frontières. Il en aura encore plus, mais vraiment par ses propres décisions. C'est quelque chose qui est un peu paradoxal et une nouvelle défaite stratégique de la Russie après cette invasion semi-ratée de l'Ukraine. On voit qu'il a précipité des décisions et des orientations de la part de la Finlande et de la Suède, qui n'étaient pas dans les cartes. Avant l'invasion de l'Ukraine, 22% des Finlandais se prononçaient pour une adhésion à l'Otan. Ils sont 76% aujourd'hui, avec une quasi-unanimité politique dans le débat intérieur.
La Russie fixe une ligne. Pas question de déployer des armes nucléaires dans ces deux pays. Il y en aura ?
Il n'en est pas question aujourd'hui. Il n'y a pas d'armes nucléaires de l'Otan déployées dans tous les pays de l'Alliance. Ce n'est pas cela qui est sur la table aujourd'hui. Je crois que ce qui est intéressant, c'est que les Finlandais se comportent de manière extrêmement professionnelle. Le coup de téléphone entre le président Niinistö et le président Poutine a été initié par les Finlandais, qui ont eu une discussion tout à fait franche. Ils en ont rendu compte. De leur point de vue, du point de vue des Suédois, c'est une mesure de défense dans un environnement stratégique transformé. Il ne s'agit pas du tout d'une sorte d'escalade vis-à-vis de la Russie, mais bien de défendre leurs intérêts de sécurité et de consolider la sécurité dans cette partie septentrionale et baltique de l'Europe.
Vous ne craignez pas de représailles militaires russes ?
Je ne vois pas comment la Russie sera en mesure de répondre militairement à ces annonces. On va avoir sans doute des déploiements un peu plus spécifiques dans cette région de la part de l'armée russe.
"La question aujourd'hui n'est pas celle d'une escalade militaire. On est bien dans une situation où les alliés ont signalé de manière très claire qu'ils n'accepteraient pas des mesures visant à intimider la Finlande ou la Suède."
Camille Grand, secrétaire général adjoint de l'Otanà franceinfo
Encore une fois, c'est le choix démocratique de deux pays qui est en cours. Et il ne s'agit pas de se lancer dans une escalade quelconque.
Pour qu'un pays rentre dans l'OTAN, il faut l'unanimité de ses membres. Or, la Turquie a émis des réserves. Peut-elle mettre son véto ?
Effectivement, il y a eu un certain nombre de réserves qui ont été émises par la Turquie. C'est un point qui a été discuté lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Otan à Berlin ce week-end, et nous sommes confiants sur le fait qu'on va parvenir à un consensus rapidement. C'est assez classique au moment d'une demande d'adhésion de l'un ou l'autre pays, un allié ou un autre soulève un certain nombre de questions. Il y a eu à la fois des entretiens entre les Turcs d'un côté, les Finlandais les Suédois de l'autre, mais aussi entre les 30 alliés qui ont partagé une volonté commune d'aller assez rapidement vers cette accession de la Finlande et de la Suède.
L'Ukraine a gagné l'Eurovision. La tradition veut que le pays vainqueur organise la cérémonie l'année suivante. La guerre sera finie dans un an ?
On peut l'espérer. La situation sur le terrain n'est pas favorable à l'armée russe, qui a revu ses objectifs stratégiques considérablement à la baisse, mais en même temps, compte tenu de la violence des combats, la gravité de la situation, il faut être prudent sur l'issue de ce conflit. Ce qui est certain, c'est que l'armée russe est confrontée à une résistance vraiment héroïque et très populaire des Ukrainiens, qui lui rend la tâche extrêmement difficile et qui ne permet pas aujourd'hui d'envisager une victoire stratégique de la Russie en Ukraine, même s'il y a eu des conquêtes territoriales, notamment dans le sud du pays. Ce qui est le plus important, c'est de voir comment cette invasion est en quelque sorte une erreur complète, à la fois d'évaluation de ce qu'est l'Ukraine, d'évaluation de l'armée russe et d'une évaluation de ce qu'est la société ukrainienne et la qualité de son armée. Mais aussi, d'évaluation de la réaction des Européens et des Occidentaux en général.
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