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Allemagne : Sigmar Gabriel, un nouveau chef de la diplomatie… peu diplomate

Le social-démocrate Sigmar Gabriel a pris ses fonctions le 27 janvier 2017 à la tête du Auswärtige Amt, le Quai d’Orsay allemand. Versatile, imprévisible, adepte du franc-parler, il ne dispose à première vue d'aucune des qualités généralement requises pour la fonction diplomatique. L’avenir le dira…
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
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Sigmar Gabriel lors d'une conférence de presse à Berlin le 19 décembre 2016. (REUTERS - Fabrizio Bensch)
«Dans mon prochain poste, je ne pourrai plus continuer comme ça, m'a dit (Frank-Walter) Steinmeier» (futur chef de l'Etat et ministre des Affaires étrangères sortant), a plaisanté Sigmar Gabriel devant le Parlement. «Il va falloir que je devienne plus diplomatique», a-t-il ajouté.

Sa disposition à garder son sang-froid sera rapidement mise à l'épreuve avec le lancement, attendu au printemps, des négociations sur le divorce entre l'UE et le Royaume-Uni. Mais aussi avec la mise en place d'une nouvelle administration aux Etats-Unis, laquelle s’annonce hyper-protectionniste. Le nouveau chef de la diplomatie allemande pourrait d'ailleurs retrouver dès la mi-février son homologue américain Rex Tillerson lors d'une réunion à Bonn du G20, dont l'Allemagne assure la présidence en 2017.

Jusqu'à présent, cet homme politique chevronné de 57 ans s'est plutôt distingué par des prises de position tranchées. Exemple récent : «Je m'attendais juste à ce qu'il désigne le Parlement ‘‘d'assemblée des blablateurs’’ ou bien les autres partis de ‘‘partis du système’’ (...). On aurait eu alors la rhétorique complète des années 20 contre la démocratie», avait-il lancé après le discours d'intronisation du nouveau président américain Donald Trump. Problème : au même moment, la chancelière CDU (conservateur) Angela Merkel plaidait pour un travail constructif avec le nouveau locataire de la Maison Blanche…

«Pomme de terre dans un champ de tulipes»
Entre 2013 et 2017 ministre de l'Economie et vice-chancelier au sein du troisième gouvernement Merkel, Sigmar Gabriel, qui est aussi président du SPD, le vénérable Parti social-démocrate, est considéré comme un politique brillant et un grand orateur. Il a ainsi accumulé une grande expérience des voyages internationaux.

Mais ce sont surtout ses gaffes qui sont restées dans les mémoires. Comme ce déplacement -jugé hâtif- en Iran au mois de juillet 2015. Et ce juste après la signature de l'accord sur le nucléaire, qui avait provoqué l'irritation d'Israël et l'embarras de Berlin.

Ou encore en octobre 2016, quand il a accusé par voie de presse la Chine de concurrence déloyale envers l'industrie allemande, juste avant de s'y rendre. A Pékin, il reçut alors un accueil glacial de la part des autorités locales .

«Il est justifié de douter quelque peu du fait que Gabriel, qui ne s'est pas fait remarquer jusqu'ici par sa finesse diplomatique, soit la bonne personne» pour le poste, explique Die Welt. Et le quotidien conservateur d’ajouter le 26 janvier : il convient autant au ministère des Affaires étrangères «qu’une pomme de terre dans un champ de tulipes», estimant qu’«il lui manque le sérieux d’un homme d’Etat»…  

Sigmar Gabriel et Angela Merkel à Berlin à la chancellerie à Berlin le 11 janvier 2017. (REUTERS - Fabrizio Bensch)

Lesté par une impopularité chronique, Sigmar Gabriel a fini par renoncer à l'ambition de défier la chancelière conservatrice Angela Merkel aux élections générales du 24 septembre 2017.

Il a annoncé laisser cette tâche, de même que la direction du parti social-démocrate (SPD), à Martin Schulz, qui vient de démissionner de la présidence du Parlement européen. Lequel est, aux dires des sondages, mieux placé pour inquiéter la chancelière, .

Impulsif
En 2009, Gabriel avait pris les rênes d'un SPD en pleine traversée du désert suite aux réformes sociales impopulaires du chancelier Gerhard Schröder au début des années 2000.

L'ancien enseignant incarnait alors une réorientation du parti vers des valeurs progressistes. Au sein du gouvernement Merkel, il a notamment œuvré à l'introduction d'un salaire minimum - une petite révolution en Allemagne - ou à l'amélioration des petites retraites.

Mais il n'a pas réussi à endiguer l'érosion du parti, aujourd'hui crédité de 20% des intentions de votes. Une partie de son électorat est partie rejoindre le parti Die Linke (mot-à-mot «La Gauche», émanation notamment de l’ex-PC de la RDA), plus à gauche, et les verts. Mais aussi Alternative pour l'Allemagne (AfD), mouvement populiste, sinon d’extrême droite, porté par la crise des migrants.

Issu d'un milieu modeste, Sigmar Gabriel a été élevé par sa mère, une infirmière. Il a entretenu des relations très compliquées avec son père, expulsé de Silésie et nazi convaincu jusqu'à sa mort.

Ce passé expliquerait en partie sa personnalité impulsive et versatile. En 2013, il confie à l'hebdomadaire Die Zeit avoir gardé de son enfance «une colère presque indomptable. Quand je ressens quelque chose comme étant injuste (...), alors je peux vraiment m'énerver».

Quand en août 2016, de jeunes extrémistes de droite l'accusent de détruire le pays et louent le patriotisme de son père, il réagit en leur adressant… un doigt d'honneur.



Un geste jugé indigne d'un grand responsable politique. Invité à répondre aux critiques, il rétorque lapidairement: «Je n'ai fait qu'une erreur, je n'ai pas utilisé les deux mains»

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