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Vivre sous la menace des attentats : "On fait avec, on n’a pas le choix"

Comment vivre avec la menace d'attentats au quotidien ? Francetv info a posé la question à des gens qui vivent ou ont vécu en Israël. 

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une femme écrit "Ensemble, nous tenons. Divisés, nous tombons. La peur ne peut pas gagner" sur un mur à Bruxelles, après les attentats du 22 mars 2016. (EMMANUEL DUNAND / AFP)

Peur, alertes à la bombe successives et militaires à chaque coin de rue. Depuis le 7 janvier 2015 et plus encore, depuis le 13 novembre, les Français ont pris conscience de la menace terroriste présente sur leur territoire. Les attentats du 22 mars à Bruxelles viennent leur rappeler. "Il faut s'habituer à vivre avec la menace terroriste", a déclaré Manuel Valls le 16 février. Mais peut-on s'habituer à ce danger quotidien ? Francetv info a posé la question à des personnes qui vivent ou ont vécu en Israël, où les habitants ont dû prendre l'habitude de coexister avec le terrorisme.

La peur des attentats au quotidien

La peur est "toujours en arrière-plan" pour Avigail Gottdiener, habitante de Haifa, au nord de Tel Aviv. "Mes actes au quotidien sont influencés par cette peur. Quand je suis dans le bus ou à un arrêt, je fais attention aux passagers, à ce qu’ils portent, ce qu’ils tiennent. Quand je suis au supermarché ou au cinéma, je regarde autour de moi", explique cette quadragénaire. "Quand je faisais mes courses au centre commercial — déjà visé par des attentats — j'avais conscience que quelqu'un pouvait se faire exploser à tout moment", renchérit Louise, étudiante qui a effectué un stage à Tel Aviv de juin à septembre 2014. 

Dans ce climat, chacun a déjà vécu, de près ou de loin, un attentat. Deux semaines seulement après son arrivée, Stéphanie, journaliste française de 30 ans venue travailler en Israël en mars 2011, a vu son bus habituel attaqué. Elle se souvient : "Ce jour-là, je voyageais dans ce bus 45 minutes avant l'attaque. J'avais eu peur car on entendait les sirènes de l'extérieur et la télévision les faisait résonner." "Je ne pense qu'à ça, explique-t-elle. Mais après, c'est mon métier et je garde en tête qu'il ne faut pas oublier de vivre."

Heloïse Fayet, jeune Française partie étudier un an à l'université hébraïque de Jérusalem en 2014, a elle été témoin d'un attentat au couteau. "Un matin, le tramway est resté plus longtemps que d'habitude à l'arrêt, raconte-t-elle. On a entendu des cris, et on a compris qu'une femme avait essayé de poignarder quelqu'un à la porte du tramway. Elle a été interceptée par les gardes de sécurité et on est repartis. A partir de ce moment-là, j'ai commencé à être plus attentive, à regarder autour de moi." 

"Nous avons appris la vigilance"

Les habitants s'adaptent donc à la situation. "Depuis la vague d'attaques au couteau, j'utilise plus volontiers un sac à dos quand je sors, plutôt qu'un sac à main, pour me protéger", explique Stéphanie. Des petits gestes "inconscients" se mettent donc en place, d'après Héloïse. "Ne pas s'asseoir près des vitres dans le tram, ni à côté de la porte, toujours être dos au mur quand on attend, pour ne pas se faire écraser, être attentive aux sacs laissés par terre…", liste l'étudiante. 

Pour Haim Rozenberg, 51 ans, chercheur à l'institut Weizmann des sciences, cette vigilance a peu à peu été intégrée par les habitants. "Nous avons appris tous ces petits gestes, comme par exemple ouvrir son sac à l’entrée d’un magasin ou interpeller des gens que nous ne connaissons pas lorsque que nous voyons un objet suspect… Nous avons appris la vigilance", explique-t-il.

Des conseils circulent "de manière virale" sur les réseaux sociaux, dit Louise. "Ils disent que lorsqu'un individu semble suspect, il ne faut jamais lui tourner le dos, mais rester à distance et prévenir les autorités. Si la personne a agressé quelqu'un, il y a aussi des techniques pour désarmer l'auteur." Pour être parés à l'éventualité d'une attaque, certains suivent ainsi des cours d'autodéfense : "Beaucoup font du Krav maga", explique Louise. 

Au fil des attaques, l'habitude

Quelques heures après l'attaque de son bus habituel, "tout était redevenu calme et les passagers reprenaient le bus en attendant normalement à son arrêt, où il y avait encore du sang au sol", décrit Stéphanie. Si la jeune Française prend le taxi ce soir-là, elle se fait violence pour reprendre ses habitudes quotidiennes. "Malheureusement, on s’habitue. On fait avec, on n’a pas le choix. Ça devient intrinsèque au quotidien, à tel point qu'on n'y fait plus trop attention. On décide de ne pas s'arrêter de vivre, d'aller déjeuner en terrasse alors qu'une attaque au couteau vient d'avoir lieu dans une autre ville."

J'ai appris à chasser cette peur des attentats de mes pensées, sans quoi il serait impossible de vivre normalement.

Avigail Gottdiener

à francetv info

Héloïse s'est elle aussi rapidement habituée à cette atmosphère pesante. Quand de nouvelles attaques survenaient, elle ne restait pas longtemps chez elle. "Ça devient ton quotidien. Quand tu te lèves le matin et que tu vois 'Un homme poignardé à la porte de Damas ou à la station de tram Shimon HaTzadik', tu te dis, 'bon, ce n'était pas moi, tant mieux… Mais la plage de Tel Aviv m'attend !'"

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