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Biodiversité : quels sont les animaux qui entrent ou dégringolent sur la liste rouge des espèces menacées ?

La situation critique du dugong, du corail cierge et de l'ormeau met en lumière les activités humaines qui déciment la vie marine dans le monde entier, alerte l'Union internationale pour la conservation de la nature dans sa dernière mise à jour.
Article rédigé par franceinfo
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Un dugong nage dans les eaux de Nouvelle-Calédonie, le 20 octobre 2015. (AFP)

"Vulnérable", "en danger", puis "en danger critique" et enfin "éteinte à l'état sauvage". Ces catégories de la liste rouge des espèces menacées de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) reflètent l'état de santé des espèces sur la planète. A l'occasion de la Cop15, la conférence de l'ONU sur la biodiversité qui se tient à Montréal (Canada), l'organisation a mis à jour, vendredi 9 décembre, ce document de référence, qui comprend désormais 150 388 espèces, dont 42 108 sont menacées d'extinction. 

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Cette dernière mise à jour "met en lumière le grand nombre de menaces affectant les espèces marines", précise l'UICN dans son communiqué, citant la pêche illégale et non durable, la pollution, les maladies et le changement climatique, lequel affecte au moins 41% des espèces marines menacées. Plus de 1 550 des 17 903 espèces d'animaux et végétaux marins évaluées sont menacées d'extinction. Voici les trois espèces concernées par cette inquiétante mise à jour.

Le dugong, grand mammifère marin herbivore

Désormais, toutes les populations de dugongs à travers le globe sont considérées comme "vulnérables". Les populations d'Afrique de l'Est, où l'on compte moins de 250 individus matures, rejoignent la catégorie "en danger critique", tandis que les populations de Nouvelle-Calédonie (moins de 900 individus adultes) sont "en danger" sur la liste rouge de l'UICN. 

Un dugong, mammifère marin herbivore, nage dans les eaux de l'île de Libong, dans le sud de la Thaïlande, le 23 mai 2019. (SIRACHAI ARUNRUGSTICHAI / AFP)

Les dugongs sont menacés en raison de nombreux facteurs, tous d'origine humaine, comme "les captures involontaires dans les engins de pêche en Afrique de l'Est et le braconnage en Nouvelle-Calédonie, ainsi que les blessures causées par des bateaux dans les deux zones", liste le communiqué de l'UICN. Il pointe également la dégradation et la perte des herbiers marins dont cet herbivore dépend pour se nourrir.

Là encore, l'activité humaine est en cause. En Afrique de l'Est, "l'exploration et la production de pétrole et de gaz, le chalutage, la pollution chimique et les développements côtiers non autorisés" sont désignés comme responsables. En Nouvelle-Calédonie, le "ruissellement agricole, une pollution due à l'extraction de nickel et au développement côtier, ainsi que les dommages causés par les ancres des bateaux" sont tenus pour fautifs. S'y ajoutent "les impacts des changements climatiques" qui "représentent une menace sur toute l'aire de répartition des dugongs".

Responsable de l'évaluation pour l'Afrique de l'Est, Evan Trotzuk juge dans ce communiqué que "le renforcement de la gouvernance de la pêche communautaire et l'élargissement des opportunités d'emploi au-delà de la pêche sont essentiels en Afrique de l'Est, où les écosystèmes marins sont fondamentaux pour la sécurité alimentaire et les moyens d'existence des populations".

"La création d'aires de conservation supplémentaires (...) permettrait également aux communautés locales et autres parties prenantes de trouver, mettre en œuvre et bénéficier des solutions qui mettraient fin au déclin à long terme des dugongs et de l'étendue et de la qualité des herbiers marins."

Evan Trotzuk, responsable de l'évaluation des populations de dugongs en Afrique de l'Est

dans le communiqué de l'UICN

L'ormeau, fruit de mer le plus cher du monde

Vingt des 54 espèces mondiales d'ormeaux sont menacées d'extinction, selon leur première évaluation mondiale sur la liste rouge de l'UICN. Parmi les fruits de mer les plus chers du monde, les ormeaux sont principalement victimes de la récolte non durable. L'ormeau sud-africain (Haliotis midae), considéré comme "en danger", est braconné par des réseaux criminels liés au trafic de drogue, explique l'UICN. 

Un pêcheur ramasse des ormeaux, à marée basse, à Vicq-sur-Mer (Manche), le 29 mars 2021. (JULIE FRANCHET / HANS LUCAS / AFP)

Ces "menaces primaires sont aggravées par le changement climatique, les maladies et la pollution", poursuit l'organisation. Sous l'océan, le réchauffement climatique causé par les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines se manifeste par des vagues de chaleur destructrices. En 2011, 99% des ormeaux de Roe  (Haliotis roei) ont été décimés par l'une d'entre elles, dans les eaux du nord-ouest de l'Australie.

"Les vagues de chaleur marines ont exacerbé les maladies affectant les ormeaux dans le monde entier, dont l'ormeau noir [Haliotis cracherodii], 'en danger critique', en Californie et au Mexique, et l'ormeau tuberculata, 'vulnérable', présent de la Manche à l'Afrique du Nord-Ouest et à la Méditerranée", poursuit l'UICN. Ces vagues de chaleur marines tuent en outre les algues dont ces espèces se nourrissent. 

Dans la péninsule arabique, l'ormeau d'Oman (Haliotis mariae) a disparu de la moitié de son aire de répartition. En cause : le rôle de la "pollution causée par le ruissellement agricole et industriel" dans la prolifération d'algues nuisibles, ainsi que le rejet à la mer de toxines, telles que la peinture des bateaux, explique l'UICN.

Pour mettre un terme à ces menaces, Howard Peters, spécialiste des mollusques et chercheur associé à l'université de York, au Royaume-Uni, recommande dans le rapport de l'UICN de "ne manger que des ormeaux d'élevage ou d'origine durable". Le chercheur ajoute que "l'application des quotas de pêche et des mesures de lutte contre le braconnage est également essentielle".

"Nous devons également stopper les changements dans la chimie et la température des océans pour préserver la vie marine, y compris les espèces d'ormeaux, à long terme."

Howard Peters, chercheur à l'université de York

dans le communiqué de l'UICN

Le corail cierge, espèce malade dans les Caraïbes

Le corail cierge (Dendrogyra cylindrus) se trouve partout dans les Caraïbes, de la péninsule du Yucatan à la Floride ou Trinité-et-Tobago. Mais sa population a fondu de plus de 80% sur la majeure partie de son aire de répartition depuis 1990. L'espèce se trouvait déjà sur la liste rouge des espèces menacées de l'UICN. Elle passe cette fois de "vulnérable" à "en danger critique".

Du corail cierge, dans le parc national marin de Los Roques, au Venezuela, le 2 février 2006. (ROBERTO RINALDI / AGF)

La menace la plus urgente pour le corail cierge "est la maladie de la perte de tissu des coraux, apparue au cours des quatre dernières années, et très contagieuse", détaille l'UICN. Elle infecte entre 90 et 100 mètres de récif par jour, poursuit l'organisation. "Le blanchiment causé par l'augmentation des températures marines de surface et l'excès d'antibiotiques, d'engrais et d'eaux usées déversés dans la mer ont affaibli les coraux et les ont rendus plus vulnérables aux maladies." En outre, "la surpêche autour des récifs coralliens a décimé les poissons herbivores, permettant aux algues de dominer les écosystèmes et exerçant une pression supplémentaire sur les coraux".

"Nous devons d'urgence nous attaquer aux crises interconnectées du climat et de la biodiversité par des changements profonds dans nos systèmes économiques, ou nous risquons de perdre les avantages cruciaux que les océans nous procurent."

Bruno Oberle, directeur général de l'UICN

dans un communiqué

Face au défi du rétablissement de la nature, "nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d'échouer", a rappelé le directeur de l'UICN, depuis la Cop15 de Montréal.

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