Cet article date de plus de sept ans.

Récit franceinfo "J'ai vu deux personnes mourir juste devant mon restaurant" : comment un camion a semé le chaos à Stockholm

Un homme a volé un camion de livraison avant de foncer sur la foule, vendredi après-midi, sur une artère piétonne et commerçante de la capitale suédoise. L'attaque a fait quatre morts et quinze blessés.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Des passants s'enfuient alors qu'un camion s'est encastré dans le mur d'un centre commercial sur Drottninggatan, au centre de Stockholm, le 7 avril 2017.  (TOMAS ONEBORG/SVD / TT NEWS AGENCY / AFP)

Il est un peu avant 15 heures, vendredi 7 avril, et c'est une belle journée de début de printemps dans le centre de Stockholm. Les Suédois, sortis tôt du bureau comme souvent le vendredi, flânent entre les bancs et les bacs à fleurs qui parsèment Drottninggatan, la grande artère piétonne qui traverse le cœur de la capitale suédoise. C'est là que l'on trouve toutes les grandes enseignes de vêtements, là que l'on se réunit pour commencer son shopping de l'été.

> Suivez en direct l'évolution de l'enquête sur l'attentat au camion bélier

A quelques centaines de mètres de là, un livreur décharge une cargaison de bière devant un bar à tapas. Son camion est garé sur l'avenue. Un homme masqué surgit et prend les commandes du véhicule. Il entame alors sa course mortelle.

"Il essayait de percuter des gens"

"Un gros camion s'engage (...), il renverse tout, il roule sur tout", explique Rikard, sous le choc, à l'AFP. "Je me suis retourné et j'ai vu un gros camion se diriger vers moi, racontre Glen, un touriste australien interrogé par l'agence Reuters. Il faisait des embardées d'un côté à l'autre. Il n'avait pas l'air hors de contrôle, il essayait de percuter des gens." 

"Il a d'abord renversé une femme, puis d'autres personnes", relate Marko, qui se trouvait dans un café, au quotidien Aftonbladet (en suédois)"Il a percuté huit personnes, et j'ai vu quatre corps un peu plus loin, précise une femme à la chaîne SVT (en suédois). Il y avait une femme avec un jeune enfant qui était complètement paralysée. Je l'ai attrapée, elle et une autre femme, et je les ai entraînées dans un escalier." 

Des passants viennent au secours des personnes blessées par le camion qui a foncé sur la foule dans le centre de Stockholm, le 7 avril 2017.  (TOMAS ONEBORG/SVD / TT NEWS AGENCY / AFP)

Le Bistro Bohème, où Matilda travaille comme serveuse, se trouve sur le chemin du terroriste. Elle décrit à franceinfo le "chaos" :

Un de nos clients buvait une bière dehors. En voyant la scène, il a vite compris et il a crié aux gens de s'enfuir. Il leur a, en quelque sorte, sauvé la vie.

Matilda, serveuse d'un restaurant et témoin de l'attentat

Elle regarde dehors, voit des corps allongés au sol. Le camion poursuit sa course et sème la panique : "Je l'ai vu passer très rapidement, et j'ai vu les gens crier et courir devant mon restaurant", indique un autre témoin à franceinfo. "Il a percuté un landau avec un enfant à l'intérieur, et l'a démoli", ajoute Glen. Parmi les quinze blessés, on trouve deux enfants, selon un communiqué des hôpitaux du comté de Stockholm.

"Le choc a fait le même bruit qu'une bombe"

Le véhicule parcourt quelques centaines de mètres sur l'avenue. "On était à un feu rouge au croisement avec Drottninggatan, et nous avons entendu des cris et vu un camion arriver, se souvient un témoin cité par Reuters. Il s'est précipité contre un pilier du Åhléns City." C'est dans la facade de ce grand magasin, équivalent suédois des Galeries Lafayette, que le camion a terminé sa course. "Quand il s'est arrêté, nous avons vu le corps d'un homme sous une des roues. C'était horrible."

Le choc du camion contre le bâtiment "a fait le même bruit qu'une bombe qui explose, et de la fumée a commencé à s'échapper de l'entrée principale", explique Leander, témoin de la scène, à Aftonbladet

Katarina, qui est en train d'essayer des vêtements à l'intérieur, entend une détonation et sent les murs trembler. Elle s'imagine d'abord que des employés déplacent des objets lourds dans le magasin, quand l'alarme incendie se met à retentir.

Des passants, sous le choc, dans le centre de Stockhom, où vient de se produire un attentat, le 7 avril 2017.  (TOMAS ONEBORG/SVD / TT NEWS AGENCY / AFP)

Les employés évacuent les clients en urgence. "On courait, on pleurait, tout le monde était en état de choc", raconte-t-elle au New York Times (en anglais)"Nous nous sommes précipités dans la rue. J'ai regardé sur ma droite, et j'ai vu le camion. Des gens étaient étendus sur le sol. Ils ne bougeaient pas." La panique se propage dans les rues. "J'ai vu des centaines de personnes courir. Elles couraient pour sauver leur vie", raconte Anna à Aftonbladet

L'attente de la police "a semblé être une éternité"

Le chauffeur du camion, lui, se volatilise. La police diffusera, quelques heures plus tard, des images de vidéosurveillance filmées juste après l'attaque dans une station de métro toute proche. Elles montrent un homme vêtu d'une veste kaki à capuche noire. Dans la soirée, un individu est interpellé à Märsta, une petite ville en périphérie de Stockholm. Correspondant aux photos de l'avis de recherche, il est placé en garde à vue dans la nuit, soupçonné d'"homicides à caractère terroriste".

Le camion qui a servi à l'attentat sur Drottninggatan, au centre de Stockholm, est enlevé par la police, dans la nuit du 7 au 8 avril 2017.  (TT NEWS AGENCY / REUTERS)

L'assaillant laisse derrière lui des scènes de chaos et des traces de pneus couleur sang. "J'ai vu deux personnes sur le sol, saigner et mourir, juste devant mon restaurant, se désole un témoin auprès de franceinfo. Malheureusement on ne pouvait plus rien faire, c'était trop tard." "J'en tremble encore, confie une rescapée terrifiée à la chaîne SVT. J'ai vu une femme qui avait perdu ses jambes. Cela aurait pu être moi." "La police a mis beaucoup de temps à arriver, estime Glen, le touriste australien. J'imagine que, de leur point de vue, c'était rapide, mais cela a semblé être une éternité."

Les policiers et les secours quadrillent et évacuent la zone. L'attaque a fait quinze blessés. Trois personnes sont mortes sur place, une autre succombera à l'hôpital. "La police est arrivée et nous a dit de partir. Ils nous ont poussés, ils hurlaient", explique Sami au Monde. Autour du lieu du drame, les rues se sont vidées. A l'hôtel Haymarket, situé sur le passage du camion, Camille et Ingrid ont vu des passants se précipiter à l'intérieur. "Ils pleuraient, beaucoup étaient choqués", racontent-elles au Monde. La police leur interdit de sortir. Ils resteront confinés jusqu'à 19 heures.

Des policiers se déploient devant la gare centrale de Stockholm après l'attentat, le 7 avril 2017.  (TT NEWS AGENCY / REUTERS)

Rideaux baissés, transports à l'arrêt

La situation se reproduit partout dans la capitale, à commencer par le Parlement et le siège du gouvernement, situés à quelques centaines de mètres du lieu de l'attaque. Les sirènes hurlent, et la police, au haut-parleur, intime aux habitants de rentrer chez eux. Cafés, restaurants et magasins baissent le rideau. Lovisa, une lycéenne franco-suédoise, est au cinéma : "Le film a été interrompu, on nous a dit qu'il y avait un attentat et qu'on devait rester à l'intérieur. Cela fait six heures qu'on attend dans la salle de projection sans pouvoir sortir", expliquait-elle vendredi soir à l'AFP.

La gare centrale, toute proche du lieu de l'attaque, est évacuée, et les trains annulés. Le métro s'interrompt, "les trains de banlieue quittent la capitale et déposent les voyageurs pour revenir vides", explique la police sur Twitter. "J'étais dans le bus pour me rendre dans une boutique de chaussures, explique Amanda au Parisien. Tout à coup, j’ai vu les véhicules de police et de secours arriver à toute vitesse dans les rues. Le chauffeur du bus a reçu un message lui disant que la circulation était coupée. Le bus s’est arrêté et les passagers ont été évacués." Amanda se réfugie d'abord dans un hôpital proche, avant de rentrer chez elle à pied, faute de transports. Une marche à laquelle ont été contraints de nombreux habitants de Stockholm, quelques heures après le drame : "Il y avait tellement de monde dans la rue !"

Des Suédois rendent hommage, le 8 avril 2017, aux victimes de l'attentat au camion-bélier, dans le centre de Stockholm. (TT NEWS AGENCY / REUTERS)

Dans la soirée, le Premier ministre, Stefan Löfven, rentré en urgence à Stockholm, a déposé un bouquet de roses rouges sur les lieux de l'attentat. Samedi matin, de nombreux Suédois l'ont imité. Le funeste camion avait disparu, évacué dans la nuit. Dans les hôpitaux, neuf blessés se trouvaient encore dans un état grave. La Suède venait de vivre le premier attentat meurtrier de son histoire.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.