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Belgique : cinq questions pour comprendre la démission du gouvernement de Charles Michel

Le roi doit maintenant décider s'il accepte ou non cette démission. Un gouvernement pour gérer les affaires courantes devrait être nommé jusqu'aux prochaines élections législatives, prévues en mai prochain. 

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le Premier ministre belge, Charles Michel, donne une conférence de presse à Bruxelles, le 14 décembre 2018. (THIERRY ROGE / BELGA MAG / AFP)

La Belgique vit une nouvelle crise gouvernementale. Le Premier ministre belge, Charles Michel, a annoncé, mardi 18 décembre, la démission de son gouvernement de centre droit. Pour l'heure, elle n'est ni acceptée, ni refusée par le roi Philippe, qui a expliqué tenir "sa décision en suspens". Il doit consulter les chefs de partis mercredi. Franceinfo revient sur les raisons de cette démission qui précipite le pays dans l'incertitude.

Quelle était la majorité à la tête de la Belgique ?

Le Premier ministre, Charles Michel, dirigeait une coalition depuis 2014. Cette coalition était composée de son propre parti, le Mouvement réformateur (MR, libéral francophone), du parti nationaliste Alliance néoflamande (N-VA), première formation de Flandre et du royaume, des chrétiens-démocrates flamands et les libéraux flamands.

Mais le 9 décembre, les cinq ministres et secrétaires d'Etat issus de la N-VA ont démissionné. Charles Michel a dû recomposer une autre équipe gouvernementale, appelée "Michel 2", sans la N-VA, pourtant principale composante du gouvernement précédent.

Quelles raisons ont poussé le Premier ministre à démissionner ?

- Le pacte mondial de l'ONU sur les migrations. Ce texte, dit pacte de Marrakech, a semé la discorde au sein de la coalition. Malgré son caractère non contraignant, les nationalistes flamands ont rejeté ce texte, après l'avoir soutenu dans un premier temps. Selon la N-VA, le pacte de Marrakech ouvre la voie à des pertes de souveraineté des Etats signataires sur leur politique migratoire.

Ce revirement de la part des nationalistes flamands est aussi dû à leur "recul enregistré lors des communales d'octobre au profit du Vlaams Belang – l'extrême droite flamande – et bien évidemment la perspective des élections de 2019", rapporte Le Figaro

Mais malgré l'absence de soutien de la N-VA, Charles Michel a décidé de maintenir le cap et de signer le pacte de Marrakech. La veille du départ du Premier ministre pour le Maroc, la N-VA a donc logiquement décidé de retirer son soutien à la coalition. Résultat : le gouvernement belge ne disposait plus de majorité à la Chambre des députés.

- Un gouvernement sans majorité pour voter le budget. Sans majorité, la tâche de faire voter à la Chambre des députés le budget 2019 est devenue très compliquée pour Charles Michel. Ainsi, le parti flamand N-VA, dirigé par le maire d'Anvers, Bart De Wever, avait posé certaines conditions pour continuer à soutenir le gouvernement "Michel 2" et à voter le projet de budget 2019.

Il souhaitait rouvrir des discussions constitutionnelles, mais demandait aussi au gouvernement de renoncer au pacte de Marrakech. Charles Michel lui a opposé une fin de non-recevoir, évoquant un "chantage" et des demandes "inacceptables"

- Une motion de méfiance de l'opposition. Privé de majorité, Charles Michel a tenté de tendre une main à l'opposition, mardi, devant la Chambre des députés, raconte Le MondeIl a  lancé un appel à leur collaboration "dans l’intérêt de notre pays et des citoyens".  Mais en vain. Socialistes et écologistes ont déposé, après une suspension de séance, une motion dite "de méfiance". "Je respecte et je prends note. Je décide de présenter ma démission et je me rends immédiatement chez le roi", a alors réagi Charles Michel.

De nouvelles élections vont-elles avoir lieu ?

Dans tous les cas, des élections législatives sont prévues en mai prochain. Mais si le roi accepte la démission de Charles Michel, des élections anticipées pourraient avoir lieu avant cette échéance. "Le roi peut décider de cela, mais seulement si une majorité au Parlement vote aussi cette dissolution de la Chambre qui mènerait à des élections. Est-ce qu’une majorité veut vraiment aller vers des élections anticipées ? C’est le choix de la N-VA, mais est-ce que d’autres partis de l’opposition veulent vraiment aller dans cette direction ? C’est une tout autre question", explique le politologue Dave Sinardet à RTL Info.

Le politologue Pascal Delwit ne croit pas non plus à un retour anticipé aux urnes. "Le roi ne devrait pas refuser la démission de Charles Michel. Et l’on devrait aller vers la nomination d’un informateur [un et avoir un gouvernement en affaires courantes jusqu’en mai", analyse-t-il dans L'Echo.

Une telle situation est-elle inédite en Belgique ?

Ce n'est pas la première crise de ce type dans l’histoire du royaume. La Belgique s'est déjà retrouvée plusieurs fois sans gouvernement. La période la plus longue a même été 541 jours entre 2010 et 2011, rappelle à franceinfo Marc Sirlereau, journaliste à la RTBF.

Le pays est donc habitué à avoir à sa tête un gouvernement qui gère les affaires courantes. Ce fut aussi le cas en 1978, en 1992 ou encore en 2007. Néanmoins, cette situation n'empêche pas les gouvernements provisoires de prendre des décisions importantes le cas échéant. "En 541 jours d'affaires courantes, la Belgique a finalisé le budget 2011, elle a aussi présidé le conseil de l'Union européenne", signale la RTBF

Quelles sont les réactions politiques ?

Si la situation n'est pas inédite, elle provoque néanmoins de très nombreuses réactions. L'opposition se félicite de cette démission. Le Premier ministre, Charles Michel, "tournait autour du pot depuis deux ou trois semaines, la situation est clarifiée, il n'avait plus la confiance", a réagi le coprésident d'Ecolo, Jean-Marc Nollet. De son côté, la N-VA espère que la période ne va pas devenir "cinq mois de chaos", rapporte Le Vif.

Côté éditorialistes, les jugements sont sévères à l'égard de cette énième crise politique, comme l'a repéré RTL. L'Echo évoque un "surréalisme à la belge", Le Soir estime que la situation touche "au paroxysme de l'absurde". La Libre Belgique prédit une forte croissance des extrêmes, de droite et de gauche, et un pays hautement ingouvernable".

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