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"ETA ne demande pas pardon"

L'organisation séparatiste basque a annoncé jeudi 20 octobre qu'elle déposait les armes, mais la presse espagnole est mitigée.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La Une d'El Pais le 21 octobre 2011. (DR)

"La fin de la terreur". Le titre barre la une du quotiden espagnol El País vendredi 21 octobre. Au lendemain de l'annonce par l'organisation séparatiste basque ETA de "la fin définitive de l'action armée", l'ensemble de la presse espagnole consacre une large part à l'événement. "Une annonce sans précédent", qui signe la fin de 43 ans de lutte armée qui a fait 829 morts, reconnaît El Mundo.

A l'exception du quotidien conservateur ABC, toute la presse parle d'un jour historique. El País salue le "point final du cauchemar". Pour le journal de centre gauche, l'annonce d'ETA signifie que "la démocratie espagnole a triomphé face aux fanatiques". El Periódico, quotidien publié à Barcelone, se réjouit quant à lui du "triomphe du droit et de la liberté".

Mais dans l'ensemble, la presse espagnole est partagée entre bonheur et scepticisme.

• ETA ne se dissout pas, ne rend pas les armes et ne demande pas pardon

L'organisation terroriste basque met fin à son action armée, néanmoins elle "ne se dissout pas et ne rend pas les armes", regrette avec amertume ABC sur sa une. Dans un éditorial "en l'honneur des victimes", le journal estime qu'ETA "ne croit pas à la fin sans dissolution et remise des armes". Et d'ajouter que "le seul fait que l'organisation existe encore" constitue "une menace".

Le quotidien dénonce également le "double langage de communication d'ETA". Si ABC reconnaît que l'annonce de jeudi "va plus loin" que les anciennes trêves de l'organisation terroriste basque, le quotidien reproche à ETA de demander "l'ouverture de négociations politiques".

ABC souligne que les terroristes basques ne renoncent pas à leur objectif : l'indépendance du Pays basque. Donc "les soupçons" à l'égard de l'organisation "sont justes et logiques", conclut le journal.

Un sentiment d’inachevé ressort aussi à la lecture d'El Mundo. Le quotiden de centre-droit reconnaît une "annonce sans précédent" mais souligne que l'ETA "salue ses assassins et somme le gouvernement de négocier".

Pour La Vanguardia, quotidien catalan, l'ETA "défaite, abandonne les armes" mais son "communiqué ne parle ni de dissolution, ni de victimes, ni de conditions politiques".

• Les victimes, grandes oubliées

La une de Público, quotidien national espagnol, est barrée par un "Au revoir ETA" sur fond rouge. Le journal publie sur sa dernière page les noms des 829 victimes de l'organisation terroriste. Il salue lui aussi la fin d'"un demi-siècle de terreur" et rappelle "le calvaire des familles des victimes" de l'ETA, "les personnes enlevées qui n'oublient pas, et tous ceux qui ont choisi de quitter le Pays basque sous la peur et ceux qui sont restés sous escorte".

"ETA ne demande pas pardon", regrette ABC. "Nous n'oublions pas, nous n'oublierons pas", prévient l'éditorial de La Razón. La fin d'ETA "sera réelle quand ils rendront leurs armes et demanderont pardon pour la douleur, et quand ils assumeront leur responsabilité morale", estime La Razón.

Pour El Periódico, "le groupe terroriste ne fait pas la moindre référence [aux victimes] dans son communiqué". Le quotidien catalan y voit "un autre exemple de sa cruauté et de son manque de générosité".

• Les élections en ligne de mire

"Avec ce dernier communiqué, l'ETA entre une fois de plus en campagne juste un mois avant les élections du 20 novembre", rappelle El Mundo au sujet des législatives anticipées. Pour le quotidien, "il est inévitable que la campagne électorale prenne désormais une nouvelle dimension".

Pour ABC non plus, l'annonce d'ETA n'est pas dûe au hasard : l'avancement des élections "a convaincu ETA d'avancer" sa décision. "Le groupe, déjà affaibli d'un point de vue opérationnel, a intériorisé" une victoire du Parti populaire face au PSOE de Zapatero, estime le journal. Ce qui signifierait la fin de la "négociation politique" pour ETA ; le "changement de stratégie" 

Même son de cloche sur El País : "Le débat sur l'indépendance basque continue". Le journal de centre gauche estime que désormais, "le parti nationaliste basque (PNV) ainsi que Batasuna [parti indépendantiste d'extrême gauche] se battront dans les urnes" lors des élections du 20 novembre.

• La France en service minimum

"La France a pris son temps pour réagir à l'information", s'étonne El País. "Le gouvernement français a tardé à réagir" après l'annonce de l'ETA, et d'ajouter que "ni l'Elysée, ni le ministère de l'Intérieur français" n'a fait de déclaration.

Le quotidien souligne que José Luis Rodríguez Zapatero a téléphoné à Nicolas Sarkozy jeudi soir pour "débattre de la marche à suivre". Pour expliquer son manque de réactivité, le porte-parole du Quai d'Orsay explique à El País que le gouvernement

A l'image du gouvernement français, les médias de l'Hexagone restent sobres sur le sujet, pour ne pas dire absents. C'est le constat fait par El Periódico : "La fin d'ETA ne fait pas la une de la presse française". Le quotidien catalan, diffusé dans toute l'Espagne, indique : "La France, pays avec lequel l'Espagne a récemment établi une coopération étroite dans la lutte contre le terrorisme d'ETA (…) ne consacre pas beaucoup d'espace à l'information".

Enfin, le site de la télévision publique espagnole, RTVE.es, s'étonne : "Les médias français traitent l'information comme une affaire propre à l'Espagne (…) Aucune mention n'est faite de l'appel au dialogue lancé à la France par l'ETA dans son communiqué de jeudi".

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