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Le «oui» des Turcs d'Allemagne au référendum pose la question de l'intégration

Avec 3 millions d'habitants d'origine turque, dont beaucoup ont la double nationalité, l'Allemagne est le pays d'Europe où cette communauté est la plus importante. Appelés à accorder des pouvoirs très élargis au président Erdogan, les électeurs turcs d'outre-Rhin ont voté pour le «oui» à 63%. Ce résultat, compris comme un rejet des valeurs démocratiques, suscite un débat sur l'intégration.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La liesse des Turcs de Berlin après le «oui» au référendum du 16 avril proposant les pleins pouvoirs au président Erdogan. (Paul Zinken / DPA / AFP)

Choqués par le soutien d'une majorité de Turcs d'Allemagne au renforcement des pouvoirs du président turc, lors du référendum du 16 avril 2017,
certains élus allemands préconisent d'en finir avec la double nationalité et lancent un débat sur l'intégration

La fidélité des Turcs d'Allemagne à Erdogan
Plusieurs hauts responsables de la mouvance conservatrice au pouvoir ont appelé à limiter la double nationalité, comme l'élu bavarois Stephan Mayer. «Il est important de revenir sur les changements qui ont facilité l'obtention de la double nationalité», a-t-il dit.
 
Si en Turquie une courte majorité de 51,4% a voté «oui» à la réforme constitutionnelle vers un régime ultra-présidentiel, voulue par Recep Tayyip Erdogan - Ankara et Istanbul ayant choisi le «non» -  en Allemagne, en revanche, le ralliement au «oui» s'est élevé à 63% des suffrages, parmi le 1,4 million d'électeurs de la communauté turque du pays.
 
Dans l'ouest du pays, comme à Essen ou à Dortmund, un record de «oui» a même été atteint avec près de 80% des suffrages.

La fidélité des Turcs d'Allemagne à Erdogan, jugé autoritaire, voire despotique par nombre d'Européens, est assimilée par beaucoup à une forme de schizophrénie dont souffrirait cette communauté. D'un côté, celle-ci apprécie en Europe les libertés auxquelles, de l'autre, elle s’oppose dans son pays d’origine.

Les liens étroits entre les mosquées d'Allemagne et l'AKP turc
«Ceux qui, dans un pays libéral comme l'Allemagne, votent pour abolir la liberté en Turquie ou pour la restreindre, n'ont manifestement pas accepté nos valeurs», estime le dirigeant du FDP (centre), Christian Lindner, en ajoutant que les Turcs d'Allemagne se doivent de respecter la Loi fondamentale du pays d'accueil.
 
Certains experts font valoir que nombre de Turcs établis en Allemagne viennent des régions rurales et conservatrices de Turquie comme l'Anatolie, où l'on a voté très majoritairement pour le «oui». Ils pointent les liens entre la plus importante fédération de mosquées d'Allemagne, Ditib, et le parti islamo-conservateur au pouvoir à Ankara.

«Les mosquées, ici, sont des bureaux de vote de l'AKP», tranche la sociologue Necla Kelek, citée par le journal Bild.
 
Du pain bénit pour le parti anti-immigration AfD
A cinq mois des législatives fédérales du 24 septembre 2017, le parti eurosceptique et anti-immigration AfD, crédité de 7% à 11% d'intentions de vote, joue sur du velours et réclame lui aussi la fin de la double nationalité pour les Turcs établis en Allemagne.
 
«Qu'il ait fallu un référendum en Turquie pour que les conservateurs s'aperçoivent que l'intégration, surtout chez les Turcs, a échoué, montre
à quel point ils sont en décalage avec la réalité», a estimé un responsable du parti AfD dans le Land de Bade-Wurtemberg, Emil Sänze.
 

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