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Escroquerie à la solidarité et exploitation sexuelle : l'affaire Nadia indigne l'Espagne

Les parents d'une fillette de 11 ans récoltaient des dons pour soigner leur fille malade, mais ont en réalité dépensé des centaines de milliers d'euros pour leur profit personnel. Ils sont également visés par une enquête pour "exhibitionnisme, provocation sexuelle et exploitation sexuelle".

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Marga Garau, à gauche, la mère de Nadia, accompagnée de son avocat, le 13 janvier 2017 à Lleida (Espagne).  (ADRIA ROPERO / EFE / AFP)

L'affaire indigne l'Espagne. Pour faire soigner la petite Nadia, 11 ans, atteinte d'une maladie rare, les Espagnols avaient donné près d'un million d'euros à ses parents. Mais la solidarité s'est transformée en colère et en poursuites contre son père, visé par des enquêtes pour escroquerie et exploitation sexuelle de mineur, rapporte El Pais. Les parents ont été entendus, vendredi 13 janvier, par un juge de Seu D'Urgell, un village de montagne dans le nord-ouest de la Catalogne.

La fillette est atteinte de trichothiodystrophie. Cette affection génétique rare, sans traitement, peut provoquer perte de cheveux, problèmes de peau, mais aussi retards mentaux et de croissance, voire la mort dans les cas les plus sévères. 

Les parents ont été convoqués après la découverte par la police de photos de Nadia dénudée, dans une clé USB appartenant à son père, selon El Periodico. Selon la télévision régionale TV3, qui a eu accès à l'interrogatoire du juge, l'une des images montrait notamment les parents en pleine relation sexuelle sous les yeux de la fillette.

Voiture, montres de luxe…

Dans leur déclaration, les parents ont expliqué que les photos servaient uniquement à surveiller l'évolution de la maladie de Nadia. "Il n'y a rien de spécial [dans ces photos], ni à contenu pornographique, sexuel ou d'exploitation", a assuré à la presse leur avocat, Alberto Martin.

Les explications n'ont pas convaincu le juge, qui a ouvert une enquête pour "exhibitionnisme, provocation sexuelle et exploitation sexuelle" contre les parents, qui s'ajoute à la procédure pour escroquerie entamée en décembre.

Une autre procédure s'intéresse à l'utilisation des dons faits à la famille. La police les accuse d'avoir dépensé près de 600 000 euros sur les 918 000 euros de dons reçus pour soigner leur fille. Ils ont ainsi acheté une voiture, une maison et des montres de luxe, et laissé le reste de l'argent dormir à la banque.

Un généticien caché dans une grotte en Afghanistan… qui n'a jamais existé

Si l'affaire scandalise autant, c'est que, depuis des années, Fernando Blanco, 52 ans, multipliait les apparitions dans les médias espagnols avec sa fille, affirmant qu'elle était sur le point de mourir et implorant des dons pour la sauver. Le public avait été séduit par Nadia, timide mais attachante, et par la quête héroïque d'un traitement racontée par son père, pourtant déjà condamné par le passé pour escroquerie. Il avait notamment affirmé avoir passé un mois en Afghanistan, "sous les bombes", pour rendre visite à un éminent généticien caché dans une grotte. Fin novembre 2016, Fernando Blanco avait expliqué avoir besoin d'argent pour payer un traitement révolutionnaire basé sur la manipulation génétique dans un hôpital de Houston, aux Etats-Unis.

Une semaine plus tard, les journaux El Pais et Hipertextual dévoilaient la supercherie. Selon leurs investigations, la petite fille était non seulement hors de danger, mais il n'y avait aucune preuve des voyages du père. Ni l'hôpital de Houston, ni le traitement, ni le médecin qui devait s'en charger n'existaient ! 

Le parquet a ouvert une enquête dans la foulée, tandis que le père était arrêté près de la frontière française, alors qu'il tentait de s'enfuir avec de l'argent liquide, un pistolet chargé à blanc et la clé USB contenant les fameuses photos suspectes. Il s'est vu retirer la garde de sa fille, qui vit désormais avec sa tante.

Les médias mis en cause

L'affaire a fait surgir des questions sur le travail de nombreux médias ayant relayé l'histoire sans la vérifier. "Comme c'était une histoire humaine, à faire pleurer, (...) ils se sont lancés sans réfléchir", estime Marcel Mauri, professeur d'éthique journalistique à l'université Pompeu Fabra de Barcelone. "Ils n'ont pas pris de précautions pour éviter de raconter des mensonges. Ils ont péché par excès de générosité, par bonté, pour avoir cru qu'un père ne pouvait pas faire ça", analyse Rafael de Mendizabal, président de la commission déontologique de la Fédération des associations de presse.

Selon plusieurs fondations, la tromperie a provoqué une chute des dons pour la recherche sur les maladies. Une plateforme représentant plusieurs organisations de patients a publié un communiqué invitant à donner de l'argent uniquement à des projets encadrés, et non à des campagnes individuelles.

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