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Lutte contre le terrorisme : "On ne peut pas contrôler toutes les personnes, à moins de revenir à l'époque des frontières et des visas"

René-Georges Querry, ancien chef de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste, a estimé, vendredi sur franceinfo, que l'efficacité des services de renseignement se heurte au principe de libre circulation.

Article rédigé par franceinfo
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Soldat français lors du Festival interceltic de Lorient, en août 2016. (JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP)

Anis Amri, suspect de l'attentat de Berlin, a été abattu vendredi 23 décembre par des policiers à Milan. René-Georges Querry, l'ancien chef de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste, a rappelé, sur franceinfo, la difficulté et l'ampleur de la tâche de la lutte antiterroriste en Europe. Aujourd'hui, même si des progrès ont été accomplis depuis 40 ans, "le terrorisme peut surgir n'importe où, n'importe quand, n'importe comment et sous n'importe quelle forme en Europe", a expliqué l'ancien commissaire de police. Pour lui, l'efficacité de la lutte antiterroriste se heurte également "à la liberté d'aller et venir en Europe".

franceinfo : le parcours d'Anis Amri pose la question de son déplacement en Europe. Faut-il s'inquiéter qu'il ait pu prendre le train depuis la France ?

René-Georges Querry : C'est effectivement inquiétant, car c'est une personne recherché qui a commis un attentat. Il est difficile de contrôler les déplacements de millions de personnes dans un continent qui a aboli ses frontières. Elles ont été rétablies, mais que partiellement, notamment dans les aéroports. Sur 3 000 kilomètres de frontières terrestres, vous ne pouvez pas contrôler toutes les personnes. A moins de revenir à l'époque où il y avait des frontières entre la France et l'Allemagne, avec des visas. C'est un retour 40 ans en arrière et on oublie les progrès qui ont été faits depuis.

Peut-on améliorer le contrôle, vu les moyens dont disposent aujourd'hui les différentes polices européennes ?

Si on veut rétablir les vrais contrôles aux frontières, il faut mettre des douanes, des services de police. Il faut contrôler tout individu qui passe en véhicule, chaque personne dans les trains. Il faudra contrôler les gens comme cela se fait, aujourd'hui, entre la France et l'Angleterre. Quand vous prenez le train pour aller à Londres, vous subissez un contrôle. On voit le temps que ça prend, on voit bien les perturbations que ça crée. C'est la liberté d'aller et venir qui est amputée. Si on est prêts à accepter ce recul, à ce moment-là, on aura des contrôles efficaces.

Anis Amri était retourné en Italie, pays dans lequel il avait déjà vécu. Ce pays est-il une des plaques tournantes des réseaux jihadistes ?

Aujourd'hui, dire qu'il puisse y avoir des plaques tournantes ici ou là me paraît difficile. En réalité, on a affaire, aujourd'hui, à une forme de terrorisme qui est complètement diluée dans l'ensemble de l'Europe. Cela peut surgir n'importe où, n'importe quand et n'importe comment, et sous n'importe quelle forme. Dire qu'il y a des plaques tournantes, ça me paraît délicat. C'est vouloir rationnaliser un phénomène qui aujourd'hui est complètement irrationnel.

On reparle, aujourd'hui, de la coopération entre les services de renseignements, les services antiterroristes. Est-ce que l'échange d'information est suffisant ? Faut-il créer une agence antiterroriste européenne indépendante ?

L'échange d'information est très bon et cela ne date pas d'hier. Cela existe depuis 30 à 40 ans. L'interaction a commencé à l'époque d'Action directe, des Brigades rouges, à l'époque du terrorisme international dans les années 1985-86. Des officiers de police français sont en poste à Rome, à Berlin, en Espagne, en Angleterre. Des policiers allemands, italiens, sont présents dans les services français. Les chefs de service se connaissent. C'est la meilleure façon de faire circuler l'information. Vous avez aussi Europol qui joue un rôle central. C'est une banque de données que tous les services de police peuvent consulter pour y trouver une information intéressante. Sur ce plan, je crois qu'on n'est pas du tout en retard. Créer une strate supplémentaire ne me semble pas être la meilleure des idées. La coopération a toujours ses limites. Rechercher des individus dans une population, c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Ce n'est pas aussi évident que cela.

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