PARK(ing) DAY : quand l'écologie squatte les trottoirs
Nées dans les années soixante-dix aux Etats-Unis, largement répandues dans les pays anglo-saxons, il faut attendre le début des années 2000 pour voir les premières green guerillas apparaître en France. Cette forme d’activisme écologique consiste à semer, planter, coller des végétaux dans des espaces urbains en friche. Ces fameux "délaissés" selon le terme consacré par les urbanistes. Des talus, plates-bandes, brèches dans les trottoirs, sont transformés en jardinières d’un genre nouveau. Car ces jardiniers n’utilisent pas des plantes sélectionnées mais des graines ou plants d’adventices, qui ne sont en réalité que des... mauvaises herbes ! Lesquelles favorisent la biodiversité.
"Rebellion Jardinière 31" à Toulouse, "Guerrilla gardening Paris" dans la capitale ou "Brigade jardinière nantaise" en Bretagne, les plus célèbres ont déjà attiré les objectifs des médias. La traduction de leur "bible", "La guérilla jardinière"*, du britannique Richard Reynolds en mars dernier, désormais disponible en librairies, est bien le signe de l’intérêt suscité par ce mouvement.
Les leaders sont souvent jeunes et branchés sur les réseaux sociaux. PARK(ing) DAY est un exemple de green guerilla éphémère où la diffusion de l’information via , Facebook et les blogs est cruciale. Des chercheurs de l’Ohio aux Etats-Unis ont montré combien ces réseaux sont un terreau fertile et qu’ils favorisent la propagation des comportements verts.
Activisme écologique ou occupation bobo ?
Ce type de jardinage militant, (au passage aussi illégal que les graffitis !) n’est-il pas une activité de bobos en mal d’occupation ? Réponse négative pour Cécile Brazilier du collectif Dédale (qui organise PAR(ing) DAY à Paris). "Les gens qu’on a rencontrés sur des opérations de guerilla gardening n’étaient absolument pas des bobos, mais des gens qui voulaient s’investir dans leur quartier pour remédier aux lacunes dans leur ville". Retraités, étudiants en urbanisme ou en paysage forment généralement le gros des troupes. Si chacun met ce qu’il veut sous la binette de sa green guerilla, Gabe, animateur d’un groupe parisien veut faire "plus que planter des pensées pour faire joli".
"On essaie de sensibiliser les gens à la possibilité de planter des fruits et légumes dans les délaissés de la ville". Ces tomates, pommes de terre et carottes peuvent alléger le prix du panier alimentaire de certaines familles, explique cet étudiant à l’école nationale du paysage de Blois. Comme un retour aux toutes premières sources de cette philosophie jardinière : "le jardinage clandestin a fait sa première apparition il y a plus de trois siècles alors que le Britannique Gerrard Winstanley, à la tête des Diggers (les Bêcheurs), défendait le droit de travailler la terre sans le consentement des propriétaires terriens et sans leur payer de redevance".**
Pour Cécile Brazilier, urbaniste et paysagiste de formation, cette activité a du sens dans les grandes métropoles où la densité urbaine est trop forte. Certaines municipalités sont à la pointe de ce questionnement, et c’est comme par hasard sur ces territoires urbains que les green guerillas s’épanouissent. Comme à Rennes, Grenoble ou Lyon, des villes qui pour certaines expérimentent depuis quelques années la gestion différenciée (moins de pesticides dans les espaces verts), verdissent les pieds des arbres ou les voies de tramways. La capitale n’est pas en reste. Paris est en effet engagée depuis 2001 dans une démarche de développement durable. Parmi ses principales obligations : la réduction des nuisances, l’économie des ressources naturelles et la protection de la biodiversité. Le projet de réaménagement des voies sur berges suscite un vif débat. Les guérilleros verts et certains politiques finissent par avancer dans le même sens.
Caroline Caldier
*Editions Yves Michel
_ ** Nouvelles Clés, mars/mai 2010
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