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Chine du Sud : le cantonais, force linguistique menacée par le mandarin

La politique linguistique de Pékin tente d’imposer le mandarin standard dans le sud du pays. Mais dans la métropole de Canton, les habitants défendent leur dialecte local, le cantonais. Quant à l’usage imposé du mandarin, promu langue officielle, il fait toujours débat.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Guangzhou TV. La tour de 610 mètres domine la ville chinoise de Guangzhou, dans la province du Guangdong. ( Photo EyePress News)

Bataille linguistique. Dans la province de Guandong, dont Canton est la capitale, les autorités menacent de supprimer les programmes de la télé locale en cantonais au profit d’émissions exclusivement en mandarin. Les médias s'en sont fait l'écho, cet été, à Canton, troisième ville de Chine où plus de la moitié des résidents ont le cantonais pour langue maternelle.

Si cantonais et mandarin s'écrivent en utilisant les mêmes caractères, et sont donc mutuellement intelligibles à l'écrit, ces deux langues diffèrent totalement à l'oral. «Je suis opposé à ce que les émissions basculent en mandarin. C'est mauvais de s'attaquer comme ça à notre langue», s’offusque Huang Yankun. Ce lycéen de 17 ans reconnaît que «parler le cantonais, c'est ici une tradition».

Ce n'est pas l'avis de Mme Yang, 58 ans, résidente de Canton originaire du Shandong (nord-est) qui, elle, se plaint de «ne pas comprendre un mot de cantonais», regrettant de ne pouvoir profiter de la télévision locale. En août 2010, la télévision municipale de Canton avait déjà annoncé qu'elle envisageait de bannir le cantonais de son antenne, ce qui avait provoqué des manifestations et, du coup, l’abandon du projet.

Unifier le pays au niveau linguistique
D’après une étude gouvernementale, un tiers des citoyens de la République populaire de Chine, soit plus de 400 millions de personnes, ne sait pas communiquer en mandarin appelé «putonghua», c'est-à-dire «langue commune». Basé sur le chinois traditionnellement parlé à Pékin, le mandarin est pratiqué dans les administrations, les médias nationaux et l'enseignement.

En l'imposant, les autorités communistes ont espéré renforcer le pouvoir central dans un pays linguistiquement morcelé, face aux fortes identités régionales et aux minorités ethniques. Promouvoir le «putonghua» était pour Pékin «dès l'origine une tentative d'unifier le pays linguistiquement, mais l'idée était aussi que le Nord et le mandarin dominent le Sud et ses langues comme le cantonais, le shanghaïen ou le Hakka», explique Victor Mair, sinologue de l'Université de Pennsylvanie.
 
L'usage du cantonais s'est «incroyablement affaibli» dans le Guangdong depuis 1949 et l'arrivée au pouvoir des communistes, note M.Mair. «Beaucoup d'enfants ne parlent que le mandarin à l'école. A la maison, si leur mère les questionne en cantonais, ils répondent en mandarin», déplore Huang Xiaoyu, 28 ans, employé dans la communication.

Le cantonais, langue principale à Hong Kong
«Le mandarin a été élaboré il y a seulement 100 ans environ, alors que le cantonais a 1.000 ans d'histoire. Quand nous lisons des poèmes antiques en cantonais, ils riment toujours», martelle pour sa part l'éditeur Lao Zhenyu, fervent défenseur du cantonais.

C'est aussi la langue principale à Hong Kong, colonie britannique jusqu'en 1997 et aujourd'hui territoire chinois autonome. «S'il n'y avait pas Hong Kong (et sa puissante influence), le cantonais cesserait vite d'être une force linguistique significative», estime M.Mair. Avec l'influence grandissante de Pékin sur Hong Kong, combien de temps encore la défense de la langue cantonaise résistera-t-elle au mandarin?

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