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Biodiversité : trois questions sur l'étude participative qui alerte sur le déclin des oiseaux des jardins depuis dix ans

Article rédigé par franceinfo avec AFP, Camille Adaoust
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Une fauvette à tête noire photographiée à La Tuchère, en Saône-et-Loire, le 6 avril 2010. (LEEMAGE / AFP)
La Ligue de protection pour les oiseaux a publié mardi les résultats d'une grande opération de science participative réalisée avec le Museum national d'histoire naturelle. Le résultat n'a rien de rassurant.

Depuis dix ans, moins d'oiseaux volettent dans nos jardins. C'est le triste constat que dresse l'Observatoire des jardins, une importante opération de science participative dont le bilan a été publié mardi 24 janvier. "La seule et unique cause de ces changements, c'est l'homme", explique auprès de franceinfo Benoît Fontaine, ornithologue au Museum national d'histoire naturelle (MNHN), et qui a participé à l'interprétation des résultats. 

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Franceinfo revient en trois questions sur cette opération aux conclusions alarmantes.

1 Comment cette étude a-t-elle été menée ?

Depuis 2012, cette opération de science participative menée sous l'égide de la Ligue de protection pour les oiseaux (LPO) et du MNHN recense la présence des volatiles les plus communs en France à partir d'observations de particuliers. Tout le monde peut donc y participer, et le directeur du pôle protection de la nature à la LPO, Cédric Marteau, invite les citoyens à contribuer lors d'une opération spéciale. "Dès ce week-end [des 28 et 29 janvier], on demande à chaque citoyen qui a un jardin ou qui vit près d'un parc de prendre une heure de son temps pour compter les oiseaux. On demande aux gens de s'installer – on peut le faire en famille ou de façon individuelle–, et de compter les oiseaux que l'on voit se poser", explique-t-il à franceinfo.

Concrètement, il faut se rendre sur le site de l'Observatoire, s'inscrire, renseigner un nouveau jardin dans la base de données, admirer la nature quelques minutes et transmettre les résultats de l'observation des oiseaux. Le but est d'"aider les scientifiques" à répondre à différentes questions : "Les migrateurs reviennent-ils plus tôt quand le printemps est précoce ? Les oiseaux granivores viennent-ils plus aux mangeoires dans les jardins proches des plaines agricoles où les graines sauvages manqueraient en hiver ? Comment les aménagements urbains agissent-ils sur la capacité des oiseaux à vivre en ville ?", liste le site. Ces dix dernières années, les participants ont rapporté avoir vu environ 6,5 millions d'oiseaux durant 115 000 heures d'observation menées dans près de 100 000 jardins, se félicitent les organismes à l'origine de l'opération.

Autre bénéfice, "les personnes qui participent ont tendance à ensuite changer les pratiques dans leur jardin. Ils utilisent moins de pesticides, conservent davantage de plantes sauvages", se réjouit Benoît Fontaine. "Cette initiative fait prendre conscience de la fragilité des espèces", ajoute-t-il, énumérant plusieurs autres opérations de science participative telles que Papillons des jardins, Sauvages de ma rue ou l'application INPN Espèces.

2 En quoi le déclin observé inquiète-t-il les scientifiques ?

"Le constat est clair, c'est un déclin alarmant et pour certaines espèces, une véritable hécatombe que l'on observe", a alerté le président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg, lors d'une conférence de presse mardi. Si le bilan montre qu'en hiver, 49% des espèces d'oiseaux sont davantage observées qu'il y a dix ans – 20% sont stables et 11% déclinent –, au printemps les tendances s'inversent. 41% d'espèces sont en régression, 24% sont stables et 2% en progression, selon les données de l'Observatoire. Pour le président de la LPO, il ne faut pas s'y tromper : "Même si on peut être surpris par ces chiffres en apparence contradictoires, la faune de France, les oiseaux 'bien de chez nous', c'est au printemps qu'on peut les observer."

Et "les jardins reflètent ce qu'il se passe autour. Beaucoup d'oiseaux sont aujourd'hui en déclin", regrette Benoît Fontaine, citant de récentes études. Ainsi, en 2021, l'Office français de la biodiversité (OFB) et le MNHN avaient alerté sur le déclin de 30% des oiseaux jugés communs en France, se basant sur des observations d'ornithologues professionnels. L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) fait, elle, état d'une menace de disparition concernant 32% des oiseaux nicheurs de France.

3 Quelle est la cause de la chute des populations d'oiseaux ?

"La seule et unique cause de ces changements, c'est l'homme, insiste Benoît Fontaine. On le sait très bien aujourd'hui, c'est dit par quantité d'études : les activités humaines, et en premier lieu l'agriculture intensive, causent la destruction des habitats et le déclin des espèces." Le communiqué cite l'exemple du martinet noir (dont l'observation a chuté de 46% en 10 ans), "victime de la disparition des insectes volants due aux pesticides, de la récurrence des épisodes caniculaires et des rénovations de bâtiments qui réduisent ses possibilités de nicher sous les toitures"

Par ailleurs, la hausse des observations en hiver n'est pas forcément une bonne nouvelle. Touchés par la pollution ou la baisse des insectes liées à l'agriculture intensive, certains oiseaux commencent à exploiter les jardins comme point d'alimentation. "On voit que les jardins situés dans des zones d'agriculture intensive attirent les oiseaux, particulièrement ceux qui, d'ordinaire, dépendent des champs pour se nourrir", expose Benoît Fontaine.  

A cause du réchauffement climatique causé par les activités humaines, certains oiseaux n'ont également pas à migrer plus au sud, explique l'ornithologue. La fauvette à tête noire, dont la présence a augmenté de 57% ces 10 dernières années dans les jardins français, ne migre par exemple plus en Espagne, mais s'arrête désormais en France en raison de températures plus clémentes. Face à ces causes, Benoît Fontaine alerte : "On ne peut pas continuer avec le modèle actuel, on va dans le mur, et en accélérant."

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