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Allemagne : la fin de certains tabous sur la Seconde guerre mondiale

Soixante-dix ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, sans nier les crimes du nazisme, les Allemands d’aujourd’hui commencent à parler publiquement d’évènements longtemps passés sous silence. Notamment les viols perpétrés par les soldats occidentaux au moment de la fin du régime hitlérien. Mais aussi le drame des enfants nés d’une Allemande et d’un militaire allié.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Des réfugiés, venus d'Allemagne orientale, attendent leur transfert vers l'est du pays en 1945. Le lieu où a été pris la photo n'est pas connu. (DPA - DPA - AFP)

Les viols des Allemandes par des Soviétiques en 1945 ont marqué la mémoire collective allemande. «Les historiens évoquent 100.000 viols commis à Berlin entre avril et septembre 1945, et en tout 2 millions d’Allemandes violées sur le front soviétique», rapporte Le Monde. Des actes commis par des soldats, «souvent des paysans venus de Sibérie, du Caucase ou de Mongolie, (qui voulaient) des femmes, symboles de leur victoire sur l'Allemagne hitlérienne».  Selon certaines estimations, une Berlinoise sur 10 aurait ainsi subi des violences sexuelles.

«Les Russes ont marché vers l’Ouest avec 22 millions de morts dans le dos», explique l’historien américain Norman Naimark cité par Libération. «L’alcool était l’un des rares moyens de s’évader de la brutalité du front. Des mœurs victoriennes régnaient en URSS. On ne parlait pas de sexualité. Il n’y avait ni préservatifs ni bordels. Cette morale sexuelle répressive et les violences subies expliquent la bestialité des soldats lorsqu’ils tombaient sur des femmes allemandes».

Aujourd’hui, les chiffres de ces violences sont revus à la baisse par certains historiens.

Et l’on se met à évoquer Outre-Rhin les viols commis par les Alliés occidentaux. «
la ville. En Rhénanie (américains) qui s’en prennent aux Allemandes», rapporte Libération. Mais aussi en Bavière.

Dans un ouvrage intitulé «Quand les soldats sont arrivés» («Als die Soldaten kamen»), une enseignante de l’université de Constance, Miriam Gebhardt, a recensé 860.000 viols commis par des militaires alliés (soviétiques, américains, français, britanniques). A eux seuls, les membres de l’Armée rouge seraient responsables de 590.000 crimes, les Américains de 190.000, les Français de 50.000 et les Britanniques de 30.000.
 
Le livre de l’universitaire, qui cite d’émouvants témoignages, s’appuie sur des documents inexploités, notamment des récits de religieux catholiques en Bavière. Mais les chiffres qu’elle fournit sont une «extrapolation» plutôt compliquée. Laquelle ne convainc pas forcément, comme le souligne Die Welt. Elle convainc d’autant moins qu’un scientifique comme le criminologue américain Robert Lilly arrive, en ce qui concerne ses compatriotes, au chiffre bien inférieur de 17.000 agressions sexuelles (dont 64% en Allemagne, 22% en France et 14% en Grande-Bretagne). Et ce en s’appuyant notamment sur des documents de tribunaux militaires américains.

Militaires de la 9e armée américaine (portant des casques) discutent avec des militaires canadiens à Geldern (Rhénanie du Nord-Westphalie) le 3 mars 1945. (AFP - COLL-DITE - PHOTO12)

«Enfants de l’occupation»
Preuve que la recherche historique a encore du travail devant elle. Il n’en reste pas moins que l’historienne allemande lève un voile sur «la reconnaissance de la souffrance» des femmes concernées, comme le souligne le journal de gauche Die Taz. Et dépasse l’image d’Epinal du «chewing-gum et du jazz» des GIs...
 
De la même façon, les Allemands commencent à évoquer le drame des enfants nés d’une relation consentie entre une Allemande et un soldat allié après la guerre. Vient ainsi de paraître un livre, intitulé «Nous, enfants de l’occupation» («Wir Besatzungskinder»), dans lequel l’auteure, Ute Baur-Timmerbrink, âgée de 70 ans, raconte son expérience. A 52 ans, elle a appris que son père était un GI. Celui qu'elle croyait être son père est mort en 1981 sans rien lui dire, pas plus que sa mère, décédée sept ans plus tôt. Mais dans son entourage familial, tout le monde était au courant…

Selon des estimations, on trouverait en Allemagne entre 200.000 et 250.000 personnes à être née d'un Américain, d’un Britannique, d’un Français ou d’un Soviétique. Environ 20.000 personnes seraient dans le même cas en Autriche.

A l’absence du père se sont le plus souvent ajoutées «une marginalisation et une discrimination» des mères et des enfants. Une population «souvent lourdement marquée psychiquement», selon une étude initiée en mars 2013 par les universités allemandes de Leipzig et de Greifswald auprès de 146 de ces «Besatzungskinder».

L’écho rencontré par ces différents ouvrages montre que la recherche historique a encore du pain sur la planche pour explorer toutes les facettes et les horreurs de le Seconde guerre mondiale. Et que 70 ans après l’effondrement du nazisme, l’heure est peut-être venue de casser certaines images d’Epinal…

«Au regard des crimes commis par les nazis, un interdit tacite empêchait les Allemands d'évoquer les souffrances endurées pendant la guerre : ils auraient aussitôt été accusés de révisionnisme. La parole semble pourtant se libérer», constatait déjà Le Monde en 2008. «Tout en veillant toujours à rappeler la responsabilité initiale du régime nazi », de plus en plus de documentaires, de téléfilms et de livres «se mettent à évoquer le tribut payé par les Allemands à leur Führer et aux Alliés» Et le quotidien français d’énumérer le bombardement de Dresde (environ 35.000 morts), le torpillage du Gustloff (entre 7000 et 9000 passagers tués), l’exode de 12 millions d'Allemands expulsés des territoires de l'est du pays…

Photo très connue de la vieille ville de Dresde après les bombardements alliés du 13 et 14 février 1945. (WALTER HAHN - SLUB DRESDEN DEUTSCHE FOTOTHEK - AFP)


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