Climat : "On va devoir faire beaucoup d'investissements pour décarboner l'économie", alerte l'économiste Jean Pisani-Ferry
"On va devoir faire beaucoup d'investissements pour décarboner l'économie", a alerté lundi 22 mai sur franceinfo l'économiste Jean Pisani-Ferry professeur à Science Po, missionné par la Première ministre pour évaluer les impacts économiques de la transition écologique, alors que la Première ministre a présenté le nouveau plan de la France pour juguler les émissions de gaz à effet de serre. "Pour atteindre nos objectifs en 2030, nous devons doubler le rythme de baisse de nos émissions de gaz à effet de serre", a affirmé Elisabeth Borne.
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Jean Pisani-Ferry, auteur d'un rapport sur le financement des mesures à mettre en œuvre se dit "pas du tout pessimiste sur le moyen terme pour après 2030". Il estime que "le climat est une bonne raison de s'endetter parce que c'est quelque chose qui va produire des effets". "Pourquoi ne pas demander un effort aux 10 % les plus aisés", s'interroge l'économiste.
franceinfo : Selon votre rapport, la transition énergétique est possible, mais elle aura un coût pour la France à court terme.
Jean Pisani-Ferry : Je ne suis pas du tout pessimiste sur le moyen terme pour après 2030, parce que je pense qu'il y a un nouveau progrès technique, qu'on n'est pas du tout obligé de choisir entre climat et croissance. En revanche, on ne peut pas se cacher que, dans l'immédiat, on va devoir faire beaucoup d'investissements pour décarboner l'économie. Et ce sont des investissements qui n'auront pas d'impact positif sur le potentiel de croissance, pour la simple raison que les entreprises ou les ménages, au lieu d'investir pour améliorer leurs performances, pour améliorer leur bien-être, vont investir pour se passer des combustibles fossiles.
Quel sera le coût estimé de cette transition énergétique ?
C'est entre 65 et 70 milliards par an à l'horizon 2030. Cela fait à peu près deux points de produit intérieur brut, ce qui est important.
Qui va devoir supporter ce coût ?
En partie, ce seront bien sûr les entreprises, les ménages aisés, ceux qui ont la capacité de supporter ce coût. Mais il va falloir que les finances publiques en prennent une partie à leur charge. D'abord, évidemment tout ce qui revient aux administrations publiques, par exemple l'entretien des bâtiments, la rénovation thermique des écoles et des bâtiments publics. Et puis ensuite, il va falloir aider les ménages, non seulement à faibles revenus, mais aussi les ménages de la classe moyenne. Parce que, quand on regarde ce que coûte soit la rénovation thermique d'un logement, soit le changement de véhicule, cela coûte pour la classe moyenne à peu près un an de revenus en investissement. C'est beaucoup. Et ça, on ne peut pas dire aux gens : faites-le. Il va falloir les soutenir.
Est-ce que c'est pour ça que vous proposez dans ce rapport de taxer les plus aisés, une sorte d'ISF climatique ?
Je suis à la recherche de financements. Le premier financement, c'est évidemment le redéploiement des dépenses "brunes" [celles qui sont défavorables à l'environnement]. Il y a encore dans le budget de l'Etat 10 milliards de dépenses "brunes" par an. C'est là la première source de financement. La deuxième, cela peut être l'endettement. Bien que la France soit aujourd'hui très endettée, je pense que le climat est une bonne raison de s'endetter parce que cela va produire des effets et un rendement économique assez rapidement. Et puis la troisième source de financement, c'est d'aller chercher du côté des prélèvements obligatoires. Et parmi ces prélèvements obligatoires, pour le climat, pourquoi ne pas demander un effort aux 10% les plus aisés et, en gros, leur dire : pourquoi est-ce que vous ne donneriez pas une fois pour toutes 5% de votre patrimoine pour le climat ? On créerait par ce canal une "dette" que vous auriez à l'égard des administrations fiscales et il y aurait différentes modalités pour s'acquitter de cette dette. Pour certains, cela peut être via un prélèvement annuel pendant un certain nombre d'années, pour d'autres, cela peut être à l'occasion d'une cession. Il ne faut pas nécessairement que ce soit la même chose pour tout le monde.
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