Cinq questions qui ne coulent pas de source sur la pollution de l'eau du robinet
Selon l'UFC-Que Choisir, 2,8 millions de Français ont accès à une eau du robinet polluée. L'association met notamment en cause l'agriculture intensive et ses pesticides.
La quasi-totalité des Français (95,6%) peuvent boire au robinet sans crainte, mais 2,8 millions de personnes doivent faire face à une eau polluée, selon une enquête de l'UFC-Que Choisir, publiée jeudi 26 janvier. Quelles sont les zones concernées ? Faut-il s'en inquiéter ? Franceinfo fait le point.
Quelles sont les zones les plus touchées ?
Cela peut paraître surprenant, mais l'eau pure est plus rare à la campagne qu'en ville. Les 2,8 millions de personnes contraintes à consommer de l'eau polluée vivent essentiellement dans des zones rurales, selon l'UFC-Que Choisir. Si vous voulez vous renseigner sur la qualité de votre eau, l'association a mis en ligne une carte interactive avec des informations commune par commune.
Une carte qui balaie quelques idées reçues. Réputée pour ses élevages intensifs de porcs, la Bretagne affiche désormais "99,99% de conformité pour ses teneurs en nitrates et 99% pour celles en pesticides", soit "des résultats supérieurs à la moyenne nationale", précise l'organisation.
De façon générale,"force est de constater que les citadins sont plus chanceux que les ruraux et les montagnards habitant de très petites communes", déplore l'UFC-Que Choisir qui met en avant la Lozère, où se situent "13 des 15 villages où l’on risque le plus d’avoir des ennuis de santé en buvant l’eau du robinet (dérangements intestinaux, gastro-entérites…)". D'autres communes de la Drôme, du Cantal, de Haute-Loire, de Savoie, de Haute-Savoie, des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence sont concernées.
Quels sont les principaux polluants ?
L'agriculture intensive et ses pesticides sont pointés du doigt par l'UFC-Que Choisir : les polluants agricoles sont, "de loin", la première cause de non-conformité. "Les molécules retrouvées sont essentiellement des herbicides", comme l'atrazine, un herbicide "désormais interdit mais (...) particulièrement rémanent dans l'environnement", analyse l'association..
Bonne nouvelle, "au vu des analyses, le problème des nitrates agricoles semble, en revanche, presque résolu" : "Plus de 99% de la population est alimentée par une eau sans aucun excès de nitrates." Reste 1%, soit 200 000 consommateurs, qui voient leur eau polluée dans le Loiret, la Seine-et-Marne, l'Yonne, l'Aube, la Marne, le Pas-de-Calais et la Somme.
Phénomène minoré et troisième facteur de pollution : des "contaminations bactériennes dues aux défauts de surveillance ou à la vétusté des installations". Elles concernent, là encore, 200 000 personnes, vivant surtout dans les petites communes rurales de montagne (Alpes, Massif Central, Pyrénées).
Y a-t-il des polluants plus méconnus ?
Oui. L'UFC-Que Choisir alerte aussi sur la présence de "composants toxiques" dans les canalisations des logements : du plomb, du cuivre, du nickel ou du chlorure de vinyle, "relargués par des canalisations vétustes ou corrodées". Elle souligne que cette pollution est mal mesurée, du fait d'"un très faible nombre de prélèvements" qui "ne permettent pas de connaître l'exposition réelle des consommateurs".
Elle pointe, enfin, "d’autres non-conformités d’origines très diverses" touchant à chaque fois moins de 100 000 personnes sur l’ensemble du territoire, comme un excès de fluor ou de sélénium, un oligoélément. L'UFC-Que Choisir tire la sonnette d'alarme enfin sur les chlorites, "qui témoignent d’une surchloration mal contrôlée" de l'eau et concernent "1,5 million de Français", notamment à Meaux et Bourges.
Faut-il, du coup, se rabattre sur l'eau en bouteille?
Non. Inutile, sauf exception, de recourir à l'eau en bouteille : "Le constat global est très rassurant", estime l'UFC-Que Choisir. Après avoir analysé les réseaux desservant les 36 600 communes de France, sur la base de données du ministère de la Santé, elle conclut que 95,6% des consommateurs bénéficient d'une eau "respectant haut la main la totalité des limites réglementaires, et ce tout au long de l'année". L'association rappelle, au passage, que l'eau en bouteille est nettement plus chère que celle provenant du robinet, et qu'elle a un impact sur l'environnement, en raison du transport et des emballages nécessaires.
Comment améliorer la situation ?
Pas de mystère : en luttant contre les pesticides et en rénovant le réseau. L'UFC-Que Choisir réclame aux pouvoirs publics "une réforme en profondeur de la politique agricole de l’eau, par une véritable mise en œuvre du principe pollueur-payeur dans le calcul des redevances de l’eau, au moyen d’une augmentation de la taxation des pesticides et des engrais azotés et par un soutien financier aux agricultures biologiques et intégrées".
En 2015, un rapport de la Cour des comptes montrait d'ailleurs que l'agriculture et l'industrie, deux secteurs très pollueurs, ne payaient le nettoyage de l'eau qu'à hauteur respectivement de 6 et 7% de la facture totale, les particuliers réglant les 87% restants.
Enfin, l'UFC-Que Choisir demande "un audit national des composants toxiques des canalisations pour estimer le niveau d’exposition des consommateurs et, dans le cas du plomb, une aide aux particuliers pour le remplacement de leurs canalisations".
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