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Allergies aux pollens : pourquoi le réchauffement climatique a un impact sur leur gravité et leur durée

Avec la hausse des températures, davantage de pollens sont libérés et ils sont plus allergisants. Sans compter que la saison de la pollinisation risque d'être plus longue, surtout d'ici la fin du siècle.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Un plant d'ambroisie, plante pouvant engendrer de sévères allergies, au bord d'un champ, dans l'Isère, le 30 juillet 2020. (MAXPPP)

Ça gratte la gorge, ça pique les yeux, ça fait éternuer... Après les pollens d'arbres, comme le bouleau, les pollens de graminées, comme le blé, se répandent sur l'ensemble de la France en cette mi-mai. Cette saison, qui débute au printemps et dure jusqu'à l'automne, est synonyme d'allergies (parfois très importantes) pour environ 20% des enfants et 30% des adultes français. Franceinfo vous explique pourquoi cette saison des allergies est aggravée par la crise climatique.

Parce que la saison des pollens va s'allonger

Pour l'instant, la saison des pollens est plutôt régulière, remarque Samuel Monnier, responsable communication du Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA), sollicité par franceinfo. "Elle est parfois un peu plus précoce, mais il ne s'agit que de quelques jours à la fin de l'hiver", remarque-t-il. Il arrive aussi que la saison des pollens joue les prolongations. Ce fut le cas en 2020, relève-t-il. Un épisode de chaleur "extrêmement remarquable" en septembre avait engendré un pic de production de pollens d'ambroisie mi-septembre alors qu'il survient habituellement mi-août.

Mais Dina Kabirova, allergologue dans le 5e arrondissement de Paris, relate auprès de franceinfo avoir déjà constaté un relatif allongement de la saison des pollens, propice aux allergies. "Parfois, cela démarre fin janvier et termine début octobre", observe-t-elle, précisant que les épisodes occasionnant des pics de consultations demeurent principalement "entre mars et juillet".

En raison du réchauffement climatique, l'allongement de la saison des pollens sera surtout important et visible à la fin du siècle, selon une étude publiée en mars dans la revue Nature Communications (en anglais). D'ici 2100, cette période pourrait débuter jusqu'à 40 jours plus tôt, prendrait fin 19 jours plus tard et engendrerait une augmentation de 40% de la production de pollen. "Les patients seront gênés plus longtemps, les effets seront parfois plus graves", prévient Dina Kabirova. Impossible pour la spécialiste de détailler davantage, car cela dépend de chaque patient et de son mode de vie. Elle insiste toutefois sur cette idée : "Plus une allergie dure, plus elle abîme."

Parce que des végétaux aux pollens fortement allergènes se déplacent

Avec les températures qui se réchauffent à la surface du globe, les plantes ou les arbres gagnent de nouveaux territoires, en se déplaçant vers le Nord, comme les bouleaux, déjà présents dans le nord de l'Europe et de la France. Le phénomène est également constaté pour des végétaux habituellement davantage présents dans le Sud, à l'instar des cyprès, à l'origine eux aussi de nombreuses allergies.

L'implantation de l'ambroisie, plante exotique envahissante originaire d'Amérique du Nord et très allergisante, est également surveillée de près. "On commence à avoir des allergies à l'ambroisie un peu plus au Nord. Au fur et à mesure que le climat évolue, l'environnement évolue et les allergies, aussi", a commenté sur franceinfo l'allergologue Sophie Silcret-Grieu. L'ambroisie est ainsi désormais présente en Savoie, note le RNSA, alors qu'elle n'était pas du tout observée en altitude auparavant.

Cette translation des végétaux rencontre cependant des freins. Si le développement de l'ambroisie inquiète en France, le RNSA relève que sa conquête du Nord est notamment bloquée par la "photopériode", le rythme d'alternance entre le jour et la nuit. Si elle prolifère dans le Sud, l'ambroisie ne parvient pas à produire de graines dans le Nord, écrivait la Revue française d'allergologie en mai 2021.

Parce que davantage de pollens sont produits et qu'ils sont plus allergisants

La hausse des températures, liée au réchauffement climatique, entraîne une production de pollens plus importante des végétaux, souligne Samuel Monnier. C'est le cas par exemple du bouleau, étudié par l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc). Pour cet arbre, responsable de nombreuses allergies du nord de la France à la région Auvergne-Rhône-Alpes"sur plus de trente ans, la quantité de pollens augmente en même temps que la courbe de températures" dans six villes de France, relève Samuel Monnier. "L'évolution des températures n'a fait qu'entraîner une hausse de la quantité de pollens de bouleau émis et donc une augmentation des allergies", écrit l'observatoire.

Le dioxyde de carbone (CO2), important gaz à effet de serre, dont les émissions mondiales ont explosé à cause des activités humaines, a un impact important sur les pollens. La hausse de sa concentration dans l'air encourage la croissance des végétaux, qui absorbent ce gaz, avec une double conséquence : "Davantage de pollen est produit, un pollen qui est davantage allergisant", explique à franceinfo Samuel Monnier.

Ce constat a été fait notamment sur l'ambroisie. Pour cette plante qui provoque de nombreuses allergies, "la quantité d'allergènes par grain de pollen est corrélée à la concentration atmosphérique en CO2", écrivaient Marie Choël et Nicolas Visez, deux scientifiques membres de l'Association pour la prévention de la pollution atmosphérique (APPA), dans un article publié en 2019 sur le site The Conversation, renvoyant à cette étude (en anglais) parue l'année précédente.

Parce que la pollution atmosphérique fragilise les voies aériennes et favorise la libération des pollens

Le réchauffement climatique et la pollution de l'air sont "intimement liés", écrit Santé publique France. Le CO2 n'est pas le seul polluant mis en cause. "Certains des polluants de l'air sont également des gaz à effets de serre et contribuent au changement climatique, comme l'ozone par exemple", explique l'agence sanitaire. Or la pollution atmosphérique agit de plusieurs façons sur les allergies. "La pollution a un effet irritant direct sur les voies respiratoires et un effet facilitateur pour les pollens", détaille l'allergologue Dina Kabirova. Conséquence : "Les allergies arrivent plus facilement." Ce phénomène, l'allergologue l'observe "beaucoup en ville, notamment pour les personnes qui se déplacent en moto ou en scooter, par exemple".

L'autre effet de la pollution atmosphérique ne touche pas l'organisme humain, mais les grains de pollen. Elle les attaque, fragilise leur paroi, leur permettant de libérer davantage de matière. "Un grain de pollen, c'est un peu comme un grain de poivre, il y a une coque autour, qu'on appelle l'exine, qui est fissurée par les produits chimiques qui se trouvent dans l'air. Le grain libère donc une quantité plus importante de substances allergisantes", a expliqué à France 3 Ile-de-France l'allergologue Patrick Rufin.

Parce que développer une première allergie ouvre la porte à d'autres

Avec le réchauffement climatique, le risque est à la fois de voir le nombre de personnes allergiques augmenter et d'observer une multiplication des allergies. L'allergologue Sophie Silcret-Grieu a décrit sur franceinfo ce cercle vicieux. "Le pollen de bouleau est allergisant, tout simplement parce qu'il est très abondant, parce qu'on a planté massivement des bouleaux et que c'est un pollen qui est surreprésenté dans la moitié nord de l'Europe. C'est pour ça qu'on devient allergique au bouleau, mais on a de gros risques de devenir allergique ensuite aux pollens de graminées, d'armoise, au chat, aux cacahuètes", a expliqué cette spécialiste attachée au Centre de l'asthme et des allergies de l'Hôpital Trousseau à Paris. Et de souligner : "La prédisposition allergique ne nous dit pas à quoi on sera allergique, mais simplement nous rend vulnérable à développer certaines allergies."

Face à cette aggravation de la situation pour les allergiques et les personnes sensibles, le RNSA rappelle quelques conseils pratiques : aérer le logement avant et après le coucher du soleil, se rincer les cheveux avant de se coucher, éviter de faire sécher le linge à l'extérieur, garder les vitres des voitures fermées, éviter les activités sportives lors des pics de dispersion de pollens, suivre son traitement ou consulter un allergologue si cela n'est pas encore fait. Le réseau souligne également que le port du masque peut également protéger les voies respiratoires, de même que le port de lunettes peut protéger les yeux, une muqueuse sensible pour certaines personnes.

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