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Disparition de la joueuse de tennis chinoise Peng Shuai : "La mobilisation" et " l'ampleur de cette affaire" sont "sans précédent", selon un spécialiste

Peng Shuai n'a plus donné de nouvelles depuis ses révélations de violences sexuelles dont elle a été victime, mardi 2 novembre.

Article rédigé par franceinfo
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Peng Shuai ors de son match du premier tour du simple dames contre la Japonaise Nao Hibino au tournoi de tennis du Grand Chelem de l'Australian Open à Melbourne, en Australie, le 21 janvier 2020. (FRANCIS MALASIG / EPA)

"La gestion extrêmement maladroite de cette affaire par la Chine ne rassure pas du tout à l'étranger mais au contraire inquiète", estime Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) et spécialiste de la Chine, vendredi 19 novembre sur franceinfo. L'inquiétude autour de la disparition de la joueuse de tennis Peng Shuai grandit, faisant réagir joueurs, États mais aussi les Nations Unies. La tenniswoman professionnelle Peng Shuai n'a pas donné de signe de vie depuis le début du mois de novembre. La joueuse chinoise a révélé il y a quelques jours sur les réseaux sociaux chinois avoir été victime d'un viol de la part de l'ancien vice-premier ministre chinois, Zhang Gaoli. Vendredi, trois photos d'elle ont été relayées par un journaliste affilié au gouvernement chinois, qui a déclaré que la sportive de 35 ans venait de les poster sur WeChat [équivalent chinois de Whatsapp], sans que ces photos soient authentifiées.

franceinfo : Le message de Peng Shuai accusant Zhang Gaoli a disparu une demi-heure seulement après sa publication. Qu'est-ce que cela dit de la gestion de cette affaire par la Chine ?

Antoine Bondaz : Oui, le message a été censuré, tout comme l'ensemble des commentaires sur ce message et toute référence, même aujourd'hui, à Peng Shuai. En réalité, c'est une stratégie assez classique en Chine. D'un côté, faire une censure sur l'internet chinois qui est contrôlé par les autorités politiques et de l'autre, à l'étranger, essayer d'étouffer les affaires. Or, on l'a vu, la gestion extrêmement maladroite de cette affaire ne rassure pas du tout à l'étranger mais à l'inverse, inquiète. Elle est extrêmement contreproductive. Et la mobilisation est sans précédent donc l'ampleur de cette affaire l'est aussi.

La publication des photos de Peng Shuai, qui auraient été envoyées à une amie sur We Chat, un chat chinois, ce n'est pas vraiment rassurant non plus.

Oui, on a une série de trois photos qui ont été annoncées par un journaliste d'un média d'État chinois dans lesquelles Peng Shuai se prend en photo devant des peluches et avec un chat. Elle les a envoyés sur le réseau social We Chat, l'équivalent chinois de WhatsApp. Mais là, les photos ne sont pas datées. Aucun élément ne permet de montrer qu'elle va bien, ou en tout cas que ces photos sont récentes. Et donc, encore une fois, là, il y a une inquiétude. Et tant qu'il n'y aura pas une parole libre, ouverte et officielle de la part de Peng Chuei, je pense que l'inquiétude perdurera.

Toutes ces prises de position autour de la disparition de cette joueuse de tennis, est-ce que ça peut faire bouger les choses ?

C'est extrêmement compliqué de le dire. Le régime chinois est paranoïaque et tout ce qui serait interprété comme étant une instrumentalisation à l'étranger afin de fragiliser la légitimité du parti ou fragiliser le régime, serait perçu extrêmement négativement.

"Il faut à tout prix éviter de politiser cette affaire et tout simplement demander des nouvelles de Peng Shuai, pour savoir où elle est et qu'elle puisse s'exprimer de façon extrêmement libre, comme l'ont fait l'ensemble des gouvernements à l'étranger, mais également les sportifs professionnels."

Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine

à franceinfo

Il y a de quoi être inquiet quand on sait qu'en Chine, de nombreuses personnes ont disparu, des personnes qui avaient critiqué le régime chinois. On pense au milliardaire du commerce en ligne, le fondateur d'Alibaba Jack Ma, ou encore l'artiste Ai Wei Wei.

Effectivement, ce qu'on appelle soit des disparitions forcées, soit des mises en résidence surveillée arrivent fréquemment en Chine. Mais je pense que le point le plus important dans cette affaire, ce n'est pas seulement l'accusation d'agression sexuelle, c'est bel et bien la cible de l'accusation. Zhang Gaoli n'était pas seulement le vice Premier ministre de la République populaire, c'était surtout l'un des membres du comité restreint du bureau politique du Parti communiste chinois, c'est à dire l'élite de l'élite. Ce sont sept dirigeants chinois qui sont à la tête du parti, or des accusations d'agression sexuelle qui visent un tel niveau au sein du parti, est sans précédent et rend l'affaire extrêmement sensible, extrêmement gênante du point de vue de Pékin. Depuis 2012, Xi Jinping a mis en avant le caractère vertueux, parfaitement moral et irréprochable de l'élite au sein du parti. Si cette affaire était avérée, cela mettrait en cause cette stratégie.

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