Espagne : des élections qui sonnent le glas du bipartisme
Les Espagnols sont appelés aux urnes ce dimanche pour élire leurs députés. Une élection est très particulière car elle signe la fin du bipartisme espagnol. Pour la première fois, le scrutin se joue entre quatre partis et non plus deux. Avant, c’était soit le parti populaire, soit le PS. Demain il faudra aussi compter sur la gauche radical de Podemos et les centristes de Ciudadanos. Des partis "alternatifs" comme on dit ici en Espagne.
Et pour illustrer ce qu’est un parti alternatif… direction Barcelone.
La mairie a mis en place fin novembre un bureau de la "pauvreté énergétique". Isabelle est venue demander de l’aide :
"Je suis venue parce que j’ai des problèmes financiers. J’élève seule cinq enfants. Le gaz, l’électricité et l’eau représentent 40% de mon salaire. Il y a aussi la nourriture et l’appartement. A la fin du mois, il me reste 200 euros pas plus"
Ce point d’information a été décidé par la nouvelle maire Ada Colau, affiliée à Podemos. Cristina Buscarons explique aux habitants comment faire des économies de gaz, d’électricité et d’eau, en renégociant leurs contrats par exemple ou en changeant leurs habitudes. Des choses auxquels ils n’auraient pas pensé avant, commente Cristian : "Quand la situation économique était plus favorable, qu’il y avait du travail, les gens ne faisaient pas attention aux factures… Ils ne regardaient pas ce qu’ils dépensaient. Quand ils ont perdu leur emploi, ils se sont rendus compte qu’ils payaient beaucoup sans le savoir"
Podemos applique une réelle politique sociale à Barcelone. Mais le parti sait qu’en Catalogne, pour faire un bon score, il faut aborder la question cruciale de l’indépendance. Il est le seul des quatre partis à proposer un referendum sur cette question s'il gagne les élections.
Victime de la crise
En Catalogne, la problématique de l’indépendance est au centre des débats, mais ailleurs en Espagne, la crise est la principale préoccupation.
Le pays est durement touché depuis 2008, le taux de chômage est à 21%. A Saragosse, entre Barcelone et Madrid, nous avons croisé Guillermo. Il a travaillé pendant 18 ans dans une entreprise de produits chimiques avant d’être licencié. Aujourd’hui il enchaîne les contrats de 15 jours. La réforme du marché du travail votée par le parti des conservateurs actuellement au pouvoir a précarisé l’emploi en Espagne, raconte-t-il.
"Depuis deux ans il y a plus d’emplois oui mais avec des conditions qui se sont détériorées et des salaires très bas. Avant, personne n’acceptait de travailler pour 1.000 euros par mois. Aujourd’hui on s’entretue pour 1.000 euros".
Lui gagne 1100 euros par mois, deux fois moins qu’avant la crise : "J’ai dû changer mes habitudes. C’est fini le temps où je m’arrêtais boire un café quand je voulais. J’ai deux enfants de 15 et 12 ans et j’ai peur pour leur avenir. Je voterai Podemos dimanche pour voir ce qu’ils peuvent faire. De toute façon il faut un changement. Le PP doit partir, il nous a montré qu’il n’est pas efficace"
Corruption
Le parti populaire de Mariano Rajoy est en difficulté, poussé vers la sortie par ces nouveaux partis qui dénoncent violemment la corruption. Depuis 2012 de nombreux scandales de corruption éclaboussent le parti populaire et le parti socialiste.
A Madrid, nous avons rencontré l’ancien directeur du Centre espagnol de recherches sociologique (CIS), Fernando Vallespin. Les enquêtes d’opinion réalisées par le CIS montrent que la corruption est une grande source de préoccupation chez les Espagnols :
"La conscience morale publique des Espagnols a profondément changé ces dernières années. A cause de la crise, les Espagnols se sont aperçus qu’il y avait des rapports obscurs entre les élites politiques et les élites socio-économiques. Les difficultés du pays ont rendu cette réalité inacceptable".
En choisissant de combattre la corruption, Podemos et Ciudadanos devraient engranger des voix. Pas assez pour arriver premier. Même si le scrutin est très incertain, tous les sondages prédisent une victoire du Parti populaire. Sans majorité absolue. Mariano Rajoy devra former un gouvernement de coalition. Du jamais vu en Espagne.
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