EgyptAir : la correspondante du "Soir" refuse d'écrire un article "de sensation", son rédacteur en chef la remercie
Le message de Vinciane Jacquet, publié sur Facebook, a été partagé plusieurs milliers de fois.
"J'ai décidé de (...) ne pas céder au journalisme de sensation". Dans un message publié vendredi 20 mai sur son compte Facebook, Vinciane Jacquet raconte comment elle a appris, quelques instants plus tôt, que le quotidien belge Le Soir pour lequel elle écrivait depuis Le Caire (Egypte) avait décidé de ne plus faire appel à elle.
Plus de 14 000 partages sur Facebook
Dans ce texte, la journaliste française dit avoir été remerciée pour avoir refusé les directives de ses supérieurs qui lui avaient commandé des articles sur la disparition du vol MS804 d'EgyptAir. "On m'a demandé de ne pas proposer d'article 'factuel' mais d'insister sur la 'tristesse des familles' et de parler (remettre en cause) la sécurité de la compagnie aérienne égyptienne", affirme-t-elle. Impossible, selon elle, car les familles ont "refusé de parler aux médias" et les causes de l'accident sont pour l'heure inconnues.
Dans ce temps où les gens accusent les journalistes de mentir, d'amplifier, de maquiller, de couvrir les responsables, bref, ne leur font pas confiance, j'ai décidé de dire non, et de ne pas céder au journalisme de sensation au mépris du journalisme d'information et de son éthique.
Son texte a rencontré un formidable écho sur les réseaux sociaux. Partagé plus de 14 000 fois sur Facebook, le message a également été diffusé sur Twitter par de nombreux journalistes qui souhaitaient soutenir la rédactrice.
Bravo et merci à la consoeur @VincianeJacquet:"J'ai décidé de ne pas céder au journalisme de sensation". #EgyptAir pic.twitter.com/9LIiPwNTzG
— Nassira El Moaddem (@NassiraELM) 20 mai 2016
Intégrité. Merci à la consoeur @VincianeJacquet 'J'ai décidé de ne pas céder au journalisme de sensation' #EgyptAir pic.twitter.com/LDSbNiAYsF
— Safa Bannani (@SafaBannani) 20 mai 2016
Pour le quotidien, la journaliste "surjoue"
Contacté par francetv info, Christophe Berti, rédacteur en chef du Soir, dit avoir l'impression que la journaliste, qui travaillait occasionnellement avec le quotidien, "surjoue". Il explique qu'il lui a été demandé de ne pas faire un traitement factuel, comme cela pouvait être réalisé avec des dépêches d'agence. Mais avec davantage d'ambiance, avec un point de vue "local".
Afin d'y voir plus clair, le site Arrêt sur images publie les courriels échangés entre Vinciane Jacquet et le chef du service "Monde" du Soir. Après une première conversation au cours de laquelle la journaliste explique ne pas être en mesure de traiter les deux sujets demandés, son responsable lui demande d'insister.
Jeudi en fin d'après-midi, la rédactrice envoie un dernier e-mail à son chef. Elle dit ne pouvoir écrire l'article sur les familles de victimes que le lendemain, une fois les proches arrivés au Caire. "Pour la sécurité, je ne peux pas faire de papier sans savoir l'origine du crash. Je suis désolée", écrit-elle.
Le lendemain, le chef de service du Soir lui annonce la fin de leur collaboration. "Tu aurais dû nous envoyer un article, au moins. Je crois que tu es la seule correspondante au Caire à n’avoir rien écrit. (...) Tu as fait du bon travali pour nous, mais l'incident d'hier montre que tu n'es pas totalement opérationnelle, ou pas encore", écrit-il avant de la remercier "pour ce bout de chemin ensemble".
"Je ne pense pas que 'Le Soir' tire le journalisme vers le bas"
Dans son édition datée du vendredi, Le Soir a fait appel à un journaliste du Figaro présent sur place pour rédiger l'article demandé. "Je ne pense pas que Le Soir tire le journalisme vers le bas et fasse dans le sensationnalisme. Et pour vous faire une idée, je vous invite à lire le numéro de ce matin", explique encore le rédacteur en chef Christophe Berti à francetv info.
Interrogé par Arrêt sur images au sujet du message posté sur Facebook par la désormais ex-correspondante du journal, le chef du service "Monde" semble un peu plus amer : "Elle s'est fâchée et elle est devenue l'héroïne du journalisme debout. Tant mieux pour elle !"
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