Cet article date de plus de six ans.

Rapport du WWF sur la biodiversité : "On ne prend pas la mesure de ce qui va nous arriver"

Gilles Bœuf, biologiste et professeur à l'université Pierre et Marie Curie, a réagi au rapport du WWF et estime que nous sommes "dans une imprévoyance totale". 

Article rédigé par franceinfo - Édité par Thomas Pontillon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le biologiste Gilles Bœuf en mars 2015.  (JACQUES DEMARTHON / AFP)

Selon le rapport Planète Vivante 2018 du WWF sur la biodiversité, la disparition massive d'espèces devient de plus en plus critique. Gilles Bœuf, biologiste et professeur à l'université Pierre et Marie Curie, considère qu'on "ne prend pas du tout la mesure et l'ampleur du problème" a-t-il estimé sur franceinfo.

franceinfo : Après le rapport du WWF sur la biodiversité, peut-on dire que l'on est en train de scier la branche sur laquelle on est assis ?

Gilles Bœuf : On est dans une imprévoyance totale. En 2002, lors du sommet de Johannesburg, le président Chirac disait "Notre maison brûle et on regarde ailleurs". On s'engageait alors pour 2010 à arrêter l'effondrement de la biodiversité. En 2010, on se réunit à Paris, et on se rend compte qu'on a échoué, alors on dit "Ce n'est pas grave, on repousse ça pour 2020". Or aujourd'hui, comme le dit très bien le rapport du WWF, c'est bien pire qu'en 2010, alors quand va-t-on réussir, la dernière semaine de 2019 ? Non, on ne prend pas du tout la mesure et l'ampleur du problème. On parle beaucoup du climat, c'est très bien, les gens ont peur du changement climatique, mais on ne prend pas la mesure de ce qui va nous arriver avec l'effondrement du nombre d'individus dans les populations vivantes.

Est-ce que ce sont les prémices d'une extinction de masse ?

Ça pourrait l'être, si on continue comme ça, si on ne fait rien pour juguler le problème, pour faire prendre conscience de ses aspects. Là, dans le rapport du WWF, on parle des espèces emblématiques, on ne suit que quatre ou cinq mille espèces, sur un peu plus de deux millions différentes sur Terre. On se rend compte que même les espèces que l'on aime subissent cela. Il ne reste que 9% des tigres, 8% des lions, quelques pour cents des guépards. Selon les pays africains on a tué en quarante ans entre 50% et 90% des girafes.

Pourquoi on ne le voit pas ? C'est parce que ce n'est pas encore à nos portes ?

On dit souvent "on va dans le mur", mais c'est faux, le mur on le verrait. Je dis plutôt qu'on va dans une espèce de marécage infâme, un pied après l'autre, puis un bras, puis l'autre bras, puis la tête. On le dit pourtant, il y a des alertes partout, des articles en continu de tous les scientifiques du monde depuis des années. Ça va très très vite. Alors, ça fait du buzz, je passe à la radio, on en parle à la télévision, mais quand arrivera-t-on à mobiliser les citoyens ? Il faut s'indigner. Il faut que le monde politique, poussé par les populations, réagisse. Il ne s'agit pas de revenir dans une situation antérieure, à la bougie, mais de respecter le vivant.

Consultez lamétéo
avec
voir les prévisions

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.