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Les élections législatives russes en quatre questions

Les Russes se rendent aux urnes ce dimanche pour élire leurs députés. Décryptage du système, pour comprendre les enjeux du scrutin.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un marin russe vote à Kronstadt au nord de la Russie le 4 décembre 2011.  (OLGA MALTSEVA / AFP)

Une centaine de millions de citoyens russes élisent leurs députés dimanche 4 décembre. Ce scrutin recèle un enjeu plus important qu'il n'y paraît à quelques mois de la présidentielle. FTVi le décrypte en quatre questions.

1. Comment fonctionne la Douma ?

Quelque 450 députés siègent à la Douma, la chambre basse du Parlement russe. En théorie, elle pourrait avoir le même pouvoir qu'une Assemblée nationale à la française. En pratique, il ne s'agit que d'une chambre d'enregistrement. "La Constitution et le système politique ont été conçus pour fonctionner démocratiquement, mais ils ont été dévoyés par Vladimir Poutine. La Douma ne joue plus le moindre rôle depuis 2004", analyse Cécile Vaissié, professeure à l'université Rennes 2, spécialisée dans l'étude du monde russe.

La tête de liste du parti qui aura remporté le plus de voix sera désignée comme Premier ministre. Ce devrait être l'actuel président du pays, Dmitri Medvedev, en première position sur la liste de Russie unie. Quelque 315 sièges sont actuellement occupés par ce parti, qui est aussi celui du Premier ministre et ex-chef de l'Etat Vladimir Poutine. Le Parti communiste possède 57 sièges, le Parti libéral-démocrate 40 et la Russie juste, formation de centre gauche, 38.

2. Quelles sont les forces en présence ?

Tous ces partis se présentent de nouveau dimanche, avec en plus Cause de droite, d'inspiration ultralibérale. C'est le seul petit nouveau enregistré depuis le dernier scrutin de 2007. Chaque formation doit franchir le seuil nécessaire de 7 % pour entrer au Parlement. Mais ce plancher s'applique pour la dernière fois. Pour les prochaines élections législatives, il passera à 5 %. 

Trois partis d'opposition n'ont pas pu être enregistrés, sous prétexte de statuts incompatibles avec la législation : le Parti de la liberté populaire, le Parti pirate et le Comité de salut public. 

3. Faut-il craindre la fraude ?

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) avait reconnu, en 2007, que les législatives s'étaient tenues dans des conditions "limitant le pluralisme". D'autres observateurs avaient fait état de fraudes.

Dimanche, comme lors des précédents scrutins, les falsifications devraient être importantes mais ne pourront sans doute pas être publiquement dénoncées. Gazeta.ru, l'un des principaux sites d'information en ligne, a ainsi été contraint de retirer une carte des fraudes réalisée grâce aux témoignages d'internautes qui ont relevé des irrégularités dans la campagne. Sous la pression, le rédacteur en chef adjoint du site a ensuite démissionné.

L'ONG russe Golos, qui a co-réalisé cette carte, est aussi dans le collimateur du pouvoir. Vladimir Poutine a parlé, vendredi 2 décembre, d'un rôle comparable à celui de Judas. Le parquet a ouvert une enquête et une chaîne nationale promet des révélations compromettantes. Financée par des fonds occidentaux, l'association, qui surveille depuis des années le déroulement des scrutins russes, affirme qu'elle n'a jamais subi de telles pressions.

4. Le succès est-il assuré pour Poutine et son parti ? 

Ces législatives constituent le premier volet d'un processus électoral qui s'achèvera le 4 mars 2012, avec l'élection du président de la Russie. Un scrutin que Vladimir Poutine a toutes les chances de remporter. Toute la campagne autour des législatives, premières élections de la série, a été orchestrée pour célébrer le triomphe de Russie unie, le parti du Président et du Premier ministre.

Pourtant, il y a une ombre au tableau, et c'est ce qui fait la spécificité de ce scrutin. Un mouvement contre Vladimir Poutine s'instaure peu à peu, tandis que sa cote de popularité s'effrite. 41 % des électeurs ont l'intention de voter pour Russie unie contre 64 % au dernier scrutin de 2007, selon les derniers sondages de l'institut russe VTsIOM. "Russie unie ne recueillera pas moins de 40 % des suffrages, mais il pourrait être en deça de 60 %. Dans ce cas, le parti n'aura pas la majorité absolue à la Douma. Ce serait un signe fort de rejet, une manière pour la société civile de montrer qu'elle n'est pas contente du gouvernement, malgré les pressions", explique Cécile Vaissié, interrogée par FTVi. 

Plusieurs témoignages parus dans la presse illustrent ce ras-le-bol. Le quotidien britannique The Guardian (article en anglais) publie par exemple celui de Katya, 19 ans, qui veut "plus de choix" politique dans son pays, ou encore celui d'Alina, qui se plaint de n’avoir jamais connu de démocratie. Libération (article réservé aux abonnés) fait le même constat : "Beaucoup de Russes comptent voter dimanche, mais peu sont dupes", résume la correspondante du quotidien à Moscou.

Dans les écoles, les professeurs sont souvent soumis à des pressions pour voter et inciter leurs élèves à le faire pour Russie unie. Cette fois-ci, certains semblent s'organiser pour pouvoir se prononcer librement, tout en faisant croire qu'ils plébiscitent le parti de Vladimir Poutine, comme le montre cette vidéo :

 

 Autre signe de ce vent mauvais pour Vladimir Poutine : dimanche 20 novembre, il a été hué par 22 000 personnes alors qu'il félicitait le poids lourd russe Fedor Emelianenko à l'issue d'un match d'arts martiaux. Une hostilité que le public n'avait jamais osé manifester lors des apparitions du Premier ministre russe. Et le mot d'ordre "Quand vous le voyez, sifflez" continue de circuler en Russie.

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