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Theresa May est-elle vraiment la nouvelle Margaret Thatcher ?

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Theresa May arrive au 10 Downing Street, pour le dernier conseil des ministres du gouvernement de David Cameron, à Londres, le 12 juillet 2016. (PETER NICHOLLS / REUTERS)

Theresa May prend mercredi les rênes du gouvernement britannique, succédant à David Cameron. Elle est régulièrement comparée à Margaret Thatcher. A tort et à raison.

La nouvelle "Dame de fer" du Royaume-Uni. Le surnom est utilisé par de nombreux médias pour qualifier Theresa May, 59 ans, qui deviendra mercredi 13 juillet, la nouvelle Première ministre britannique. En succédant à David Cameron, démissionnaire pour cause de Brexit, elle sera la deuxième femme cheffe de gouvernement de son pays après Margaret Thatcher (1979-1990). 

"Je vais être claire avec vous. Je suis Theresa May et je pense que je suis la meilleure personne pour diriger ce pays." C'est ainsi que l'ancienne ministre de l'Intérieur de David Cameron a déclaré sa candidature le 30 juin à la tête du Parti conservateur (poste qui la qualifie d'office pour le 10 Downing Street). Theresa May est réputée pour son autorité, ses compétences et son sérieux. La "nouvelle Margaret Thatcher" peut aussi se montrer cassante et faire preuve d'une  "détermination féroce", selon le Daily Telegraph. Mais on lui reproche son image de froideur et son manque de charisme. Theresa May mérite-t-elle pour autant cette étiquette de "Dame de fer" ?

La "fermeté féroce" de Thatcher en héritage

Les similitudes entre les parcours des deux femmes ne manquent pas. Fille d'un pasteur anglican, Theresa May revendique ses origines (relativement) modestes, "proche du peuple", comme Margaret Thatcher en son temps. Diplômée d'Oxford, elle entame sa carrière politique en 1986, alors que la "Dame de fer" dirige le Royaume-Uni depuis 7 ans. Sans sourciller, Margaret Thatcher brise les grèves et fait plier les syndicats. 

Theresa May entre en 2010 dans le gouvernement de David Cameron au ministère de l'Intérieur. Fonction qu'elle occupait toujours au moment de proposer sa candidature à la tête des Tories, un record de longévité inégalé à ce poste. Elle s'illustre alors par sa dureté lors des émeutes de 2011 provoquées par la mort d'un homme tué par la police.

D'une "fermeté féroce", "elle instaure des procédures de jugement accélérées et tape fort, sans s’encombrer de scrupules", rapporte Le Temps. Même ligne ferme affichée sur les questions d'immigration, mais sans grand succès, souligne Le Monde (article abonnés) : "Elle est loin d’avoir réalisé l’impossible promesse de son parti de faire baisser les flux (Européens compris) à moins de 100 000 personnes par an." En 2013, elle réussit faire expulser un prédicateur islamiste alors que ses prédécesseurs avaient tous échoué. Theresa May reste aussi intransigeante face aux syndicats de policiers qui protestent contre des coupes budgétaires sans précédent. Elle ne se gêne pas non plus pour dénoncer les contrôles d'identité et les fouilles systématiques par la police.

May veut "un pays qui fonctionne pour tout le monde"

Fidèle à David Cameron, elle défend le maintien dans l'Union européenne du bout des lèvres. Car Theresa May est eurosceptique, elle défend la souveraineté nationale et souhaite que son pays quitte la convention européenne des droits de l'homme. Difficile, là encore, de ne pas faire le parallèle avec Margaret Thatcher, ouvertement réticente à la construction européenne et restée célèbre pour son expression "I want my money back !" ("Rendez-moi mon argent !").

Si Margaret Thatcher reste dans l'histoire comme une conservatrice aux mains de fer, Theresa May fait figure de centriste pragmatique. S'appuyant sur un programme social, elle promet "un pays qui fonctionne pour tout le monde". Juste avant que sa concurrente pour la direction du Parti conservatrice jette l'éponge, elle promettait lundi 11 juillet de lutter contre les inégalités, comme le souligne Le Huffington Post.  

Aujourd'hui, si vous naissez pauvre, vous mourrez en moyenne neuf ans avant les autres. Si vous êtes Noir, vous êtes traité plus durement par le système pénal que si vous êtes Blanc. Si vous êtes un garçon blanc issu de la classe ouvrière, vous avez moins de chance que tous les autres d'aller à l'université. Si vous êtes une femme, vous gagnez toujours moins qu'un homme

Theresa May

lors d'une déclaration devant la presse

En finir avec le "parti méchant" de Thatcher

Autre différence de taille avec la "Dame de fer", le féminisme. Margaret Thatcher, qui refusait de se dire féministe, avait formé un gouvernement uniquement composé d'hommes. "Ce n'est pas le thatchérisme en soi qui a attiré Theresa May mais les possibilités ouvertes par la première femme dirigeante d'un parti politique", souligne d'ailleurs le Guardian. Féministe convaincue, elle participe en 2005 à la fondation de Women2Win, pour obtenir davantage de places éligibles pour les femmes. 

Et la prise de distance avec la "Dame de fer" ne s'arrête pas là. En 2002, Theresa May prononce un discours resté célèbre. Face aux conservateurs alors en pleine traversée du désert, elle appelle son parti à renouer avec l'humanisme, mettant en garde contre l'étiquette de "nasty party" ("parti méchant") qui lui colle à la peau depuis les années Thatcher.

Libérale sur le plan des mœurs, elle défend l'ouverture du mariage aux couples homosexuels en 2013 : "Si deux personnes s'aiment, alors elles devraient être autorisées à se marier", dit-elle à l'époque. "Elle fait partie des modernisateurs au sein des conservateurs. Sur les questions morales et sociétales, elle est beaucoup plus souple", explique à 20 minutes Agnès Alexandre-Collier, professeure de civilisation britannique à l’université de Bourgogne Franche-Comté. 

Enfin, s'il n'était pas rare de voir Margaret Thatcher s'afficher, trinquant au pub en dégustant un whisky, Theresa May reste relativement discrète sur sa vie privée (sans enfant, elle est mariée à un banquier depuis 1980) et refuse de se mettre en scène. "Je ne fais pas la tournée des plateaux de télévision. Je n’ai pas de potins à partager pendant le déjeuner. Je ne vais pas boire des verres dans les bars du Parlement. Et je ne porte pas mes sentiments en bandoulière. Je fais juste mon boulot", dit-elle. Seule coquetterie publique, ses chaussures fantaisistes et colorées dont raffole la presse britannique.

Les chaussures de Theresa May photographiées lors d'un discours sur la lutte antiterroriste, à Londres, le 24 novembre 2014.  (TOBY MELVILLE / REUTERS)

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