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COP27 : on vous explique l'objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, qui pourrait être menacé à Charm el-Cheikh

Cet objectif, le plus ambitieux de l'accord de Paris pour limiter les dégâts de la crise climatique, pourrait être revu à la baisse dans le texte final de la conférence.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La COP27 se tient à Charm el-Cheikh (Egypte) jusqu'au 18 novembre. (JOSEPH EID / AFP)

"Cela ne peut pas être la COP où on lâche les 1,5°C." Ce cri d'alarme a été lancé par Alok Sharma, le président de la précédente édition du sommet annuel de lutte contre le réchauffement climatique, rapporte The Guardian*. "Nous devons nous en tenir à cet objectif, nous ne pouvons autoriser aucun recul", a-t-il insisté, lundi 14 novembre à la COP27 de Charm el-Cheikh (Egypte).

L'objectif de 1,5°C, jugé de plus en plus difficile à atteindre par les scientifiques, semble menacé par certains pays*, qui préfèreraient, dans le texte final de la COP, mettre l'accent sur la limite des 2°C. À l'inverse, les pays les plus vulnérables veulent que cette cible soit réaffirmée et consolidée*. Franceinfo vous explique ce brûlant débat.

En quoi cet objectif est-il si important ?

Signé en 2015 à la COP21, l'accord de Paris sur le climat est la pierre angulaire de la lutte contre le réchauffement climatique provoquée par les activités humaines. Les pays qui l'ont signé se sont engagés à contenir "l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels" et à poursuivre "l'action menée pour limiter l'élévation de la température à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels, étant entendu que cela réduirait sensiblement les risques et les effets des changements climatiques".

Ces chiffres correspondent à une augmentation de la température mondiale, un indicateur aujourd'hui à +1,1°C. Chaque dixième de degré rend les événements extrêmes, comme les vagues de chaleur de l'année 2022, plus fréquents et plus intenses. Comme le détaillait le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat* (Giec) à l'été 2021, une chaleur extrême qui avait auparavant une probabilité de se produire tous les 10 ans, reviendra 4,1 années sur 10 avec un réchauffement de +1,5°C et 5,6 années sur 10 avec +2°C. "Pour vous donner une image, vous avez de la fièvre, vous êtes à 37,5°C. Vous montez de 1,5°C. Là, vous vous rendez compte que ça commence déjà à devenir moins sympathique. Vous rajoutez encore un degré, vous arrivez à 40°C et là, chaque dixième va compter. La planète, ça fonctionne un peu comme ça", illustre la géographe Magali Reghezza-Zitt, membre du Haut Conseil pour le climat.

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Cette mention des 1,5°C dans l'accord de Paris est une revendication de longue date portée par les petits Etats insulaires, menacés par la montée des eaux. "La différence entre 1,5°C et 2°C, c'est la peine de mort pour nous", avait lancé à la COP26* Shauna Aminath, le ministre de l'Environnement des Maldives, dans l'océan Indien.

Où en est-on actuellement ?

Cet objectif politique a fait l'objet d'une importante production scientifique. En 2018, le Giec lui avait consacré un rapport spécial. "Les risques climatiques pour les systèmes humains et naturels sont plus élevés avec un réchauffement de 1,5°C qu'à l'heure actuelle, mais ils sont plus faibles qu'à 2°C", y détaillaient les scientifiques.

Depuis cette date, les émissions de gaz à effet de serre, provoqués principalement par la combustion de charbon, de pétrole et de gaz, ont continué d'augmenter et la limite de 1,5°C semblent s'éloigner un peu plus à chaque rapport. "Les limites de 1,5°C et de 2°C seront dépassées au cours du XXIe siècle s'il n'y a pas de réductions importantes de nos émissions de gaz à effet de serre dans les prochaines décennies", alertait le groupe 1 du Giec* en août 2021. 

"Tout retard dans la mise en œuvre d'une action concertée, globale et anticipée en faveur de l'adaptation et l'atténuation nous fera rater la courte fenêtre d'opportunité, qui se referme rapidement, pour garantir un avenir vivable et durable pour tous", prévenait encore le groupe 2 en février 2022

"Dans les scénarios que nous avons évalués, limiter le réchauffement à 1,5°C nécessite que les émissions de gaz à effet de serre plafonnent avant 2025 au plus tard", écrivent les chercheurs du groupe 3 en avril 2022.

Pourquoi certains scientifiques estiment que cet objectif est "mort" ?

Menacés d'un côté par les pays qui rechignent à agir contre le réchauffement climatique, les 1,5°C sont aussi critiqués par certains scientifiques engagés dans le mouvement climat. Reconnaître que cet objectif est "mort" est l'une des revendications du mouvement Scientist Rebellion, ces scientifiques engagés dans la désobéissance civile pour protester contre l'inaction climatique. "Continuer à dire publiquement que l'objectif de 1,5°C est toujours atteignable n'est plus défendable", écrivent-ils dans une lettre ouverte*, estimant que cela "encourage" les industries polluantes et les décideurs politiques à "résister" à une décarbonation rapide. La lettre cite un sondage de Naturede 2021 dans lequel seulement 4% des scientifiques interrogés estimaient que cet objectif serait respecté.

Signataire de ce texte, l'écologue Wolfgang Cramer expliquait à franceinfo en octobre que s'il était "correct physiquement" d'affirmer que le +1,5°C était "toujours possible", c'était "faux politiquement". "Les politiques ne réagissent pas assez vite, nos systèmes mettent du temps à se transformer et personne ne le fait", observait ce co-auteur de multiples rapports du Giec. "Il faut être honnête, cet objectif nous file entre les doigts", abondait Kevin Jean, épidémiologiste et coordinateur de la branche française de Scientist Rebellion.

* Tous les liens marqués d'un astérisque sont en anglais.

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