A la COP26, les intérêts des énergies fossiles mieux représentés que les pays menacés par le réchauffement climatique
Selon l'ONG Global Witness, qui a épluché la liste des délégations à la conférence sur le climat, le lobby des énergies fossiles, principales émettrices de gaz à effet de serre, est mieux représenté dans les couloirs de la conférence que les pays les plus durement touchés par les conséquences du réchauffement climatique.
Imaginez des représentants des vins et spiritueux dans les allées d'une conférence des Alcooliques anonymes. Alors que dirigeants et négociateurs du monde entier discutent à la COP26 des conditions de l'abandon progressif des énergies fossiles, principale cause du réchauffement climatique via leurs émissions de gaz à effet de serre, des représentants de ces mêmes industries bataillent en coulisses pour défendre ses intérêts. Plus de 500 lobbyistes des secteurs du pétrole et du charbon sont présents à la conférence sur le climat, à Glasgow (Ecosse, Royaume-Uni), révèle lundi 8 novembre l'ONG Global Witness (lien en anglais), qui a épluché la liste des personnes accréditées (lien en PDF) au sein des délégations.
Avec 503 représentants, les industries des énergies fossiles comptent davantage d'émissaires que les nations les mieux représentées. Selon l'ONG, plus de 100 compagnies pétrolières sont présentes à la COP et pas moins de 30 associations ou organisations du secteur. En nombre, elles écrasent les délégations de nombreux pays parmi les plus touchés par les conséquences du réchauffement climatique, comme la République démocratique du Congo (373), le Bangladesh (296) ou Haïti (46). Ils devancent également les délégations les plus fournies, telles que le Brésil (479) et la Turquie (376).
"Ils visent à détruire l'accord de Paris"
Depuis la signature de l'accord de Paris, dans la foulée de la COP21, en 2015, les pays se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Or, ces lobbyistes œuvrent à "défendre un agenda incompatible avec l’accord de Paris, voire à ralentir sa mise en œuvre", pointe Clément Sénéchal, porte-parole de Greenpeace, à franceinfo.fr. "L'enjeu de la COP, c'est de tenir un langage explicite sur la sortie des énergies fossiles", explique-t-il. Or, selon lui, la faiblesse des engagements, qui transparaissent déjà dans les premières versions du texte final issu des négociations, témoigne du travail de sape de cette "délégation pléthorique de lobbyistes de haut niveau, qui viennent influencer les décisions dans le mauvais sens, sans doute avec succès".
Ainsi, l'Association internationale pour l'échange de droits d'émission (IETA) compte 103 délégués sur place, dont trois sont issus de la compagnie pétrolière BP. "Cette association comprend un nombre énorme de compagnies d'énergie fossile", a expliqué à la BBC (lien en anglais) Murray Worthy, de Global Witness, les accusant de mettre en avant "des fausses solutions [qui] empêchent de prendre les vraies et simples mesures qui solutionneraient la crise climatique, à savoir ne plus extraire d'énergie fossile".
Surtout, ces représentants inclus dans les délégations et "qui défendent des intérêts particuliers", bénéficient d'un accès privilégié aux discussions, là où "la société civile et les experts des ONG, qui défendent l'intérêt général, sont tenus à l'écart des négociations", poursuit Clément Sénéchal, faisant écho à la demande formulée dans la tribune des 51 membres de la Convention citoyenne pour le climat.
Des représentants du pétrole et du charbon au sein des délégations nationales
Selon le décompte de Global Witness, 27 pays (dont le Canada, le Brésil ou encore la Russie) comptent des représentants des secteurs du pétrole et du charbon au sein même de leur délégation nationale. Sollicité par franceinfo, un porte-parole de la COP26 a rappelé qu'"il revient à chaque pays la responsabilité de choisir ces délégués et que la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) délivre toutes les accréditations à la COP."
Dans la zone des pavillons de la COP26, l'Australie a ainsi fait la démonstration d'un projet de capture et de stockage du carbone réalisé par l'une des entreprises les plus émettrices de gaz à effet de serre du pays. Retiré du stand après avoir suscité l'émoi d'une partie des participants, cette vitrine témoigne de la présence plus ou moins discrète de ces industries dans les conférences sur le climat.
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