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Brésil : la présidente Dilma Rousseff officiellement écartée du pouvoir après le vote du Sénat

Les sénateurs ont voté l'ouverture de son procès en destitution.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Dilma Rousseff, le 6 mai 2016. (EVARISTO SA / AFP)

C'est désormais officiel. Menacée depuis plusieurs semaines, la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a été officiellement écartée du pouvoir, jeudi 12 mai. Cinquante-cinq sénateurs sur 81 ont voté la mise en accusation de l'impopulaire dirigeante de gauche, 22 s'y sont opposés. En pleine tourmente, le géant d'Amérique latine tourne la page de treize ans de gouvernements du Parti des travailleurs (PT), ouverte en 2003 par Luiz Inácio Lula da Silva, qui a présidé au boom socio-économique brésilien des années 2000.

> L'article à lire pour comprendre la situation au Brésil

Qui assure l'intérim de la présidente ?

Dilma Rousseff sera remplacée dans la journée par son vice-président Michel Temer, qu'elle accuse de coup d'Etat institutionnel. Cet intérim durera pour tout le temps du procès, d'une durée maximale de 180 jours, soit six mois. 

Agé de 75 ans, centriste, spécialiste de droit constitutionnel qui a passé des décennies au Congrès, Michel Temer (Parti du mouvement démocratique brésilien, PMDB) devrait annoncer dès jeudi après-midi la composition de son gouvernement. Il promet des politiques favorables aux marchés afin de réduire le déficit budgétaire et l'inflation, une rupture libérale avec le modèle interventionniste décrié de Dilma Rousseff.

Michel Temer pourra compter dans un premier temps sur le soutien des milieux d'affaires et d'une majorité parlementaire pas forcément durable. D'autant qu'il va devoir adopter des mesures de redressement économique aussi impopulaires que lui (ajustement budgétaire sévère, réforme du système déficitaire des retraites et de la législation du travail)Homme d'appareil par excellence, sans charisme, il est peu aimé. Seuls 1 à 2% des Brésiliens voteraient pour lui à une élection présidentielle. Il pourra néanmoins s'appuyer dans l'immédiat sur la capacité fédératrice de sa formation, le grand parti centriste PMDB, arbitre de toutes les majorités parlementaires depuis 1994.

La présidente lui a collé l'étiquette d'"usurpateur" et promet de lutter jusqu'au bout pour récupérer son fauteuil présidentiel.

Que reproche-t-on à Dilma Rousseff ?

L'opposition reproche à Dilma Rousseff d'avoir ruiné une économie qui fut un temps l'une des plus performantes des pays en développement, en mettant en œuvre des mesures qualifiées de populistes qui se sont traduites par une envolée des prix à la consommation, une entrée en récession et une explosion du chômage. Ses adversaires lui reprochent aussi d'avoir décrété des dizaines de milliards de dollars de dépenses sans l'aval du Parlement. Ancienne guérillera torturée sous la dictature (1964-1985), Dilma Rousseff allègue que tous ses prédécesseurs ont eu recours à cette pratique sans avoir jamais été inquiétés.

La présidente a également souffert des scandales de corruption qui éclaboussent depuis des années une grande partie de la classe politique brésilienne. Au cœur de ces scandales figure la tentaculaire affaire Petrobras, du nom du géant étatique pétrolier brésilien que Dilma Rousseff a dirigé avant son élection. La cheffe de l'Etat n'est pas accusée de corruption. 

Le parti de Michel Temer est, lui, touché au plus haut niveau par ce scandale. Le vice-président lui-même a été cité comme bénéficiaire de pots-de-vin par des inculpés, mais n'est pas à ce stade visé par l'enquête. Il pourrait en revanche voir son mandat cassé par la justice électorale, conjointement à celui de Dilma Rousseff, pour "pollution" du financement de leur campagne par des fonds détournés de Petrobras. Le parquet souligne qu'il est loin d'avoir terminé son enquête.

Quelles suites pour le procès en destitution ?

Au terme de ce procès en destitution, une majorité des deux tiers des sénateurs, soit 54 voix sur 81, sera nécessaire pour acter la mise à l'écart définitive de Dilma Rousseff. Dans cette hypothèse, Michel Temer assurerait la présidence jusqu'à la fin de son mandat, le 31 décembre 2018. Si les deux tiers des voix ne sont pas atteints, Dilma Rousseff reprendra ses fonctions. 

Le jugement pourrait intervenir en septembre, après les Jeux olympiques de Rio de Janeiro (5-21 août), mais avant les élections municipales d'octobre.

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