Le droit de vote des étrangers en Europe
Si le traité de Maastricht (1992) a permis à tous les citoyens de l’Union européenne de voter aux élections municipales dans n’importe quel Etat membre, il n’en va pas de même pour les extracommunautaires. Chaque pays à ses règles dans le domaine et certains conditionnent le droit de vote et d’éligibilité à la nationalité.
Ainsi, dans l’Union européenne, une quinzaine de pays membres permettent aux étrangers de voter aux élections locales. A l’avant-garde de ce droit, l’Irlande, où ces derniers peuvent voter sous condition de résidence aux élections municipales depuis 1963 (depuis 1992 pour tous sans condition). Et d’être éligibles comme les Irlandais de souche.
Des conditions de résidence
Dans le peloton de tête des pays l’ayant autorisé il y a plusieurs années, la Suède (depuis 1975), la Finlande (1996), le Danemark (1981), l’Estonie (1993), la Lituanie (2002), la Belgique (2004), les Pays-Bas (1983), la Slovaquie (2002) et la Hongrie (2004). Ces pays imposent toutefois des obligations de résidence de plusieurs années pour le vote et l’éligibilité.
Pour les Tchèques, les extracommunautaires ont sur le papier (depuis 2000) la possibilité de voter en cas de réciprocité avec le pays d’origine. Mais, pour l’heure, aucun accord n’a encore été ratifié. L’Espagne (1990) et le Portugal (1997) imposent tous deux une obligation de résidence en terre ibérique et un accord de réciprocité avec le pays d’origine. Au Royaume-Uni, le vote n’est autorisé que pour les ressortissants du Commonwealth.
Un droit existant dans un tiers des pays
En Allemagne, Pologne, Roumanie, Bulgarie, Grèce, Chypre, Malte, Italie, Autriche, Luxembourg et France, pas de vote possible pour les étrangers hors UE. Si en Grèce les étrangers ont voté en novembre 2010, ce fut la première et (peut-être) la dernière fois : la loi de mars 2010 a été déclarée inconstitutionnelle.
Pourtant, dans le monde, environ un tiers des pays ont inscrit ce droit dans leur législation. On citera, entre autres, le Chili, le Malawi, la Corée du Sud ou la Nouvelle-Zélande...
Dans le cas de la France…
Mais qu’apporte ce droit aux pays qui l’accordent ? Une intégration et une implication dans la vie publique à la société dans laquelle ils évoluent, selon Catherine Withol de Wenden, directrice de recherche au CNRS-CERI.
Pour cette spécialiste des migrations internationales, ce droit trouverait, en France, un écho positif auprès «des parents (première génération d’immigrés, NDLR) qui n’ont pas la nationalité française et sont sur le territoire depuis 25 ans. Ils pourraient ainsi intervenir dans les décisions locales au niveau des projets urbains et s’inséreraient beaucoup plus dans la citoyenneté de résidence. Leur présence aurait également un impact vis-à-vis de la montée des populismes…»
Ce qui vaut pour la France, le vaut aussi en dehors de l’Hexagone, dans les pays n’accordant pas ce droit, précise la chercheuse.
La sociologue estime normal «d’avoir des élus non-communautaires s’investissant dans les conseils municipaux» en France. Le fait qu’il n’y en ait pas crée, selon Catherine Withol de Wenden, «un déséquilibre qui génère des politiques discriminatoires en matière de logements, de carte scolaire, de police municipale… dans la mesure où cette communauté n’a pas de tribune pour s’exprimer».
Quid du droit de vote des étrangers en France ? Micro-trottoir...
France Soir Vidéos, le 8 décembre 2011
Des tabous sont tombés
A l’évocation d’une moyenne de 20% de votants extracommunautaires en Finlande, pays ouvert au vote des étrangers… Mme Withol de Wenden indique que «cela peut s’expliquer en raison de la présence de nombreux réfugiés, irakiens notamment ». Entendre : préoccupés par la situation dans leur pays d’origine, ils le sont moins par celle de leur pays d’accueil. En tout cas pour l’instant.
A savoir si ce droit, qui s’applique déjà depuis plusieurs années dans de nombreux pays européens, a changé les mentalités de la population et mis en place une nouvelle manière de faire de la politique au niveau local, elle répond : «Oui. Dans des pays comme la Suisse, où les consultations électorales sont ouvertes dans certains cantons ─ y compris ruraux ─ aux extracommunautaires, il y a une vraie démocratie de proximité. Au Luxembourg, qui compte 40% d’étrangers, comme en Belgique, en Suède ou aux Pays-Bas…, les élus doivent tenir compte des points de vue de ces électeurs.»
Et de conclure par l’exemple de Rotterdam. «Le maire de ce port des Pays-Bas est le fils d’un immigré marocain. Cela montre que les tabous sont tombés et que les choses se sont normalisées dans ce pays où le vote des immigrés aux élections locales remonte au début des années 80.»
Il reste que ce droit est un symbole fort, un vrai «symbole pour la démocratie», conclut la sociologue.
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