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Trois mécanismes qui expliquent l'hécatombe des espèces marines

Les effectifs de ces espèces ont diminué de moitié, affirme le Fonds mondial pour la nature (WWF) dans un rapport publié mercredi. Francetv info détaille certains mécanismes qui ont conduit à cette catastrophe.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une tortue verte au large de l'île de Fernando De Noronha (Brésil). (LUCIANO CANDISANI / MINDEN PICTURES / BIOSPHOTO / AFP)

"Nous conduisons collectivement l'océan au bord du précipice." Le directeur général du Fonds mondial pour la nature (WWF), Marco Lambertini, prend un ton grave dans la préface d'un rapport publié mercredi 16 septembre. On y trouve un chiffre qui fait frémir alors que la COP21 approche à grands pas : les populations marines ont diminué de moitié en quarante ans. Certaines espèces ont même vu leur effectif fondre de près de 75%.

Comment expliquer cette hécatombe ? Les raisons sont malheureusement connues : surpêche, pollution, réchauffement climatique. Mais elles se sont amplifiées ces dernières années. Explications.

La pêche s'est intensifiée, sans trier

A quoi c'est dû. En l'espace de quelques décennies, la demande en poissons a explosé. A l'échelle mondiale, la consommation moyenne par habitant est passée de 9,9 kilos dans les années 1960 à 19,2 kilos en 2012. 

Conséquences. Les stocks mondiaux de poissons se retrouvent sous pression. Environ 29% d'entre eux sont surexploités, indiquait en 2014 la FAO, l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

Pour pêcher davantage, l'homme a développé de nouveaux outils, dévastateurs pour l'environnement. "Ils sont aujourd'hui technologiquement trop puissants, on est devenus trop forts par rapport à la nature. En vingt-quatre heures ou en un mois, on a pêché pour un an !" s'est exclamé auprès de 20 Minutes Philippe Cury, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement et spécialiste de la gestion des ressources marines. En février, le programme "Data Gueule", diffusé sur France 4, a consacré un sujet à la surpêche, détaillant ces techniques radicales comme la palangre, la senne tournante et le très critiqué chalutage en eaux profondes.

Avec ces techniques, les pêcheurs ramassent nombre de poissons non désirés. Ces prises accessoires causent "la perte inutile de milliards de poissons, sans parler des tortues marines, des baleines et des dauphins, des oiseaux de mer et d'autres espèces. A l'échelle du globe, les prises accessoires (hors pêche illégale, non déclarée et non réglementée) sont ainsi évaluées à 7,3 millions de tonnes", écrit WWF dans son rapport.

Sans compter que les nouvelles techniques vont chercher des poissons qui vivent en profondeur et qui ont besoin de davantage de temps que les espèces de surface pour que leurs populations se renouvellent.

La pollution est grandissante

A quoi c'est dû. Le tourisme joue une part importante. Or cette activité ne cesse de se développer partout dans le monde. "A l'échelle mondiale, le tourisme et les activités économiques s'y rapportant génèrent 9,8% du produit intérieur brut" et "représente 1 emploi sur 11", écrit WWF.

L'organisation mondiale de protection de la nature pointe notamment le rôle des paquebots de croisière : "Le succès croissant des croisières océaniques n'est pas non plus sans risque pour l'environnement marin : capables d’accueillir 6 000 passagers et 2 000 membres d’équipage, les énormes villes flottantes qui les assurent constituent une source majeure de pollution en rejetant en pleine mer non seulement des déchets et des eaux usées non-traitées, mais aussi d'autres substances polluantes liées à la navigation maritime."

Conséquences. L'accroissement du tourisme s'accompagne d'importantes modifications du littoral. Or cela chasse des animaux de leurs zones d'habitat ou de ponte. Par exemple, le phoque moine a totalement disparu des côtes françaises alors qu'il y était présent jusque dans les années 1930 et en Corse jusqu'en 1976. D'après l'Union internationale pour la conservation de la nature (PDF), "c'est le résultat direct du développement touristique sur les côtes rocheuses et dans les grottes marines et de l'augmentation de la fréquentation sur les plages, qui ont privé le phoque moine de ses principaux sites de repos et de reproduction".

Le plastique, qui a envahi les océans, est également un danger pour les espèces marines. Les sacs en plastique sont particulièrement redoutables. Chaque année, ils tueraient environ un million d’oiseaux et 100 000 tortues marines, selon un rapport de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), a indiqué Le Parisien en avril. "Tortues et dauphins confondent les sacs plastique qui flottent avec des méduses dont ils font leur repas. Ces sacs non digérés emprisonnent les intestins de ces animaux qui ont besoin de remonter en surface pour respirer. Quand l'empilement de sacs est trop important, ils suffoquent", expliquait le quotidien.

Une tortue verte marine tente de manger un sac en plastique, car il ressemble à une méduse. (SERGI GARCIA FERNANDEZ / BIOSPHOTO / AFP)

Les eaux sont de plus en plus acides

A quoi c'est dû. De façon globale, l'acidification des océans est liée à l'activité humaine et notamment à ses importantes émissions de dioxyde de carbone (CO2). En effet, les océans absorbent ce gaz. "Par rapport à la période préindustrielle, l'acidité des océans a augmenté d'environ 26%", a estimé un collectif de spécialistes internationaux de biologie marine en octobre 2014. Et la tendance devrait s'accélérer puisque ces chercheurs pensent que l'acidité des océans risque "d'augmenter d'environ 170% par rapport aux niveaux préindustriels d'ici à 2100".

Conséquences directes. L'acidification des océans ruine des écosystèmes. Elle menace notamment les récifs coralliens et les prairies sous-marines, des espaces qui abritent plus de 25% des espèces marines.

National Geographic a réalisé un diaporama montrant l'effet de l'acidification de l'eau sur les animaux qui y vivent. Concrètement, dans un environnement acide, les coraux manquent de carbonate pour construire leur squelette. Leur croissance est alors plus lente et ils sont plus fragiles. Voici une photo montrant un récif sain (A) et un autre dégradé par des eaux acides (B).

  (USGS)

Plus surprenant, des travaux d'un chercheur d'une université australienne ont montré que les poissons des milieux trop acides adoptaient un comportement à risque. Au lieu d'éviter l'odeur d'un prédateur, ces poissons "commencent à être attirés" par elle, explique le scientifique, "ce qui est incroyable".

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