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Crash du vol MH17 : six experts du sida parmi les victimes

Leurs collègues leur rendent hommage et certains s'inquiètent des conséquences de leur disparition dans la lutte contre la maladie.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des fleurs déposées devant l'ambassade des Pays-Bas à Kiev (Ukraine), le 17 juillet 2014, après le crash d'un avion de Malaysia Airlines dans l'est du pays, contrôlé par les prorusses. (SERGEI SUPINSKY / AFP)

"Le terrorisme nuit à la santé", écrit un chercheur sur son compte Twitter. La communauté scientifique est en deuil après le crash du vol MH17 en Ukraine, car de nombreux passagers étaient en route pour Melbourne (Australie), où doit s'ouvrir dimanche 20 juillet une importante conférence sur le sida.

Six experts de la lutte contre le sida étaient à bord de l'avion et non une centaine comme la presse l'avait évoqué. Leur mort peine et inquiète certains de leurs collègues.

Qui sont les victimes ?

Parmi les victimes figurent le Néerlandais Joep Lange, un expert influent dans la lutte contre le sida. Ce chercheur a passé plus de trente ans de sa vie à combattre le virus, souhaitant notamment que les pays pauvres accèdent à des traitements abordables. "Un grand professionnel", a réagi la présidente de la Société internationale sur le sida, la Française Francoise Barré-Sinoussi.

Françoise Barré-Sinoussi rend hommage à un spécialiste du sida passager du vol MH17 (APTN)

"Joep était un visionnaire parmi les chercheurs sur le VIH", explique le chercheur américain Rick Elion à Vox (en anglais). Au-delà de son combat pour l'accès aux traitements, il a également eu "un rôle de pionnier" dans la prévention de la transmission du virus entre une mère et son enfant, explique un autre de ses collègues, David Cooper au site The Conversation (en anglais).

Parmi les autres morts confirmés, figurent Pim de Kuijer de STOPAIDSNOW, ainsi que Lucie van Mens, directrice d'AIDS Action Europe et sa collègue Maria Adriana de Schutter. Glenn Thomas, un porte-parole de l'Organisation mondiale de la santé et Jacqueline van Tongeren, de l'institut Amsterdam pour la santé mondiale et le développement, étaient également à bord de l'appareil.

Comment réagissent les chercheurs ?

Certains chercheurs étaient déjà arrivés en Australie pour participer à des réunions préliminaires. "Il y a un sentiment d'immense tristesse ici, les gens sont en pleurs dans les couloirs", explique au Guardian (en anglais) Clive Aspin, un spécialiste actuellement à Sydney.

La conférence ne sera pas annulée, a déjà prévenu la présidente de la Société internationale sur le sida. "Nous avons décidé de continuer, nous pensons à eux et nous savons que c'est ce qu'ils aimeraient que nous fassions", explique la Française Françoise Barré-Sinoussi.

Pour autant, nombre de spécialistes du virus font part de leur émotion sur les réseaux sociaux et dans la presse. "Mes pensées et mes prières vont aux familles de ceux qui ont perdu la vie tragiquement dans le vol MH17", a écrit le directeur exécutif de l'Onusida.

Quelles conséquences pour la recherche ?

Difficile d'apporter une réponse précise à l'heure actuelle, mais selon certains chercheurs, la perte sera quoi qu'il arrive immense. "Cela aura des conséquences parce que chaque fois que vous perdez un leader, quel que soit le domaine, cela a un impact, estime le professeur Richard Boyd dans le Guardian. Ces connaissances sont irremplaçables."

"Ces gens [les victimes] étaient les meilleurs et les plus brillants, ceux qui ont dédié toute leur carrière au combat contre ce terrible virus, confirme un autre chercheur, Clive Aspin, au quotidien britannique. C'est bouleversant." Un spécialiste a confié son inquiétude à la chaîne australienne ABC : "Et si le traitement contre le sida était dans cet avion ? (...) On ne peut pas s'empêcher de se demander quel type d'expertise était à bord."

Le Washington Post (en anglais) rappelle que la recherche sur le sida a été déjà été touchée par le passé par deux autres catastrophes aériennes. Irving Sigal, un biologiste moléculaire qui a participé au développement des traitements contre le VIH, est mort dans l'explosion du vol Pan Am 103 à Lockerbie, en Ecosse, en 1988. Dix ans plus tard, deux autres chercheurs avaient perdu la vie dans le crash d'un avion Swissair au large de la Nouvelle-Ecosse (Canada).

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