Gaz de schiste : et maintenant ?
Vendredi après-midi, José Bové s'est réjoui de la décision du Conseil constitutionnel validant la loi interdisant la fracturation hydraulique. Selon lui, elle vient "fermer la porte à double tour " à l'exploitation du gaz et pétrole de schiste. L'eurodéputé dit-il vrai ? Pas évident de le savoir.
La loi interdit la fracturation... pas les gaz de schiste
Les militants écologistes l'affirment : la loi de 2011 est bancale. Le texte, voté sous le gouvernement de François Fillon, n'interdit pas d'extraire du gaz de schiste. Il interdit d'extraire du gaz de schiste en utilisant la technique de la fracturation hydraulique. Or, pour le moment, aucune autre technique n'est réellement fiable ou suffisamment maîtrisée pour venir remplacer la fracturation hydraulique.
Mais si cela devient le cas ? "Si une société arrive à faire reconnaître que la technique
qu'elle entend utiliser ne relève pas de la fracturation, la loi ne lui
sera plus opposable ", explique l'avocat Arnaud Gossement, spécialiste du droit de l'environnement.
"Cette loi est une loi d 'urgence, limitée" (Arnaud Gossement, avocat)
Des études sont ainsi en cours pour utiliser d'autres moyens avec du propane, de l'hélium, ou un arc électrique. On note également un changement de vocabulaire chez les pétroliers, qui parlent maintenant d'avantage de stimumulation ou de massage de roche que de fracturation, pour éviter de faire peur.
Où est la commission promise par la loi ?
C'est pourquoi les pétroliers et les pro-gaz de schiste insistent sur la possibilité de pouvoir continuer les recherches pour trouver d'autres techniques, mais aussi pour pouvoir prouver que la fracturation hydraulique n'est pas dangereuse pour l'environnement.
Pour Jean-Louis Schilansky, patron de l'Union Française des Industries Pétrolières (UFIP), "Il faut qu'on se tienne au courant de ce qui se passe plutôt que de fermer les yeux. Dans cette loi qui vient d'être appliquée, il y a des dispositions qui nous permettent de conserver une connaissance sur cette technique. Appliquons-la ".
Ce que le directeur de l'UFIP souhaite voir appliquer, c'est notamment l'article 2, qui prévoit le droit à l'expérimentation de la fracturation hydraulique. C'est aussi la Commission de suivi des techniques d'exploration des hydrocarbures. Créée par la loi de 2011, cette structure n'existe toujours pas.
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Pourquoi ailleurs plutôt que chez nous ?
Or, les pétroliers souhaitent sa création, et leur argument est le suivant : pourquoi aller acheter du gaz de schiste ailleurs, dans des endroits où on ne connaît pas les conditions d'exploration des sous-sols, plutôt que d'extraire du gaz de schiste chez nous - mais avec une commission qui puisse exercer un fort contrôle ?
Ce que disent les pro-gaz de schiste, c'est qu'il est possible d'en extraire sans danger pour l'environnement, si on fait très attention. Or, aux Etats-Unis, où des dangers ont été mis en avant, avec l'eau notamment, on ne le ferait pas correctement.
Une idée complètement niée par les militants écologistes qui rejettent en bloc l'énergie fossile. Et même si ces derniers bénéficient de l'appui de nombreux scientifiques, il reste difficile de départager les deux, car de nombreuses études sont publiées sans pour autant qu'on puisse réellement juger de leur fiabilité.
On ne connaît pas les sous-sols français
Mais il reste un point qui empêchera sans doute les pétroliers d'avancer sur le sujet. En effet, leur argumentaire centré autour la possibilité de fracturer sans doute ne tient pas la route, puisque les quantités de gaz de schiste dans les sous-sols français sont complètement inconnues jusqu'à présent. Pour les connaître, il faudrait forer en grande quantité - c'est en tout cas dans ce sens que va l'Office Parlementaire des choix scientifiques et technologiques. Mais pour l'instant, c'est interdit.
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C'est pourquoi l'entreprise américaine Schuepbach, celle-la même qui a saisi le Conseil constitutionnel, et celle-la même qui envisage de demander à l'Etat une indemnisation financière pour manque à gagner (on parle d'un milliard de dollars...), va sans doute voir cette demande rejetée. Car comment calculer une indemnisation du manque à gagner, si on ne connaît pas ce que le groupe pétrolier aurait pu gagner ? C'est désormais le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par la compagnie américaine, qui va trancher.
Toutes ces inconnues font que les militants écologistes sont satisfaits par la décision des Sages, mais restent inquiets. Ils réclament notamment que la loi soit modifiée. Et Arnaud Gossement, l'avocat, de conclure : "D'où la nécessité de reprendre le chantier législatif, cela
s'appelle la réforme du code minier (l'ensemble de textes qui régissent l'exploitation
du sous-sol). "
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