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Des Portugais dans la Première guerre mondiale

La commune de Richebourg (Pas-de-Calais) abrite un cimetière militaire portugais où reposent 1830 tombes de soldats morts pendant la Première guerre mondiale. Il faut savoir qu’à partir de 1917, 50.000 Portugais ont été engagés aux côtés des Français et des Britanniques. Récit.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Militaires portugais, en partance pour la France, traversant Lisbonne en 1917 (mois non précisé). (Photo12)
«Dès les premiers jours de la guerre, le Portugal, fidèle à son alliance (conclue dès 1703), avait pris position et offert son concours à l’Angleterre qui l’avait décliné. (Cette dernière) ne souhaitait pas l’intervention d’un partenaire faible et divisé: la jeune République portugaise, proclamée le 5 octobre 1910, était en proie à de graves problèmes sociaux et politiques et confrontée à une opposition antiparlementaire et monarchiste», raconte la chercheuse Marie-Claude Muñoz.
 
De son côté, Lisbonne craint  pour ses colonies en Afrique, confrontée dès 1914 à des attaques allemandes notamment en Angola. Mais les Britanniques, qui cultivent méfiance et préjugés vis-à-vis de cet allié méridional, contraignent ce dernier à rester neutre. Pour autant, en raison des difficultés logistiques que connaissent les alliés occidentaux, Londres finit par demander aux autorités portugaises de s’emparer de bateaux de commerce allemands. Le 24 février 1916, celles-ci réquisitionnent quelque 70 navires allemands et austro-hongrois mouillant dans ses ports. Conséquence : le 9 mars, Berlin déclare la guerre au Portugal.
 
Contingent portugais sur le front
En février 1917, les premières troupes portugaises arrivent en France par Brest. Au préalable, elles ont suivi en Grande-Bretagne «un entraînement spécifique adapté à la guerre de tranchées et à la défense anti-gaz», rapporte le site de l’ECPAD. En tout, Lisbonne va envoyer sur le front occidental 50.000 hommes. Sans compter l’arrivée en France de près de 14.000 travailleurs civils venus suppléer le manque de travailleurs envoyés au front.
 
Rattaché à l’armée britannique (par la suite, un corps d’artillerie sera mis à la disposition des Français), le contingent militaire portugais prend en charge un secteur du front des Flandres, entre la vallée de la Lys au nord et la ville de la Bassée au sud, long d’une dizaine de kilomètres. Ce secteur est «tellement fortifié qu’il n’est plus considéré comme ‘‘chaud’’ par l’état-major allié». Des alliés qui ne tiennent pas forcément leurs camarades portugais en très haute estime. Les Britanniques les affublent ainsi du surnom de «Pork and Beans» («porc et haricots»), dont la prononciation dans la langue de Shakespeare rappelle l’adjectif «Portuguese» («portugais»)…

Ces deux soldats portugais s'apprêtent en 1917 (mois non précisé) à partir pour la France. L'un des deux (à droite), illettré, dicte à l'autre une carte postale.   (AFP - Photo12)
 
Confrontées aux réalités du terrain, les troupes portugaises voient leur moral se dégrader rapidement. «Les soldats ont d’énormes difficultés à s’adapter aux conditions climatiques particulièrement difficiles de l’hiver 1917-1918», raconte le site cheminsdememoire.
 
Pendant ce temps, à Lisbonne, un coup d’Etat militaire renverse la République en décembre 1917. Le nouveau régime, plus favorable à l’Allemagne, est opposé à la guerre. Mais il décide de respecter les engagements internationaux du pays. Pour autant, les soldats portugais en France sont quasiment abandonnés. Leurs ravitaillements ne sont presque plus assurés, plus aucun renfort n’arrive. Dans ce contexte, les cas d’insubordination se multiplient. Rentrés au pays en permission, les officiers ne rejoignent pas forcément leurs unités restées sur le front.

La bataille de la Lys
Avec la chute du régime tsariste et la révolution soviétique, la situation des belligérants évolue. Le 3 mars 1918, la Russie bolchévique signe un traité de paix séparée (le traité de Brest-Litovsk) avec l’Allemagne. Ce qui permet à Berlin de concentrer tous ses efforts de guerre sur un seul front à l’Ouest. Le haut état-major décide de lancer, pour le printemps 1918, une offensive générale. Le 9 avril 1918, l’armée du Kaiser attaque dans le secteur tenu par les Portugais. C’est le début de ce que l’on appellera ultérieurement la bataille de la Lys.
 
«Incomplètes et mal encadrées», les unités de Lisbonne «doivent affronter sur leur secteur près de dix divisions allemandes (…). Malgré quelques points de résistance, les soldats portugais sont balayés par l’offensive», raconte le site cheminsdememoire. Sur les 20.000 hommes engagés, plus de 600 seront tués, plus de 6500 faits prisonniers, selon des chiffres cités par Marie-Claude Muñoz. Pour toute la durée du conflit, la chercheuse fait état de «2000 tués et disparus, 5600 blessés et 6900 prisonniers». Mais d’autres sources parlent d’«un peu plus de 8.000 tués», dont «7000» durant la seule bataille de la Lys.

Par la suite, les unités portugaises seront envoyées en soutien des Britanniques et participeront à l’offensive alliée de l’été 1918 avant d’entrer en Belgique, signale cheminsdememoire.
 
Si humainement, pour le Portugal (comme pour les autres belligérants…), le bilan est catastrophique, il est maigre d’un point de vue territorial: lors du traité de Versailles, le pays récupère seulement le Triangle de Quionga, au nord du Mozambique, que lui avait pris l’Allemagne en 1894. Et d’un point de vue politique, la coopération militaire va permettre à la France de renforcer son influence à Lisbonne. 

Mis en ligne sur Youtube le 24 juillet 2012.
 

Le cimetière portugais de Richebourg (Pas-de-Calais), avec le drapeau du Portugal (13 novembre 2011) (AFP - Hemis.fr - Richard Soberka)

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