Vidéo "Nos destins sont liés" : dans le bassin du Congo, le combat pour sauver une forêt moins connue que l'Amazonie mais vitale pour la planète

La forêt du bassin du Congo est devenue, devant la forêt amazonienne, le premier puits de carbone au monde. L’ampleur de la déforestation de ce massif forestier reste encore trop peu connue en Europe. Estelle Ewoule Lobe, militante camerounaise, se bat pour faire connaître cette cause.
Article rédigé par Thomas Sellin
Radio France
Publié Mis à jour
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Vue aérienne du bassin du Congo au niveau du Parc national d'Odzala-Kokoua, en République démocratique du Congo. (GUENTERGUNI / E+ VIA GETTY IMAGES)

Si vous posez la question autour de vous de savoir quelle est la deuxième plus grande forêt tropicale après la forêt amazonienne, il y a fort à parier que peu de gens vous répondent : la forêt du bassin du Congo. C'est pourtant le cas et depuis quelques années, selon la Banque mondiale, le massif forestier africain est aussi devenu le premier puits de carbone au monde, devant sa grande sœur sud-américaine.

La forêt du bassin du Congo (Stéphanie Berlu / franceinfo)

Ce massif de forêts d'une superficie de 3,7 millions de kilomètres carrés, l'équivalent de la France et de l'Inde réunies, s'étend sur six pays africains, dans le bassin versant du fleuve Congo : la République démocratique du Congo (RDC), la République centrafricaine, le Congo, la Guinée équatoriale, le Gabon et le Cameroun. Avec, selon Global Watch Forest, 650 000 hectares de forêt disparus en 2022, la déforestation s'accélère fortement dans cette région. La relative méconnaissance de cette problématique par le grand public y est certainement pour quelque chose.

"Un crime environnemental mondial" 

Estelle Ewoule Lobe, jeune Camerounaise de 35 ans, est une des lauréates 2023 de l'initiative Marianne pour les défenseurs des droits de l'Homme. Elle milite activement dans son pays pour lutter contre la déforestation du bassin du Congo. Présente le week-end dernier à Paris au festival We Love Green lors d'une table ronde sur le climat, elle sait que son combat passe d'abord par une prise de conscience mondiale. "On a beaucoup médiatisé la problématique amazonienne et on a relégué au second niveau celle des forêts du bassin du Congo. C'est à nous, les leaders de la société civile africaine, de sensibiliser sur cette problématique. Le véritable problème, c'est le manque d'information." Et de poursuivre avec cette question : "Si les gens ne sont pas au courant de cette catastrophe environnementale, comment peuvent-ils s'y intéresser ?"

De nombreuses causes expliquent cette déforestation intensive dans le bassin du Congo : l'industrie du bois en premier lieu, mais aussi l'agriculture, l'extraction minière très présente en RDC ou encore des feux de brousse massifs. À cela s'ajoutent le trafic d'espèces protégées et l'exploitation illégale des ressources. "Nous assistons à un crime, un crime généralisé, un crime mondial" dénonce Estelle Ewoule Lobe. Le parallèle avec le crime organisé est pour elle évident : "C'est une pieuvre qui embrasse le crime financier, le trafic d'êtres humains, le crime environnemental. La corruption s'est infiltrée à tous les niveaux. Il est urgent de fédérer tous les acteurs possibles autour de cette problématique pour couper les tentacules de cette pieuvre." La présence de la Chine, de plus en plus importante dans ces forêts, n'est pas sans inquiéter la jeune militante. 

"Soit on tombe ensemble, soit on se sauve ensemble"

Estelle Ewoule Lobe attend beaucoup des prochaines dispositions françaises et européennes qui visent à lutter contre la déforestation en Afrique. Ces mesures pourraient montrer la voie à la communauté internationale. La première d'entre elles concerne directement ces "crimes environnementaux". Dès juillet 2024, 100 observateurs chargés de documenter la criminalité environnementale seront déployés au Cameroun, au Gabon et en RDC. Un projet en partie financé par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères français, en coopération avec trois organisations de la société civile engagées sur place dans la défense de la forêt du bassin du Congo. Parmi elles, l'Action pour la protection en Afrique des déplacés internes et des migrants environnementaux (Apadime), au Cameroun, qu'Estelle Ewoule Lobe a cofondée. 

L'autre attente de la militante camerounaise, c'est l'entrée en vigueur en janvier 2025 du Règlement sur la déforestation de l'Union Européenne (RDUE) qui vise à interdire les produits ayant contribué à la dégradation des forêts. "On lance un appel aux entreprises françaises, aux entreprises européennes, de respecter cet engagement pour nous aider au niveau local à lutter contre la déforestation. Parce que malheureusement pour vous, en Europe et heureusement pour nous les Africains, notre destin est lié par le climat. Soit on tombe ensemble, soit on se sauve ensemble."

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