Brexit : l'économie britannique s'est-elle vraiment effondrée ?
Explosion du chômage, récession, effondrement de la livre sterling... Il y a un an, les opposants à une sortie de l'UE promettaient un cataclysme économique pour le Royaume-Uni. Franceinfo s'est penché sur ces prédictions alors que des législatives ont lieu jeudi.
On promettait une tempête sur les marchés financiers londoniens, mais le Royaume-Uni a plutôt bien résisté aux vagues provoquées par le Brexit. Fort d'une croissance de 1,8% en 2016 et d'un taux de chômage au plus bas depuis 1975, le pays qui a tourné le dos à l'Union européenne (UE) n'a pas connu le désastre économique annoncé à la veille du référendum du 23 juin 2016.
Pourtant, les défenseurs d'un maintien du pays au sein de l'UE avaient promis l'enfer en cas de Brexit. La Banque d'Angleterre elle-même assurant que le pays prenait le risque d'affronter une période de récession (lien payant en anglais) en cas de victoire du "out". Un an après le scrutin et alors que des élections législatives anticipées doivent se tenir le jeudi 8 juin, franceinfo s'est penché sur certaines de ces funestes prédictions pour l'économie du Royaume-Uni pour savoir si elles se sont concrétisées.
"Le pays va entrer en récession"
C'était l'angoisse principale des opposants au Brexit. La sortie de l'Union européenne devait faire fuir les investisseurs. De quoi réduire les échanges du royaume avec son principal partenaire commercial. Mais malgré l'inquiétude des marchés, les heures qui ont suivi le vote des Britanniques, l'économie du pays a plutôt bien résisté : elle affiche un taux de croissance honorable de 1,8% en 2016 (la France réalise un plus faible 1,2%). Une croissance économique dans la lignée de ce que faisait le pays depuis plusieurs années, quand la zone euro était encore plongée dans la crise.
Cependant, les conséquences du vote sur le Brexit commencent à se faire sentir. Catherine Mathieu, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), précise que l'institut prévoit un ralentissement de la croissance britannique pour 2017 et 2018. Elle se maintenait jusqu'alors grâce à "la consommation des ménages, qui a continué d'augmenter jusqu'à la fin 2016", explique-t-elle à franceinfo. Mais, depuis le 1er trimestre 2017, les ménages consomment moins. Conséquence : le pays a enregistré un inquiétant taux de croissance (0,2%) entre janvier et avril. L'OFCE prévoit d'ailleurs une croissance aux alentours de 1,1% pour l'année prochaine.
"Le chômage va exploser"
C'était l'autre chiffon rouge agité par les opposants au Brexit... et c'est exactement le contraire qui s'est produit. Le Royaume-Uni connaît actuellement le plus faible taux de chômage depuis 1975 selon les chiffres de l'Office national de statistiques britannique (en anglais). Avec 4,6% de chômeurs, le pays affiche l'un des taux les plus faibles d'Europe, non loin derrière l'Allemagne. Un chiffre à faire rougir la majorité des pays de la zone euro, que le Royaume-Uni n'a jamais souhaité intégrer afin de conserver la livre sterling et son autonomie en matière de politique monétaire.
Mais le chômage est en général la conséquence de mauvais résultats économiques. Or "jusqu'à présent, l'économie n'a pas ralenti, pointe Catherine Mathieu. On a continué à avoir des créations d'emplois avec le niveau de croissance de 2016. Mais si on entre effectivement dans une phase à 1,2% de croissance, on aura sans doute une augmentation du nombre de chômeurs."
"La livre sterling va s'effondrer"
C'est le seul point sur lequel les oiseaux de mauvais augure ne se sont pas trompés. La livre sterling a perdu environ 12% de sa valeur, un an après le vote sur le Brexit et connaît une nouvelle tendance à la baisse à quelques jours des élections législatives, dont l'issue apparaît aujourd'hui plus incertaine. La Première ministre, Theresa May, a demandé le renouvellement de la Chambre des communes pour s'assurer une plus large majorité que celle dont elle bénéficiait jusqu'alors, mais son avance face à son principal opposant, le travailliste Jeremy Corbyn, s'est considérablement réduite.
Si la chute de la livre peut sembler une mauvaise nouvelle a priori, c'est en fait grâce à elle que l'économie britannique s'est bien tenue en 2016. Pour Christophe Boucher, économiste à l'université Paris-Nanterre, cette chute "a dopé l'économie britannique à court terme". Selon lui, les Britanniques se sont mis à consommer davantage en prévision de l'inflation qui allait toucher le pays, les produits de l'étranger devenant de fait plus cher avec la chute de leur monnaie. De plus, cela a favorisé le tourisme, les étrangers bénéficiant d'une hausse automatique de pouvoir d'achat. "Les réservations Airbnb ont explosé au lendemain du vote", note même Christophe Boucher.
Mais à plus long terme, cette chute de la livre devrait poser problème pour les Britanniques. L'inflation se fait d'ailleurs déjà sentir, elle atteint 2,7% sur un an en avril, la plus forte hausse depuis 2013. Un niveau qui menace directement leur pouvoir d'achat notent Christophe Boucher et Catherine Mathieu, car les salaires, eux, n'augmentent pas.
"Les marchés financiers vont paniquer"
Dès le lendemain du vote du 23 juin 2016, les marchés ont chuté avant de rapidement se stabiliser. "Ils avaient plutôt parié sur le maintien dans l'Union, relève Christophe Boucher. L'effet de panique a duré deux ou trois jours, puis les indices sont remontés très rapidement." Par la suite, ils se sont stabilisés, rassurés par les bons résultats de l'économie britannique.
Mais pour ce spécialiste des marchés financiers, ces bons résultats font un peu office de calme avant la tempête. En fait, "le Brexit n'a pas encore eu lieu", d'après lui, et "il sera extrêmement coûteux pour le centre financier de Londres". Aujourd'hui, au carrefour des échanges financiers européens et mondiaux, la capitale risque de voir son statut changer au profit d'autres places comme Francfort ou Paris.
La bonne santé de l'économie britannique repose en grande partie sur l'exportation de ses services financiers dans toute l'Europe. Un atout qui pourrait être remis en cause en cas d'absence de deal, une option qu'a évoquée la Première ministre, Theresa May. D'autant que l'Union européenne n'a pas intérêt à lâcher trop de lest dans les négociations au risque de donner des idées à d'autres pays qui souhaiteraient eux aussi sortir et garder des avantages. Christophe Boucher résume : "De toute façon, le Brexit sera plus coûteux pour le Royaume-Uni que pour l'UE, mais on n'en a pas encore vu les effets."
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