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Barroso devant la justice européenne pour avoir poussé un des ses commissaires à la démission

Le président de la Commission européenne a dû s'expliquer devant le Tribunal de l'UE sur sa décision de faire démissionner l'ancien commissaire à la Santé John Dalli, mis en cause dans une affaire de corruption présumé.

Article rédigé par Martin Gouesse - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
L'ancien commissaire européen à la Santé John Dalli arrive à la Cour de justice européenne, à Luxembourg, le 7 juillet 2014. (JOHN THYS / AFP)

Le "Dalligate" devant des juges européens, plus d'un an et demi après les faits. Octobre 2012, le commissaire européen à la Santé John Dalli est promptement poussé à la démission par José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, pour trafic d'influence présumé. Depuis sa démission, l'ancien commissaire ne cesse de clamer son innocence et affirme avoir été victime d'un complot de l'industrie du tabac qui l'aurait piégé alors qu'il s'apprêtait à présenter une nouvelle proposition de loi européenne pour durcir la législation antitabac.

John Dalli a saisi le Tribunal de l'Union européenne pour obtenir l'annulation de la décision orale par laquelle José Manuel Barroso a exigé sa démission, ainsi que pour obtenir réparation, notamment ses salaires de commissaire.

José Manuel Barroso était donc devant la justice européenne, à Luxembourg, lundi 7 juillet, pour s'expliquer sur sa décision d'exiger ce départ. Une audience suivie par François Beaudonnet, correspondant de France Television à Bruxelles.

Francetv info : La confrontation qui se déroule devant les juges européens est exceptionnelle. Pourquoi ?

François Beaudonnet : Imaginez le président de la Commission européenne lever la main droite et dire: "Je jure de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité." C'est du jamais-vu. C'est sans doute pour cela d'ailleurs qu'il nous est interdit de faire des images de l'audience. José Manuel Barroso a insisté sur le fait qu'il était là en tant que témoin. Il doit avoir en tête la démission en bloc de la commission Santer, en 1999. A cette époque, devant les allégations de mauvaise gestion de ses membres, et notamment d'Edith Cresson, toute la Commission présidée par Jacques Santer avait dû démissionner. Aujourd'hui, depuis le traité de Lisbonne, un seul commissaire peut quitter Bruxelles sans provoquer le départ de tout le groupe.

Les deux hommes s'opposent sur la façon dont le départ du commissaire s'est passé. Dalli affirme qu'il aurait demandé 24 heures, alors dit-il que Barroso ne lui aurait accordé que trente minutes pour faire ses cartons. 

A l'origine de cette affaire, il y a les directives anti-tabac et des milliards d'euros en jeu.

Effectivement. Barroso explique que si Dalli n'avait pas démissionné, il lui aurait demandé de partir. Devant le possible scandale, il a voulu faire vite. Il faut se souvenir que c'était au moment des discussions sur les directives antitabac, des directives très dures pour les cigarettiers. Face-à-face, les deux hommes se renvoient le fait d'avoir des contacts avec les cigarettiers. Pour Dalli, ce serait justement sous la pression des lobbys du tabac que Barroso aurait agi. Ce dernier, lui, s'appuie sur le rapport de l'Office européen de lutte antifraudes (Olaf), qui explique que John Dalli a eu deux contacts avec ces lobbys. C'est donc parole contre parole.

José Manuel Barroso a-t-il réussi à éviter le scandale ?

Oui, le scandale est écarté. La couverture par la presse n'a pas été très conséquente. Mais surtout, quelle que soit la décision des juges, l'arrêt ne sera rendu qu'après le départ de son équipe. En octobre prochain, c'est un nouveau président et des nouveaux commissaires qui vont arriver à Bruxelles. La présidence Barroso ne devrait pas être éclaboussée par le "tobaccogate".

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