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Infographies Crise climatique : en 2022, les grandes banques ont versé 673 milliards de dollars aux producteurs d'énergies fossiles

La coalition d'ONG Banking on Climate Chaos publie, jeudi, son nouveau rapport sur le financement par les banques des entreprises du pétrole, du charbon et du gaz.
Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un stock de charbon, le 21 juillet 2022 à Jiujiang, dans la province du Jiangxi (Chine). (AFP)

En 2022, les grandes banques mondiales ont continué de verser des centaines de milliards de dollars aux producteurs d'énergies fossiles, principale cause du réchauffement climatique. C'est ce que dénoncent, jeudi 13 avril, les ONG de la coalition Banking on Climate Chaos ("miser sur le chaos climatique"), qui regroupe des associations de lutte contre le changement climatique, dans un nouveau rapport.

Selon leurs calculs, effectués à partir des bases d'informations financières comme Bloomberg, les 60 principaux établissements bancaires mondiaux ont versé un total de 673 milliards de dollars (616 milliards d'euros) à des entreprises comme Saudi Aramco, ExxonMobil ou TotalEnergies, trois compagnies pétrolières. Une part significative de ces financements – 150 milliards de dollars (136 milliards d'euros) – sont même allés à des entreprises qui continuent de lancer de nouveaux projets d'exploitation de charbon, de pétrole ou de gaz.

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"Notre objectif est d'alerter sur l'écart entre les promesses et les pratiques. Il n'y a rien de plus grave que de penser que la situation est entre de bonnes mains et que la finance va nous sauver", explique à franceinfo Lucie Pinson, directrice de l'ONG Reclaim Finance, membre de la coalition. En 2021, les grandes banques s'étaient engagées, via la "Net Zero Banking Alliance", à atteindre la neutralité carbone de leurs portefeuilles en 2050.

Un chiffre en baisse

Ce chiffre de 673 milliards de dollars est toutefois en baisse par rapport à l'année dernière (801 milliards de dollars). "Il est trop tôt pour dire si c'est encourageant. Nous avons vu des effets yo-yo les années précédentes", estime Lucie Pinson.


Selon elle, cette baisse peut s'expliquer par les "superprofits" réalisés en 2022 par les entreprises du secteur, qui ont eu moins besoin de lever des fonds. Elle redoute que le niveau de financement des énergies fossiles rebondisse cette année. "Nous avons déjà vu de grosses transactions depuis janvier. Il est possible que 2023 montre une augmentation pour compenser ce qui n'a pas été versé en 2022", poursuit la militante.

Une banque française en 11e position

En tête de ce classement 2022, la Royal Bank of Canada, avec 42,1 milliards, juste devant JP Morgan Chase (39,2 milliards). La banque américaine reste cependant celle qui a le plus financé les énergies fossiles depuis 2016 et l'accord de Paris, ce traité central dans la lutte contre le réchauffement climatique signé en novembre 2015.


La première banque française, BNP Paribas, pointe à la 11e place du classement 2016-2022. La Société générale se classe 21e, juste devant Crédit agricole (23e). A l'inverse, Crédit mutuel (59e) et la Banque postale (60e) sont les deux établissements à avoir le moins financé les énergies fossiles depuis 2016, respectivement à hauteur de 0,5 et 0,4 milliard de dollars.

Contactée par franceinfo, BNP Paribas dénonce les "nombreuses erreurs et biais méthodologiques" du rapport et conteste la hausse affichée entre 2021 et 2022 (de 16,5 milliards à 20 milliards de dollars), estimant que "5,6 milliards de dollars lui sont attribués à tort". Elle affirme avoir baissé l'exposition de ses crédits à l'exploration-production de pétrole et de gaz entre 2020 et 2022. "Cette diminution des crédits de BNP Paribas aux énergies fossiles est intervenue avant même l'entrée en vigueur des décisions annoncées [sur ce sujet par l'entreprise] le 24 janvier 2023, qui vont marquer une très forte accélération de la trajectoire de sortie des énergies fossiles", poursuit la banque, qui assure avoir "les politiques de réduction des financements des énergies fossiles parmi les plus avancées au monde".

"Le leadership français est définitivement enterré"

Des arguments qui ne convainquent pas Lucie Pinson. "Ce rapport acte que le leadership français est définitivement enterré. Crédit mutuel a édulcoré son engagement à ne plus soutenir l'expansion du pétrole et du gaz [comme l'explique Reclaim Finance], tandis que BNP Paribas et Crédit agricole font partie des quelques banques qui ont augmenté leur financement aux énergies fossiles l'année dernière", souligne la militante, en regrettant "le silence assourdissant du gouvernement français" sur cette question.

Contacté, Crédit agricole défend une "trajectoire (...) exigeante et responsable" : "stopper brutalement le financement des énergies fossiles ne permettrait que de 'verdir' rapidement notre bilan, mais ne verdirait pas toute l'économie", explique la banque. De son côté, Crédit mutuel promet d'"arrêter de financer, à compter de juillet 2024, les entreprises du secteur de l'énergie qui continuent à développer de nouveaux projets d'exploration et de production de pétrole et de gaz".

Depuis 2021, l'Agence internationale de l'énergie (AIE), une agence créée après le choc pétrolier de 1973 pour sécuriser l'approvisionnement en énergie, répète régulièrement qu'il n'est pas nécessaire de lancer de nouveaux projets d'exploitation de gaz, de charbon ou de pétrole pour réaliser la transition énergétique. Dans son dernier rapport, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) constatait, lui, que "les financements publics et privés pour les énergies fossiles sont toujours plus importants que ceux pour l'atténuation et l'adaptation au changement climatique".

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