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Crise en Ukraine : "Il faut absolument que la France reprenne l'initiative", plaide un historien

Antoine Arjakovsky estime que le contexte de la présidence française de l'Union européenne doit être l'occasion pour Emmanuel Macron de se rendre, pour la première fois, en Ukraine.

Article rédigé par franceinfo
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Emmanuel Macron au Parlement européen de Strasbourg, le 19 janvier 2022. (GONZALO FUENTES / POOL)

Alors que la rencontre entre les chefs de la diplomatie russe et américaine au sujet de la crise en Ukraine, vendredi 21 janvier, à Genève, n'a débouché sur aucun résultat tangible, l'historien Antoine Arjakovsky, estime sur franceinfo qu'"Il faut absolument que la France reprenne l'initiative". Selon le directeur de recherche au Collège des Bernardins, spécialiste de l’Ukraine, "la France a été progressivement marginalisée".

franceinfo : Est-ce que la France joue encore un rôle dans le dossier de la crise ukrainienne ?

Antoine Arjakovsky : Le problème, c'est que la France a été progressivement marginalisée et que les Russes cherchent maintenant à marginaliser la France. Ils organisent des rencontres avec les États-Unis en Europe, sans l'Europe et donc sans la France. Il faut absolument que la France reprenne l'initiative. Le président Macron est allé plusieurs fois en Russie. Il n'est pas allé une seule fois en Ukraine, alors que l'Ukraine est considérée comme un pays qui a signé un traité d'association avec l'Europe, qui défend la démocratie, qui se bat pour l'Europe. Il y a eu des morts pour l'Europe. Il n'y a pas eu une seule visite d'un président français.

On se dit que, si la France est présidente du Conseil de l'Union européenne, c'est vraiment à la France de prendre une initiative forte en se rendant en Ukraine, comme le font les Canadiens, les Allemands, les Américains.

Antoine Arjakovsky, historien

à franceinfo

Tout le monde va à Kiev pour montrer la solidarité de ces pays. Il faudrait que la France aille à Kiev au nom de la France, au nom de l'Europe, pour dire réellement tout l'appui que la France accorde à l'Ukraine, à la démocratie, à la paix en Europe, avec des menaces beaucoup plus fortes vis-à-vis du Kremlin. Ce qu'a dit Macron au Parlement européen, à savoir qu'il était favorable à mettre en place une stratégie de sécurité en Europe et que cela prendrait plusieurs mois puisque cela demande des négociations internes avec les Etats-Unis. Et ensuite, ils veulent en plus négocier avec les Russes. Ce n'est pas du tout une rhétorique qui peut inquiéter le Kremlin.

Les discussions continuent entre Américains et Russes. Est-ce que c'est une bonne nouvelle ?

C'est forcément positif qu'ils se rencontrent. [Antony] Blinken [le chef de la diplomatie américaine], manifestement, essaie de gagner du temps, puisqu'il avait promis de répondre par écrit la semaine prochaine à l'ultimatum qui avait été envoyé au mois de décembre dernier par le Kremlin aux États-Unis. Pour moi, le plus important, c'est que les Américains sont conscients du fait qu'ils doivent renverser la stratégie du Kremlin, qui est cette sorte de rhétorique victimaire où les Russes ont essayé d'expliquer que c'est eux qui souffrent d'un encerclement de l'OTAN et qu'ils sont les victimes de l'histoire. Le problème n'est pas du côté des Occidentaux. Le problème, c'est du côté des Russes.

Quelle est la marge de manœuvre des Américains ?

Les Américains cherchent à mettre la Russie devant ses responsabilités en expliquant que les 100 000 soldats [massés à la frontière ukrainienne], c'est un fait réel, avéré et reconnu. Il faut que les Russes, qui ont annoncé aujourd'hui par la bouche de Lavrov qu'ils ne menaçaient pas l'Ukraine, acceptent d'être cohérents avec leurs gestes. La position des États-Unis, c'est de montrer qu'il y a du mensonge du côté russe et qu'il faut au contraire qu'ils soient cohérents. S'ils veulent vraiment discuter sur un plan sérieux et diplomatique, alors tout est possible. Mais s'ils ne veulent pas discuter, s'ils continuent à masser des troupes à la frontière, à ce moment-là, il n'y a plus de marge de manœuvre. Ce sera une réponse économique, financière.

Est-ce que la poursuite des discussions passe forcément par le retrait des troupes à la frontière ?

C'est une pression énorme sur les Ukrainiens. Il y a des troupes qui sont massées depuis plusieurs mois. Il y a des guerres hybrides, de la propagande, des attentats aux frontières, des alertes bombes. C'est une pression énorme. Au point que le président Zeletski a fait une déclaration solennelle avant-hier à la télévision devant les Ukrainiens : "Surtout, ne paniquez pas. Les Russes veulent que l'on craque face à cette pression psychologique et que l'on donne des arguments à la Russie pour attaquer". C'est surtout ce qu'il ne faut pas faire. Pour discuter et essayer de trouver une solution géostratégique, il faut pousser les Russes à reculer leurs chars, leurs hommes et à changer de rhétorique.

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