L'Allemagne peut-elle vraiment sortir du nucléaire d'ici à 2022 ?
Contrairement à la France aujourd'hui totalement dépendante de l'atome, l'Allemagne ne tire qu'un quart à peine de son électricité du nucléaire, et plus spécifiquement de ses neuf réacteurs encore en activité. Sept autres, plus anciens, ont été déconnectés du réseau, au lendemain de la catastrophe japonaise, pour subir des inspections de sécurité. Un dernier l'était déjà depuis plus longtemps encore.
En annonçant ce matin l'abandon du nucléaire, le ministre de l'Environnement allemand Norbert Röttgen a détaillé le calendrier. Le sort des huit vieux réacteurs est plié : ils ne seront plus jamais réactivés. Parmi les neuf autres, six seront arrêtés d'ici à 2021. Et les trois derniers en 2022.
_ Un revirement complet donc de la part d'Angela Merkel qui revient au projet de la coalition des sociaux-démocrates et Verts au pouvoir il y a dix ans. Ils s'étaient alors aussi fixé la date de 2021 pour tourner la page du nucléaire. Date pourtant repoussée de 12 ans en 2010 par la chancelière. Le dernier réacteur devait alors être arrêté en 2036.
Une décision "irréversible" : vraiment ?
Après tant d'atermoiements, le ministre Röttgen a mis les points sur les i ce matin, jurant que cette décision était "irréversible".
_ Pour la présidente d'Areva pourtant, "d'ici 2022, il peut se passer beaucoup de choses". Anne Lauvergeon voit en effet dans ce revirement une décision "purement politique", qui n'exclut pas un futur retournement de situation devant le coût financier de l'opération. Selon elle, le fermeture des sept premiers réacteurs a déjà "entraîné un renchérissement significatif des coûts de l'électricité" dans le pays.
"La théorie du passager clandestin"
A cela, s'ajoute l'approvisionnement. Où piocher le quart d'électricité manquant ? La présidente du Medef, Laurence Parisot, s'est interrogée ce matin sur RMC/BFM TV : "Est-ce que l'Allemagne fait ce choix tout en sachant qu'elle va continuer à importer du nucléaire de France ? C'est ce qu'on appelle la théorie du passager clandestin. Est-ce qu'il y a au contraire derrière cela un plan gigantesque d'innovation technologique ?"
_ De fait, début avril, trois semaines après l'arrêt de ses sept plus vieux réacteurs, on apprenait de la Fédération allemande de l'énergie et de l'eau que les importations allemandes d'électricité en provenance de France avaient doublé. Chiffres contestés alors par le gouvernement allemand.
Quelles énergies de substitution ?
Des questions restent donc en suspend : comment approvisionner l'Allemagne, sans faire tourner les centrales nucléaires des voisins ? Comment éviter de se replier sur les énergies fossiles ? L'Allemagne peut-elle à seul coup d'énergies renouvelables combler le manque à gagner ?
-
Aujourd'hui, ce sont bien les centrales au charbon qui assurent 43% de la production brute. L'Allemagne affirme travailler à l'amélioration de la technologie, pour minimiser les émissions de CO², et compte bien construire de nouvelles centrales. Mais localement la résistance des riverains est très forte.
-
Le gaz ? Sa part dans la production allemande est de 14%. Mais il est exclusivement importé, ce qui soumet l'Allemagne aux fluctuations importantes du prix et aux aléas de livraison. Le Centre allemand de technique aérospatiale, versé dans la conception des turbines à gaz, propose cependant de construire de nouvelles centrales à gaz. Pour lui, il y a moyen ainsi de remplacer en dix ans la capacité du nucléaire, mais au prix d'"une augmentation de 40 millions de tonnes par an des émissions de CO² et de coûts plus élevés".
-
L'Allemagne peut-elle alors miser sur les seules énergies renouvelables ? Aujourd'hui, elles apportent déjà 18% de l'électricité. Le pays, très en pointe dans le domaine, compte encore explorer l'éolien offshore. Mais se pose encore la question de l'acheminement de ce courant produit en mer et de son coût.
_ Cependant, la Fédération des énergies vertes, le BEE, assurait en mars que le vent, combiné au soleil et à la biomasse étaient en mesure d'assurer d'ici à 2020 la production de 47% du courant allemand. Mieux, il affirmait possible d'atteindre 100% d'ici à 2030, "à condition de faire un très gros effort". Optimisme douché alors par le magazine Der Spiegel qui écrivait que ce scénario coûterait environ 230 milliards d'euros d'investissements et une flambée des factures d'électricité.Obligatoire politique d'économie d'énergie
La secrétaire nationale d'Europe-Écologie/Les Verts, Cécile Duflot, sur France Info ce matin, veut pourtant y croire. Selon elle, les Allemands vont nécessairement mettre en place une véritable politique d'économie d'énergie.
Cécile Duflot modère aussi la question du coût des diverses énergies. Le postulat selon lequel l'électricité produite par le nucléaire serait moins chère relève, selon elle, de "la légende", car "on oublie les coûts de démantèlement des centrales".
Surtout, la leader du parti écologiste estime que la France pourrait emboîter le pas et fermer ses centrales en vingt ou vingt-cinq ans. Elle assure qu'un calendrier précis figurera dans le programme du candidat Europe-Écologie/Les Verts à l'élection présidentielle.
Cécile Quéguiner, avec agences
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.