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#AlertePollution : mais pourquoi la SNCF ou la RATP laissent-elles des trains allumés à l'arrêt ?

Dans le cadre de notre enquête participative #AlertePollution, des habitants d'Amiens, Valence et Bourg-la-Reine se sont plaints des nuisances sonores et environnementales provoquées par des locomotives qui tournent à l'arrêt.

Article rédigé par Thomas Baïetto, Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une rame de RER stationnée moteur et lumière allumée, à Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine). (DR)

Des trains à l'arrêt, lumières allumées, moteur en marche, pendant des heures, parfois toute une nuit. C'est la situation étonnante dénoncée par des habitants d'Amiens (Somme), Valence (Drôme) et Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine) dans le cadre de notre enquête participative #AlertePollution. "Les locomotives restent juste sous mes fenêtres, arrêtées, mais en marche, pendant une demi-heure, parfois jusqu'à 2 heures. Ces fumées diesel donc toxiques rentrent dans les appartements", nous écrit Fabrice, un Amienois. Le rideau de sa chambre, placé contre l'aération, est "noir de fumée".

Nuisances sonores et brefs pics de pollution

Une pollution qui n'est pas qu'esthétique : les gaz d'échappement des moteurs diesel sont classés cancérogènes avérés par l'OMS depuis 2012 (PDF). En 2002, Atmo Picardie, l'organisme chargé de la qualité de l'air dans la région (devenu Atmo Hauts-de-France), avait mené des campagnes de mesures à la gare d'Amiens. "Les mesures des hydrocarbures aromatiques polycycliques et des particules en suspension ont révélé des niveaux moyens de concentration parfois élevés aux endroits où l’activité ferroviaire est importante et surtout des pics de pollution ponctuels intenses", peut-on lire dans cette étude (PDF). Si les moyennes journalières pour les PM10 et les PM2.5 restent sous les seuils d'alerte, ces concentrations "masquent des pics de pollution brefs d'une intensité beaucoup plus forte pouvant avoir un impact sur l'homme et son environnement".

A Valence et Bourg-la-Reine, les locomotives ne tournent pas au diesel mais produisent quand même des nuisances et gaspillent de l'énergie. "Tout au long de la journée et en soirée, des trains se garent mais en laissant leur moteur allumé pendant des heures et des heures sans raison particulière. Cela entraîne une énorme pollution sonore", dénonce Hélène, depuis la préfecture de la Drôme. A Bourg-la-Reine, Chantal a déjà tenté d'alpaguer le conducteur de la RATP qui gare tous les soirs une rame de RER le long des pavillons. "Il accepte parfois d'éteindre son train mais la plupart du temps il répond qu'il a des instructions de ses supérieurs pour le laisser en marche", rapporte la Réginaburgienne, qui s'insurge aussi des "émanations de pot échappement" de la camionnette du vigile chargé de surveiller cette rame. Une récente étude, réalisée en Ile-de-France, a démontré l'impact non négligeable des nuisances sonores générés par les transports, dont les voies ferrées, sur la santé.

Une procédure pour éviter le gel des locomotives

Contactée par franceinfo, la SNCF a accepté de s'expliquer, après avoir assuré qu'elle respecte les normes en vigueur pour les nuisances sonores et la pollution aux particules fines. A Amiens, les locomotives tournent la nuit pour... éviter qu'elles ne gèlent ! "En période d’hiver, il se peut que les engins soient maintenus en chauffe quelques heures la nuit afin de pouvoir assurer une mise en service optimum le matin", indique la SNCF. "S'il fait trop froid et que les batteries gèlent, la locomotive aura des difficultés à se mettre en route et on va se retrouver avec des retards ou des trains supprimés", abonde Christophe Lecomte, de la CGT Cheminots.

Ce n'est pas nouveau. Le problème, c’est qu'ils construisent de plus en plus de logements autour de la gare.

Christophe Lecomte

à franceinfo

Les documents techniques comportent toute une série de procédures à mettre en place en fonction des températures. "En période de grand froid, la règle technique voudrait que l’on réalise plusieurs séances de mise en chauffe avec une poussée du régime moteur qui génère un niveau sonore élevé et des émissions de fumée importantes, précise la SNCF. Afin de limiter ces nuisances, nous faisons tourner le moteur des engins la nuit au ralenti. Un bruit moins important mais sur une plus longue plage horaire." Cette stratégie permettrait, selon l'entreprise, d'émettre moins de particules fines et de pollution sonore.

Un moteur diesel fonctionnant au ralenti génère un débit de gaz d’échappement beaucoup plus faible que lorsqu’il fonctionne à pleine charge, il produit donc nettement moins d’émissions polluantes.

La SNCF

à franceinfo

Même réponse au sein de la RATP. "En période de grand froid et pour assurer la continuité du service voyageur, la RATP doit mettre en application des mesures hivernales parmi lesquelles, le maintien sous-tension de certains RER afin de garantir les conditions opérationnelles des trains et d’assurer un confort thermique aux voyageurs", explique la régie des transports parisiens à franceinfo. Elle assure par ailleurs que "hors période de froid", les trains sont habituellement éteints "quand ils sont stationnés sur des voies de garage".

Des moteurs qui tournent au ralenti

Le froid n'est pas la seule explication. "Il est important de préciser que lorsque les engins sont stationnés en attente de ravitaillements leur moteur fonctionne au ralenti. Ceci afin d’éviter de devoir les arrêter et les redémarrer à chaque mouvement", justifie la SNCF, qui concède que cela peut "présenter des temps longs de fonctionnement des moteurs". Ces procédures sont valables pour l'ensemble des 756 locomotives diesel de la SNCF (contre 862 locomotives électriques).

A Valence, l'entreprise invoque le "préconditionnement". "Les nuisances sont dues à des raisons techniques : il y a un ensemble de procédures obligatoires avant la mise en exploitation quotidienne de la rame, notamment pour le chauffage et le nettoyage", indique la SNCF, avant d'assurer que "nous spécifions désormais dans les documents métiers des conducteurs de train qu'ils ont juste à 'préconditionner' leur matériel 20 minutes avant le départ d’une circulation". Des consignes qui ne sont manifestement pas respectées à Valence, d'après le témoignage d'Hélène.

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