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En droit, qu'est-ce qu'un otage ?

L'Elysée a annoncé le 31 décembre 2013 la libération de l'otage français Georges Vandenbeusch, prêtre catholique enlevé le 13 novembre 2013 au Cameroun. Au-delà, quel est le statut juridique d’un otage ? Perçoit-il son salaire pendant sa détention ? Comment peut-il être indemnisé ? Autant d'éléments qui ne sont que discrètement abordés quand une affaire s'achève. Principaux éléments de réponses.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le prêtre catholique français Georges Vandenbeusch (photo prise à Sceaux, Hauts-de-Seine, le 21-7-2011). Il avait été enlevée le 13 novembre 2013 par des hommes armés dans le nord du Cameroun, près de la frontière avec le Nigéria. Le groupe islamiste armé nigérian Boko Haram avait affirmé le détenir.  (AFP - Ville de Sceaux (92330))

Ils sont encore six otages français français dans le monde (sept otages selon Otages du monde en comptant le franco-mexicain Rodolfo Cazares, disparu au Mexique depuis juillet 2011). Plusieurs otages, dont le dernier Francis Collomp qui a  fui ses geôliers le 17 novembre 2013, viennent d'être libérés, dont certains travaillaient dans de grandes entreprises comme Areva ou Vinci.

Le statut d’otage
«Depuis 1945, le droit international a envisagé les prises d’otages au prisme des conflits armés et l’a rangé, pendant trente ans, parmi les crimes de guerre. L’article 3 commun aux quatre conventions de Genève du 12 août 1949 prohibe "en tout temps et en tout lieu" à l’égard des personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, notamment, les atteintes portées à la vie, à l’intégrité corporelle, à la dignité ainsi que "les prises d’otages"», explique le site.
 
«On retrouve cette prohibition dans les instruments internationaux ultérieurs et notamment dans les deux protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de Genève et dans le statut de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998», rappelle un projet de loi déposé au Sénat.

L’association Otages du Monde, créée par d'ex-otages, propose, elle, une définition approchante «Quels que soient les motifs pour lesquels une personne est séquestrée, la prise d’otages constitue une violation des Droits de l’Homme, portant atteinte à l’intégrité, à la liberté et à la tranquillité des familles des victimes de ce délit. Ceci constitue également une violation des articles 1, 3, 5 et 9 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée et proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 227 (III) du 10 décembre 1948».
 
L’association précise l’état du droit français : «L’article 421-1 du Code Pénal dispose que "constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur (…) les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaire à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration."»

Au-delà des aspects juridiques que cette définition entraîne, le fait d'être otage déclenche la possibilité d'être indemnisé comme toute victime du terrorisme. Le système d’indemnisation des victimes de terrorisme, appelé Fonds de Garantie des victimes, s’applique aux otages, dédommageant une partie des douleurs subies par la privation de liberté ou les sévices endurés.



L'aide aux otages
Sur un plan plus matériel, les questions d’argent ne peuvent jamais couvrir les souffrances endurées par les otages et quelles que soient les solutions apportées, elles ne compensent jamais le temps perdu et les angoisses subies.
 
La France dispose d’un système de défense des victimes. «Dans la majorité des cas, les victimes de prise d’otages sont indemnisées par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, ou FGTI, parce que, comme les chiffres du Quai d’Orsay le confirment, 70% des prises d’otages de ces dernières années ont été perpétrées par des organismes terroristes», précisait Corine Lepage au Sénat à propos des prises d’otages à caractère terroriste et non celles à caractère mafieux.
 
Par ailleurs, les otages qui sont enlevés dans le cadre d’une présence professionnelle à l’étranger restent normalement rémunérés par leur entreprise. Vinci nous a confirmé avoir continué à verser les salaires de ces otages, libérés récemment. Areva a aussi indiqué que Daniel Larribe, otage au Niger, avait normalement perçu son salaire durant le temps de sa captivité et que tout avait été mis en œuvre pour accompagner son retour dans l’entreprise, selon le site Rue89.

L'otage reste un salarié
Le droit du travail indique qu'une entreprise a une «obligation de sécurité et de santé» vis-à-vis de ses salariés. Une notion qui s'applique donc aux salariés qui sont enlevés dans le cadre de leurs activités professionnelles. «L'employeur a même un devoir de résultat» sur cette question, nous précise Eric Rocheblave, avocat spécialisé en droit du travail.

«La prise d'otage peut être considérée comme un accident du travail, avec les conséquences qui en découlent», ajoute-t-il, précisant que la «responsabilité de l'employeur provient du lien de subordination qui lie le salarié aux décisions de l'employeur». C'est en effet à la demande de l'employeur que des salariés sont expatriés.

Jean-Louis Normandin, ancien journaliste de France 2, qui avait été otage au Liban pendant un an et huit mois (1986-1987) et responsable de l'association Otages du Monde, estime cependant que ces différentes mesures ne permettent pas aux ex-otages de se reconstruire totalement.

Il regrette l'absence de définition précise de l'otage dans le droit français et dénonce essentiellement l'absence de décisions de justice dans les affaires de prises d'otages. «Un chèque ne suffit pas, il manque le fait que la justice rende une décision dans ces affaires. Or, il n'y a jamais eu de condamnations dans ces dossiers que ce soit par les justices nationales ou internationales», déplore-t-il.

L'arrivée de Jean-Louis Normandin à Orly, le 28 novembre 1987, en présence de Charles Pasqua et Jacques Chirac. (AFP)

 

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