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Matières premières, électricité, données... Comment le numérique a des effets bien réels sur l'environnement

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La fabrication des équipements, en premier lieu des télévisons, est la première source de pollution du secteur numérique. (LOIC VENANCE / AFP)

L'Agence de la transition écologique et l'Autorité de régulation des communications électroniques ont étudié l'impact du secteur numérique pour la planète. Franceinfo vous résume les principaux enseignements de ce rapport.

Réputé virtuel et dématérialisé, le monde numérique a pourtant un impact très réel sur notre planète, son environnement et son climat. Comme d'autres activités de notre quotidien – transports, alimentation, logement –, il repose sur la consommation de matières premières et d'énergie, dégageant au passage dans l'atmosphère des gaz à effet de serre (GES), moteur du réchauffement climatique, et produisant des déchets. C'est ce que rappellent l'Agence de la transition écologique (Ademe) et l'Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep), mercredi 19 janvier, dans une nouvelle étude sur les services numériques. Franceinfo vous résume les principaux enseignements de ce rapport.

Le secteur du numérique pèse 2,5% de l'empreinte carbone française

L'étude s'est concentrée sur l'impact global du numérique, de la fabrication des appareils à leur fin de vie, en passant par leur utilisation, mais sans distinction entre les différents usages (streaming, réseaux sociaux, e-mails, jeux vidéo, musique, télévision...). Tout compris, les services numériques en France émettent 16,9 millions de tonnes d'équivalent CO2 (CO2-eq) par an. Cela représente 2,5% de l'empreinte carbone de la France.

>> Crise climatique : comment calculer et réduire son empreinte carbone ?

Ce chiffre est "légèrement supérieur à l'équivalent du secteur des déchets en France" (14 millions de tonnes de CO2-eq) mais reste bien en deçà des principales sources d'émissions. Selon des données de 2016, l'empreinte carbone des transports en France était par exemple de 189 millions de tonnes de CO2-eq, soit 11 fois plus que le numérique.

"Comme tout secteur industriel, le numérique a un impact carbone, mais il est relativement faible comparé aux transports."

Raphaël Guastavi, l'un des auteurs de l'étude

à franceinfo

Au-delà des gaz à effet de serre, les services numériques produisent 20 millions de tonnes de déchets par an, en tenant compte de l'ensemble du cycle de vie du matériel (construction, utilisation, fin de vie). Ils sont responsables de 10% de la consommation d'électricité française, avec 48,7 terrawatt-heures.

La fabrication des appareils est la principale source de gaz à effet de serre

L'essentiel de l'impact du numérique sur l'environnement se trouve entre vos mains. "Les premiers responsables des impacts du numérique sont (...) les appareils électroniques (entre 64% et 92% des impacts), suivi par les centres de données (entre 4% et 22% des impacts) et les réseaux (entre 2% et 14%)", peut-on lire dans l'étude. Et tout se joue avant même que vous postiez une photo sur Instagram ou que vous regardiez Un si grand soleil sur France 2.

C'est en effet la fabrication de ces objets qui pèse lourd, parce qu'ils "sont très demandeurs en énergie" et qu'ils sont conçus "dans des pays avec un mix énergétique fortement carboné". En résumé, votre smartphone pollue principalement lors de sa fabrication en Chine, où le charbon, l'énergie fossile la plus polluante, est la principale source de production d'électricité (56% en 2020). En outre, leur fabrication nécessite "une quantité importante de matière rare (or, argent, cuivre, terres rares)" et leur extraction produit "beaucoup de déchets".

Mais comment expliquer ce poids écrasant des appareils personnels par rapport aux équipements collectifs ? "Il y a tout simplement beaucoup plus d'unités d'équipements personnelles que de data-centers", résume Raphaël Guastavi. Parmi ces équipements, ce sont les téléviseurs qui sont les plus polluants, "parce qu'ils sont plus gros et qu'ils le sont de plus en plus", ce qui consomme davantage de matière première.

Il existe des solutions pour diminuer cet impact pour la planète

A l'échelle individuelle. Pour le consommateur, la principale solution est "d'allonger au maximum la durée de vie des équipements et de ne pas céder aux sirènes de la nouveauté", estime Raphaël Guastavi, en rappelant que "25 millions de smartphones sont vendus chaque année pour 60 millions de Français". Il est aussi possible d'acheter des produits reconditionnés, "qui ont déjà eu une première vie" et qui permettent, pour les smartphones, d'éviter 91 à 55% de l'impact annuel de l'objet.

L'Ademe liste aussi une série de bonnes pratiques, comme "nettoyer sa boîte mails". "Ce n'est pas ce qui va changer la donne, reconnaît Raphaël Guastavi. Mais cela peut-être une première prise de conscience pour aller vers une consommation plus sobre." L'auteur de l'étude recommande aussi de ne pas consommer des données inutiles, en évitant d'utiliser YouTube comme un site d'écoute musical ou de charger automatiquement ses photos, même les plus ratées, sur un service de stockage.

A l'échelle des entreprises. Une grande partie du problème se situe du côté des fabricants de terminaux. Ces derniers incitent, à grands renforts de publicité et de conception de nouveaux modèles, au renouvellement des équipements numériques et facilitent peu leur réparation. "Je reconnais que ce n'est pas simple pour le consommateur de s'y retrouver : vous avez une parole publique et vous avez une parole privée qui essaye de vendre un objet", a déclaré en conférence de presse le PDG de l'Ademe, Arnaud Leroy, soulignant des "injonctions contradictoires".

Le patron de l'Agence de la transition écologique a ainsi évoqué l'hypothèse de messages environnementaux comme pour l'automobile. En attendant, Raphaël Guastavi invite les fabricants à privilégier l'écoconception, à améliorer leur indice de réparabilité et à consulter le guide de la communication responsable édité par l'Ademe. "L'idée est de les amener à proposer moins de nouveautés et à faire plus de recyclage. On n'y est pas encore tout à fait", euphémise-t-il.

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