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8 mai 1945 : des grandes figures de la seconde guerre mondiale en livres

Plusieurs ouvrages ont aidé à la réalisation de l'émission spéciale, diffusée vendredi sur France 2, consacrée au 70e anniversaire de la capitulation allemande. Voici une sélection des principaux livres choisis par la rédaction.

Article rédigé par franceinfo - Par Pascal Doucet-Bon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
France 2 propose une édition spéciale à l'occasion du 70e anniversaire du 8 mai 1945, vendredi 8 mai 2015, à 9h30. ( FRANCE 2 / FRANCE TV INFO )

France 2 consacre, vendredi 8 mai, à partir de 9h30, une édition spéciale au 70e anniversaire de la capitulation allemande, en 1945. Une émission présentée par Julian Bugier, entouré de Pierre Servent, spécialiste des questions militaires, de Fabrice d'Almeida, historien, et de Nathalie Saint-Cricq, chef du service politique de la chaîne.

Les équipes de la rédaction suivent les cérémonies sous l'Arc de triomphe, présidées par François Hollande, et racontent l'histoire de la signature, à Reims et à Berlin, de l'acte qui a mis fin à six ans de cauchemar. Voici six livres, sélectionnés par Pascal Doucet-Bon, rédacteur en chef de cette édition spéciale. 

"Les Cent Derniers Jours d’Hitler"

Les ouvrages sur les derniers jours d’Adolf Hitler sont nombreux. Ici, l'exercice est plus rare : mettre en parallèle le huis clos du bunker berlinois dans lequel le führer s'enferme dès janvier 1945 et le bruit du pays. Cette multiplication des points de vue éclaire efficacement la principale question de cette année capitale : comment un pays entier a-t-il continué à se battre alors que tout était perdu depuis longtemps ? Avec un langage simple et précis, des encadrés thématiques, des mini-biographies, des photos rares ou inédites, ce livre d'histoire est le plus pédagogique du moment

Les Cent Derniers Jours d’Hitler, de Jean Lopez, éditions Perrin, 2015.

"Churchill-De Gaulle"

Il s’agit du catalogue de l’exposition du même nom qui se tient au musée de l’Armée, aux Invalides, à Paris, jusqu’au 26 juillet. Le parallèle entre les deux géants tombe sous le sens. Encore fallait-il le nourrir. De nombreux historiens écrivent à partir de différentes pièces de l'exposition : Vincent Giraudier commente leur opposition commune aux accords de Munich, alors que les deux hommes ne se connaissaient pas encore ; Laurent Martin analyse les dessins de presse consacrés aux deux leaders ; Daniel Cordier, Compagnon de la Libération, raconte son arrivée à Londres et sa rencontre avec de Gaulle…

Le lecteur découvre que rien n’aurait dû lier le militaire français issu de la bourgeoisie catholique et l’aristocrate politique britannique complexé par un père brillant et sévère. Mais l’histoire a réuni les deux hommes autour du refus de la défaite puis de la dictature. Le reste est une affaire de partenariat méfiant, d’admiration réciproque, mais aussi de calculs stratégiques parfois antagonistes.

Churchill-De Gaulle, éd. Fondation Charles-de-Gaulle, musée de l’Armée et La Martinière, 2015

"Dönitz, 'le dernier Führer'"

Des générations de lycéens ont une image flatteuse de l'amiral Karl Dönitz. Il était, a-t-on dit, un militaire intègre, brillant tacticien, qui, dans les derniers jours de la défaite nazie, a épargné au maximum les soldats du front Est en les rapatriant d'urgence vers l'Ouest afin qu'ils se rendent aux Anglo-Américains plutôt qu'aux Soviétiques. Un militaire droit dans ses bottes, dépouillé autant que possible du fanatisme nazi. La RFA et l'Occident des années 1960 avaient besoin de cette construction fictionnelle. Si Dönitz a purgé dix ans de prison infligés par le tribunal de Nüremberg, il a vécu les vingt années suivantes comme un martyr du délire hitlérien puis de la justice internationale, jusqu'à sa mort en 1980.

Mais plusieurs chercheurs allemands ont mis au jour un tout autre Dönitz : grand exécuteur de déserteurs jusqu'aux dernières heures avant la capitulation, admirateur du führer (l'auteur parle même d'un "séide") et surtout jusqu'au-boutiste, alors qu'une analyse objective aurait dû le conduire à préconiser la capitulation. "Le soldat incarne l'Etat. (...) Il doit se tenir (...) avec fureur derrière cet État", déclarait-il en 1943, loin du soldat apolitique... L'amiral ne reconnut, dans ses mémoires, qu'une déclaration antisémite. L'auteur en relève une multitude.

L'historien François-Emmanuel Brézet, ancien officier de marine, cherche les clés de ce destin, de la classe moyenne prussienne à une carrière hors norme pour un roturier, suivie d'une imposture. Le tout sans concession ni fioritures, au confluent des histoires militaire et politique, dans un style très clair. Un seul bémol : presque rien sur le procès du Nüremberg. Dans un prochain ouvrage ?

Dönitz, "le dernier Führer", de François-Emmanuel Brézet, éditions Perrin, 2011

"Leclerc, le croisé de la France libre"

Jean-Christophe Notin avait déjà signé une biographie de Leclerc en 2005. Le voici de retour sur un sujet maîtrisé, sous une forme différente, cet ouvrage faisant la part belle aux photos. La collection Maîtres de guerre cherche à montrer l’influence de tel ou tel personnage sur l’histoire plus qu’à retracer sa vie.

Du serment de Koufra au nid d'aigle de Berchtesgaden, Notin décrit avec passion l'audace et le courage physique parfois insensés de cet amoureux de l'offensive, qu'il compare à Foch. Il décrit aussi son arrogance face aux Américains, et sa rivalité égotique avec de Lattre. La seule bibliographie de ce livre compte 18 biographies de Leclerc : rien de nouveau, dira-t-on, mais c'est la qualité du récit et les illustrations qui font l'intérêt de ce livre. D'autre part, l'auteur ne cède jamais à la fascination. D'abord en ne ratant pas les défauts et les erreurs du maréchal, mais aussi en replaçant certains épisodes mythiques dans leur contexte (Koufra, par exemple).

Leclerc, le croisé de la France libre, de Jean-Christophe Notin, éditions Perrin, 2015

"Von Manstein, le stratège du IIIe Reich"

La guerre éclair, c’est lui. La prise de la forteresse de Sebastopol, c’est encore lui. Le sursaut de Kharkov face aux Soviétiques, toujours lui. Le "magicien des blindés", comme le surnommaient ses pairs, est à classer parmi les génies militaires. Pierre Servent, historien, consultant de France 2 pour les questions militaires, décrit l’avance stratégique d'Erich von Manstein par rapport à la pensée du moment. Il chronique l’opposition entre l’esprit rationnel du maréchal et le délire croissant d'Hitler. L’auteur évite les errements de la politique fiction. Mais que se serait-il passé si le führer n’avait pas renoncé à l’opération Zitadelle, que von Manstein avait mise en place sur le front de l’Est ?

Von Manstein fut le "petit génie d'Hitler", mais la disgrâce, puis le limogeage ne l’épargnèrent pas. D’abord parce que le führer a montré une méfiance croissante à l’égard des aristocrates, fussent-ils dévoués. Ensuite parce que de son nom complet, von Lewinski von Manstein, vinrent des rumeurs sur ses origines juives. L’ouvrage de Pierre Servent montre parfaitement le scepticisme croissant du maître de guerre quant aux choix du führer.

Emprisonné et jugé par les Britanniques, von Manstein est condamné à 18 ans de prison. La polémique sur le procès lui-même, puis sur la sévérité de la sentence, fit rage en Allemagne comme en Grande-Bretagne. Est-ce pour cela que le maréchal sort au bout de quatre ans ? Certainement. La construction de la jeune RFA et la guerre froide y sont aussi pour beaucoup. Le chancelier Adenauer en fait même un conseiller en vue de la Bundeswehr, l’armée naissante de l’Allemagne de l’Ouest. C’est le seul dignitaire du IIIe Reich à avoir bénéficié de ce traitement de faveur, à défaut d’une réhabilitation. Il est mort en 1973, à l’âge de 85 ans.

Von Manstein, le stratège du IIIe Reich, de Pierre Servent, éditions Perrin, 2015

"L’Europe barbare"

Livre événement dans plusieurs pays anglo-saxons, cet ouvrage n’a pas eu un tel retentissement en France. Sa qualité tient d’abord à son sujet, rarement traité : l’après-guerre en Europe. Ces cinq années suspendues où rien n’était sûr, à part la souffrance des peuples.

"Imaginez un monde sans institution, écrit l’auteur. Plus de gouvernement (…), plus d’écoles, plus d’universités (…), plus de banques, plus de monnaie." Keith Lowe nous plonge dans ce chaos qui régnait sur la majeure partie du théâtre du conflit. En creux, on ne peut s’empêcher de penser que l’obsession gaullienne de la reconstruction politique a bel et bien épargné à la France ce "désert" démocratique et humain.

Qui sait encore qu’en Yougoslavie, des milliers de prisonniers allemands ou croates moururent dans des marches de la mort du même type que celles de la Shoah ? Qui s'est intéressé au million de prisonniers morts dans les camps soviétiques ? Que dire du récit du jeune Juif allemand Roman Halter, caché près de Dresde, puis "libéré" par des soldats russes aussi antisémites que leurs prédécesseurs nazis ?

Avant qu’un ordre en remplace un autre, la parenthèse anarchique européenne, avec ses millions de réfugiés et de déplacés qui n’est pas sans rappeler l’actualité méditerranéenne, méritait d’être traitée.

L’Europe barbare, 1945-1950, de Keith Lowe, éditions Perrin, 2013

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