Le chef de l'Etat reste "très déterminé" à imposer la taxe carbone, "l'un de ses engagements"
C'est ce qu'a indiqué mercredi la secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie Chantal Jouanno, qui venait de recevoir un appel du chef de l'Etat.
La taxe carbone, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier, a été annulée mardi soir par le Conseil constitutionnel qui la juge inégale face à l'impôt.
"L'écologie, c'est une priorité absolue pour [Nicolas Sarkozy], même si c'est difficile et même si on est à trois mois d'un échéance électorale. Sinon, il y aura toujours un bon prétexte pour ne pas le faire", a ajouté la secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie. "Il tiendra absolument son engagement, cela a été redit ce matin", a-t-elle insisté, en rappelant qu'un nouveau projet sera soumis au conseil des ministres le 20 janvier.
Manque à gagner pour l'Etat de 1,5 milliard
"La censure de la taxe carbone fait perdre à l'Etat 1,5 milliard d'euros mais ce chiffre est virtuel en attendant la nouvelle mouture de la taxe carbone que le gouvernement doit présenter le 20 janvier", a dit à l'AFP une source au ministère. En attendant, le déficit prévu de l'Etat en 2010 se creuse "virtuellement" de 1,5 milliard et devrait atteindre l'année prochaine 118,9 milliards d'euros contre 117,4 prévus avant la décision du Conseil constitutionnel.
Conséquence sur les tarifs du gaz et des carburants
Les tarifs réglementés du gaz pour les ménages, qui devaient être impactés par la taxe carbone, auraient dû augmenter au 1er janvier de 7,6 % par rapport au prix hors taxe. De manière mécanique, l'annulation de la taxe fait que le tarif du gaz ne sera "pas renchéri", a confirmé une porte-parole du ministère de l'Ecologie et de l'Energie et du Développement durable.
De la même manière, les tarifs des carburants et du fioul, qui auraient dû augmenter d'environ 5 centimes d'euros par litre, n'augmenteront pas le 1er janvier, a déclaré Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip). "Pour le consommateur, il n'y aura pas de changement, c'est une opération blanche", a-t-il ajouté.
L'annulation de la taxe carbone
Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 22 décembre par le PS sur le projet de budget pour 2010 instituant cette nouvelle taxe verte.
Le Premier ministre, François Fillon, a annoncé mercredi qu'un nouveau texte serait présenté en Conseil des ministres le 20 janvier. Ce texte tiendra "pleinement compte" des observations des "sages", a promis François Fillon. Il a souligné que la mise en place d'une contribution carbone était "une priorité du président de la République et du gouvernement". "Cette contribution est nécessaire pour orienter les comportements des entreprises et des ménages en matière de consommation d'énergie et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre", a-t-il insisté.
De son côté, le PS parle de "lourde défaite pour le président de la République qui s'était personnellement engagé".
Nicolas Sarkozy n'avait pas hésité à comparer la création de la taxe carbone, largement rejetée par l'opinion selon les sondages, à des réformes historiques comme l'abolition de la peine de mort.
Rebaptisée "contribution carbone" par le Sénat, la taxe était fixée à 17 euros la tonne de dioxyde de carbone (CO2).
Pour autant, les juges présidés par Jean-Louis Debré ont validé
deux autres dispositions essentielles, contestées, du projet de budget: la réforme de la taxe professionnelle et la fiscalisation des indemnités de Sécurité sociale versées aux accidentés du travail.
La décision des "sages"
Le Conseil constitutionnel a considéré que "l'importance des exemptions totales de contribution carbone étaient contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créaient une rupture d'égalité devant les charges publiques (...) Moins de la moitié des émissions de gaz à effet de serre aurait été soumise à la contribution carbone", en raison de ces multiples exemptions, selon les sages du Palais Royal.
Ainsi, étaient totalement exonérés les "centrales thermiques produisant de l'électricité, les émissions des 1.018 sites industriels les plus polluants" (raffineries, cimenteries, cokeries...), les transports aérien et routier de voyageurs. Selon le Conseil, "93 % des émissions d'origine industrielle, hors carburant" n'auraient pas été taxées. L'objectif de "mettre en place des instruments permettant de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre" ne pouvait donc être atteint. De plus, ces exemptions "créaient une rupture caractérisée de l'égalité" devant l'impôt. Les articles 7, 9 et 10 du budget 2010 passent donc à la trappe.
Réactions
- Le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, et ministre du gouvernement: "Le gouvernement prend acte de la décision du Conseil constitutionnel d'invalider le mécanisme de la taxe carbone mais la France doit rester à la tête du combat en faveur de l'environnement".
- Pour le secrétaire d'Etat à l'Emploi, Laurent Wauquiez, cette annulation n'est qu'"un accident de parcours". Il a dénoncé les "réactions pathétiques" de l'opposition qui "s'enferme de plus en plus dans un rôle d'écologiste de salon".
- Pour le porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre, "l'annulation de la taxe carbone n'est pas une bonne nouvelle. C'est un gage donné au conservatisme".
- Le député UMP du Nord Christian Vanneste s'est réjoui de l'annulation de la taxe. Une taxe "complexe et [qui] défavorise notre activité économique, de manière plus accentuée encore dans les zones frontalières".
- Au PS, la première secrétaire Martine Aubry parle de "revers majeur pour Nicolas Sarkozy". Cette annulation "révèle la réalité de la politique du président de la République: beaucoup d'agitation mais peu de résultats", a-t-elle ajouté.
La taxe carbone, "c'est de la 'com'. Quand on fait trop de 'com', on ne fait pas de bonne politique", juge le président du groupe socialiste à l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault.
- Pour Cécile Duflot (Verts) , qui avait parlé de "fumisterie" lors de la création de la taxe carbone en septembre dernier, "c'est presque logique". "La somme d'exonérations faisait que la taxe carbone n'avait plus qu'un nom mais plus aucun sens et absolument pas l'utilité de la fiscalité écologique", a-t-elle déploré.
-Le Modem veut "remettre le dossier sur la table en faisant payer les vrais pollueurs".
- Pour la fédération France Nature Environnement (FNE), l'annulation de la taxe carbone est "catastrophique" après l'échec de Copenhague. Elle souligne cependant qu'une telle décision "était prévisible dans la mesure où les exonérations prévues "portaient
atteinte au principe d'égalité: plus on multiplie les exemptions, plus on fragilise une mesure fiscale".
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