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Cinq questions sur la crise à Hong Kong

Le gouvernement pro-Pékin de Hong Kong a refusé lundi d'enterrer un projet de loi controversé qui permettra les extraditions vers la Chine. Et ce en dépit d'une manifestation monstre contre ce texte, dimanche, dans l'ex-colonie britannique.

Article rédigé par franceinfo
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Des manifestants protestent contre un projet de loi d'extradition à Hong Kong, le 9 juin 2019. (THOMAS PETER / REUTERS)

Après la manifestation monstre, de plus d'un million de personnes dans l'île principale de Hong Kong, début juin, la mobilisation a repris.  Des manifestants hostiles au gouvernement pro-Pékin ont envahi l'hémicyle du Parlement local de Hong Kong, lundi 1er juillet, et un drapeau de l'époque britannique a été déployé. Une telle mobilisation dans cette ex-colonie britannique rétrocédée à la Chine en 1997 rappelle le mouvement des parapluies de 2014, une série de manifestations prodémocratie qui avaient agité le territoire à l'époque. 

Franceinfo fait le point sur la situation.

1Pourquoi manifestent-elles ?

Le mot d'ordre du million de personnes qui ont manifesté est "Non à l'extradition." Elles protestent contre un texte très controversé, voulu par l'exécutif hongkongais et qui autoriserait Hong Kong à extrader les personnes résidant sur son territoire vers d'autres régions comme la Chine continentale. Les autorités hongkongaises affirment que cette nouvelle loi comblera un vide juridique et permettra à la région de ne plus servir de refuge à certains criminels. Mais les opposants redoutent une utilisation politique des extraditions par Pékin.

Face à la pression croissante de la rue, le texte a été suspendu. Mais lundi 1er juillet, pour marquer la date anniversaire de la rétrocession de l'ancienne colonie britannique à la Chine en 1997, un vaste cortège de dizaines de milliers de manifestants s'est à nouveau déployé dans le centre ville. Les manifestants veulent le retrait du projet de loi d'extradition mais aussi la démission de Carrie Lam, cheffe de l'exécutif honkongais et la fin des poursuites contre les protestataires arrêtés ces dernières semaines.

2Que contient ce projet de loi d'extradition ?

Cette loi sur l'extradition, aussi appelée "ordonnance sur les délinquants fugitifs" va être examinée à partir du 12 juin par le Conseil législatif (LegCo), ou "parlement local" de Hong Kong. Concrètement, elle stipule que quiconque, directement ou indirectement lié à une activité jugée criminelle par la Chine continentale (comme les journalistes, ONG, travailleurs sociaux...) résidant ou étant de passage à Hong Kong, pourra être arrêté, extradé et jugé en Chine continentale, détaille La Croix (article payant). L'extradition concerne aussi Macao ou Taïwan

Les autorités hongkongaises proposent ainsi d'accélérer les processus actuels d'extradition vers les territoires avec lesquels Honk Kong a déjà signé un traité, et de les étendre à la Chine populaire continentale, Macao et Taïwan, ce qui n'était pas le cas jusqu'ici. 

Ce texte a suscité les critiques de pays occidentaux ainsi qu'une levée de boucliers de certains Hongkongais qui dénoncent une justice chinoise opaque et politisée. Ils craignent que les extradés soient soumis à de la détention arbitraire, à un procès inéquitable ou à de la torture. "Personne ne sera en sécurité y compris les activistes, les défenseurs des droits de l'homme, les journalistes et travailleurs sociaux", s'est alarmé l'ONG Human Rights Watch dans un communiqué (en anglais). Cité par la BBC (en anglais), un libraire raconte s'être réfugié à Hong Kong après avoir été enlevé et détenu en Chine continentale en 2015 pour avoir vendu des livres critiquant les dirigeants chinois. "Si je ne pars pas, je serai extradé", s'inquiète-t-il.

3Dans quel contexte s'inscrit cette défiance envers Pékin ?

"Hong Kong is not China !" ("Hong Kong n'est pas la Chine !") ont scandé les manifestants dimanche. "Le projet de loi, s'il est voté, brouillera totalement la frontière entre Hong Kong et la Chine continentale", a estimé l'un des manifestants. En effet, depuis 1997, le statut de Hong Kong est celui de "région administrative spéciale". La région est sous souveraineté chinoise et n’a pas d’indépendance sur les questions de défense et de diplomatie, rappelle RFI. Toutefois, ses 7 millions d’habitants possèdent des structures politique, législative, juridique et financière propres, différentes de ceux des Chinois. Par exemple, les Hongkongais conduisent à gauche, les Chinois à droite, et ils utilisent le dollar hongkongais (indexé sur le dollar américain) et pas le yuan. 

Mais depuis une dizaine d'années, l'ex-colonie britannique est le théâtre d'une forte agitation politique. Certains Honkgongais ont le sentiment que l'accord de rétrocession et le fameux principe "un pays, deux systèmes", ne sont plus respectés. A l'automne 2014, le cœur financier de Hong Kong a ainsi été bloqué pendant plusieurs semaines par le mouvement des parapluies, une vaste mobilisation en faveur de l'autodétermination et de la démocratie. Pékin n'avait rien lâché. 

Depuis, de nombreux militants pro-démocratie ont été incarcérés, empêchés de se présenter à des élections ou déchus de leur portefeuille de conseiller au Parlement local. Ainsi en 2017, six députés issus des rangs de l'opposition ont été déchus de leur mandat pour avoir mal prêté serment. On leur reproche notamment d’avoir manqué de respect vis-à-vis de la Chine en utilisant un ton, un rythme ou une prononciation "insinuant des doutes", souligne RFI. En 2018, les autorités hongkongaises ont interdit le parti indépendantiste HKNP, estimant qu'il "avait un objectif clair visant à faire de Hong Kong une république indépendante". Des libraires hongkongais ont aussi disparu entre 2015 et 2016 avant de "réapparaître" en Chine. Ils travaillaient tous avec un éditeur connu pour ses publications critiques envers Pékin.

4Quels sont les arguments des autorités hongkongaises ?

Le gouvernement hongkongais, pro-Pékin, tente de rassurer les manifestants en assurant que les demandes d'extradition seront étudiées au cas par cas et que les suspects accusés de "crime politique ou religieux" par Pékin ne seront pas extradés, explique BBC News ( article en anglais). L'exécutif promet aussi que les extraditions ne seront possibles que pour les accusés passibles d'une peine de prison maximale de sept ans.

Certaines concessions ont déjà été faites, avance Hong Kong, comme le retrait de l'évasion fiscale comme infraction passible d'extradition. "Mon équipe et moi n'avons pas ignoré les opinions exprimées au sujet de ce texte de loi très important. Nous avons écouté avec beaucoup d'attention", a assuré devant la presse Carrie Lam, cheffe de l'exécutif hongkongais.

Je n'ai reçu aucune instruction ou mandat de Pékin pour faire cette loi.

Carrie Lam, cheffe de l'exécutif hongkongais

en conférence de presse

Elle se défend en assurant que la loi actuelle a permis à de nombreux "criminels" de Chine de trouver refuge à Hong Kong et d'échapper ainsi à la justice chinoise.  En février, un Taïwanais a été accusé d'avoir tué sa femme mais d'avoir fui à Hong Kong pour échapper à la justice. Il n'a pas pu être extradé vers Taïwan car il n'existe aucun accord bilatéral entre les deux territoires pour le moment, étaye BBC News. Taïwan a toutefois précisé qu'il n'avait aucune intention de recourir à cette nouvelle loi, même si elle était votée, précise Le Monde

5Quelle est la position de Pékin ?

Pékin a déclaré, lundi, qu'il "continuera à soutenir fermement" le projet de loi. "Nous nous opposons fermement à toute force extérieure intervenant dans les affaires législatives de (...) Hong Kong", a par ailleurs martelé un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères lors d'une conférence de presse. La presse chinoise officielle a imputé la responsabilité des énormes manifestations organisées à Hong Kong à des ingérences étrangères, accusant notamment les opposants politiques de "collusion avec l'Occident". 

Le journal Global Times, proche du pouvoir et au ton nationaliste, a minimisé lundi la manifestation de dimanche, pourtant l'une des plus importantes dans la région semi-autonome depuis la rétrocession du territoire à la Chine en 1997. De son côté, le quotidien anglophone chinois China Daily affirme que 700 000 personnes ont signé une pétition en ligne soutenant le projet de loi, et estime que beaucoup de manifestants "ont été trompés par le camp de l'opposition et leurs alliés étrangers".

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