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: Document franceinfo À Pyongyang, personne ne sait rien du sommet historique entre les deux Corées, raconte notre envoyée spéciale

À Pyongyang, l'envoyée spéciale de franceinfo, une des rares journalistes présentes en Corée du Nord, a constaté vendredi l'absence d'informations des habitants, alors que les dirigeants des deux Corées signent une rencontre historique. 

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Kim Jung-un et Moon Jae-in le 27 avril 2018 à Panmunjom, dans la zone qui sépare la Corée du Nord de la Corée du Sud. (KOREA SUMMIT PRESS POOL / AFP)

L'envoyée spéciale de franceinfo en Corée du Nord, Elise Delève, une des rares journalistes présentes à Pyongyang, a constaté le silence qui entoure la rencontre pourtant historique, vendredi 27 avril, entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un et le président sud-coréen Moon Jae-in, sur la ligne de démarcation militaire divisant la péninsule.

Au Nord, des informations triées et décalées

Aucune information sur le sommet n’est encore parvenue aux habitants. C’est l’agence de presse officielle du régime qui décide du moment où les nouvelles sont diffusées. Il faut préciser que les Nord-Coréens ne disposent que d’un seul journal télévisé par jour, sur la première chaîne de la télévision d’État. Il n’y a pas d’internet, tel qu'on le connait ailleurs, mais un web local. Tôt vendredi, dans le centre de la capitale, j'ai aperçu des gens partant au travail. Les hommes portent un costume de couleur foncée et les femmes sont, pour la plupart, vêtues d’un tailleur. Tous arborent un badge, à l’effigie du père ou du grand-père de Kim Jong-un. Ici, c’est obligatoire.

D’un pas rapide, alignés les uns derrière les autres, ils marchent au son de quatre haut-parleurs, fixés sur le toit d’une camionnette, qui diffusent des chants patriotiques et l’éditorial du Journal des Travailleurs, le bulletin du parti. Le siège de celui-ci est abrité dans un immense bloc de béton, où trônent comme partout dans la ville, les photos des aïeux du dirigeant de la Corée du Nord.

Les informations diffusées concernent encore les nouvelles de samedi dernier : l’abandon des tests nucléaires et le développement de l’économie comme priorité nationale. Dans le journal de 20 heures de jeudi, j'ai constaté qu'il n’y avait pas eu un mot sur le sommet entre les deux Corées. En revanche, les présentateurs ont longuement parlé d’un accident de bus chinois qui a fait plusieurs morts en Corée du Nord, voici quatre jours. Les images ont montré Kim Jong-un au chevet des blessés, puis à la gare, pour saluer les cercueils avant leur transfert en Chine par train. Les lieux de l’accident n’ont pas été montrés et aucun bilan n’a été donné, juste ces mots : "Il y a eu des morts". Le journal s’est poursuivi avec une série de brèves sur les initiatives qui améliorent le pays. Et à la fin de l’édition, un slogan apparaît sur l’écran : "Quand le leader est grandiose, on peut avoir un pays grandiose, même s’il est petit."

Des interviews possibles, mais sans sujets politiques

Il est plutôt facile d'aborder les habitants de la capitale nord-coréenne. C’est rare, mais il a nous a été possible de faire des micros-trottoirs. Si cette façon de recueillir des témoignages ou des réactions est courante en France, elle est plutôt inhabituel, ici. Mieux vaut aborder des habitants, le matin ou le soir, quand ils partent ou rentrent du travail. Dans la journée, les grandes avenues de Pyongyang sont plutôt vides. Quand je choisis un passant, l’une des trois personnes qui m’accompagnent l’interpelle pour lui demander s’il accepte de répondre à mes questions. S’il dit oui, quelques règles sont à respecter. Je dois, au préalable, dire au traducteur, à mes côtés, sur quels sujets je compte interroger la personne. L’effet de surprise est mal vu. Il ne faut pas poser de questions qui n’ont rien à voir avec la situation, par exemple sur le sommet entre les deux Corées si on se trouve dans une usine qui fabrique des chaussures. Et on évite de parler politique.

En voyant le micro, certains ont fui mais d’autres se sont montrés plutôt amusés de répondre à une radio étrangère. J’ai ainsi pu parler de loisirs avec un habitant qui profitait d’un parc tout neuf de Pyongyang, lors d’un jour férié. Il a aussi été possible de converser avec une ouvrière dans une usine de chaussures. Un immense bâtiment de quatre étages avec des machines qui ressemblent  à celles des années 1980. Elles sont toutes fabriquées ici, me dit-on avec fierté. Au-dessus des machines à coudre, un drapeau rouge, signe de mérite, est mis en avant. "C’est le travail de ma vie", témoigne une ouvrière, qui a dix ans d'ancienneté. Tous ceux que j’ai interviewés parlent fièrement de leur pays. Tous ont aussi cité Kim Jong-un dans chacune de leurs réponses.

Le reportage à Pyongyang en Corée du Nord d'Elise Delève, à l'heure d'une rencontre historique entre les deux Corées

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