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Frank-Walter Steinmeier, un «anti-Trump» à la présidence de l’Allemagne
L’ancien ministre allemand des Affaires étrangères, le social-démocrate Frank-Walter Steinmeier, 61 ans, a été élu le 12 février 2017 président de l’Allemagne. Si cette fonction est honorifique, elle a valeur d’autorité morale. Une autorité dont cet ancien chef de la diplomatie entend se servir pour «défendre» la «démocratie et la liberté» face à la montée du nationalisme.
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En août 2016, pendant la campagne électorale américaine, Frank-Walter Steinmeier, qui présidait alors aux destinées de la diplomatie de son pays, n’avait pas hésité à qualifier Donald Trump de «prédicateur de haine». Avec les partisans du parti d’extrême droite allemand AfD et les militants du Brexit en Grande-Bretagne, il appartient à ces «populistes», ajoutait-il, qui «jouent avec les peurs des hommes». Et de regarder avec une grande préoccupation le «monstre du nationalisme» qui s’étend partout dans le monde.
Peu de temps avant son élection, il expliquait, cité par le Berliner Morgenpost: «J’aimerais, comme président, être un contre-poids aux tendances actuelles de la simplification à outrance». Un argument repris lors d’une déclaration après son élection: «L’histoire de cette République» allemande, née sur les ruines du IIIe Reich, est «le meilleur argument contre le populisme et tous ceux qui croient que parce que le monde est devenu plus compliqué, les réponses doivent être plus simples.»
La fonction de président en Allemagne est d’abord honorifique: la politique du pays est définie par le gouvernement et le Parlement. Mais cette fonction est aussi morale. Ce qui explique que des personnalités de valeur aient occupé le château Bellevue au cœur de Berlin. A commencer par le prédécesseur de Steinmeier à ce poste, Joachim Gauck, un ancien pasteur dissident en RDA, ou Richard von Weizsäcker. De ce point de vue, la caractère de l’ancien ministre social-démocrate en fait «un président pour des temps difficiles», analyse Die Zeit.
Un homme politique d’expérience
Pour autant, ce dernier, né en janvier 1956 et d’origine modeste (il est fils d’un menuisier et d’une ouvrière), n’est pas une personnalité au-dessus des partis. Il a certes été élu par 931 voix, mêlant SPD (sociaux-démocrates) et CDU-CSU d’Angela Merkel, d’une assemblée composée de 1239 grands électeurs, parlementaires des deux chambres (Bundestag et Bundesrat) et représentants de la société civile.
Mais lui-même est un «homme politique expérimenté», observe Die Zeit. Son élection constitue d’ailleurs un nouveau signe de l’affaiblissement de la chancelière, à moins de sept mois des élections législatives. Fin 2016, celle-ci avait dû se résigner à soutenir son ancien rival qu’elle avait étrillé lors des élections législatives de 2009: le SPD, dont il était le «Spitzenkandidat» (mot-à-mot «candidat de pointe»), n’avait obtenu que 23% des voix, «son pire score jamais obtenu depuis la création de la République fédérale» (Le Monde) en 1949.
Frank-Walter Steinmeier était alors, depuis 2005, ministre des Affaires étrangères dans une «grande coalition» entre le SPD et la CDU-CSU. Un poste qu’il a occupé à nouveau à partir de 2013 lorsque les sociaux-démocrates sont revenus dans le gouvernement de l’indéboulonnable Angela Merkel.
«Lors de ce second passage à la tête de la diplomatie allemande, il s’illustrera par son opiniâtreté et son sens du dialogue, que ce soit lors de la crise ukrainienne, dans le conflit syrien ou à propos du nucléaire iranien», analyse Le Monde. Très apprécié en Europe de l'Ouest, il l'est moins en Europe de l'Est où ses positions, jugées parfois pro-Moscou, ont suscité l'inquiétude. En 2016, il avait critiqué le renforcement de l'Otan à la frontière avec la Russie en parlant de «bruits de bottes» inutiles.
Cette position a été évidemment relevée par la presse officielle moscovite. Et elle est proche de celle de l’ancien chancelier social-démocrate Gerhard Schröder, qui collabore avec le géant gazier russe Gazprom. Et à qui le nouveau président allemand doit sa carrière.
Après des études de droit et de sciences politiques (au cours desquelles il a rédigé une thèse sur le droit au logement des «citoyens sans abri»), Frank-Walter Steinmeier a en effet entamé son ascension dans le Land de Basse-Saxe aux côtés de celui qui en était alors le ministre-président. Après la victoire de Schröder aux législatives de 1998, il le suit à Berlin. Et devient numéro deux de la chancellerie. A ce poste, il contribue à mettre au point l’Agenda 2010 et Hartz IV, un ensemble de réformes sociales amères pour les sociaux-démocrates: relèvement de l’âge de la retraite, réduction des indemnités chômage…
Quand la politique n’est plus que «chose accessoire»…
Après la défaite de 2009, il ne quitte pas la politique. Il devient alors président des députés SPD au Bundestag. Un poste stratégique qui lui permet d’être installé au cœur de la vie publique. Cela ne l’empêche pas, en 2010, de se retirer des affaires pendant un mois, le temps de donner un rein à sa femme, gravement malade. Un retrait qui force l’admiration de l’opinion. «Et soudain, la politique n’est plus qu’une chose accessoire», commente alors le Spiegel…
Lors de sa première intervention publique comme nouveau locataire du château Bellevue, il est resté fidèle à sa réputation: celle d’un «homme au verbe maîtrisé» (Le Monde). Une réserve qu’il n’a quittée que pour faire sa fameuse sortie sur Donald Trump. Au cours de cette intervention, il a appelé à «défendre» la «démocratie et la liberté» au moment où elles sont mises en cause. En se gardant de faire directement référence à la nouvelle donne aux Etats-Unis. «Lorsque les bases de la démocratie vacillent, il nous faut plus que jamais les soutenir», a-t-il ajouté. Une pierre dans le jardin de son homologue de la Maison Blanche…
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