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L'Asie, un cimetière de bateaux bon marché et meurtrier

L’écrasante majorité des navires de grande taille en fin de vie échouent en Asie dans le but d'être démantelés. Chaque année, un millier d'épaves rejoignent le Bangladesh, l'Inde, la Chine ou le Pakistan. Les règles de sécurité, moins strictes qu'en Europe, sont jugées alarmantes, notamment pour les ouvriers exposés à des éléments radioactifs ou à des substances toxiques comme l’amiante.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des ouvriers sur un chantier de démolition de navires au Bangladesh. (AFP / Biosphoto / Pierre Torset)

Selon l'association Robin des Bois, 90% des bateaux envoyés tous les ans à la casse sont démolis en Asie. Au cours du premier trimestre 2015, l’ONG a chiffré à 257 le nombre de navires marchands et militaires vétustes devant être démolis, pour un tonnage de métaux estimé à 2,34 millions. Durant cette période, seuls sept navires ont été déconstruits sur des chantiers de l’Union européenne, selon Robin des Bois.

Son président, Jacky Bonnemains, l’affirme: «L'Asie a besoin de la ferraille». Celle-ci est «vendue 400 euros la tonne contre 200 en Europe. Mais surtout, souligne-t-il à l'AFP, le coût de la main-d'œuvre y est inférieur, les règles de sécurité moins sévères et la gestion des déchets moins stricte».

Age moyen des navires: 28 ans
Car outre l'acier, ces navires, qui ont en moyenne 28 ans et ne sont pas très bien entretenus, sont de véritables foyers pour l'amiante, le plomb, les boues d'hydrocarbures, les PCB (polychlorobiphényles) et bien d'autres types de déchets toxiques qu’il faut recycler.

Sur un pétrolier de 300 mètres, par exemple, «il y a 24 tonnes de peinture toxique sur la coque extérieure» dont le but est d'empêcher les algues et coquillages de s'y fixer. Il y a également 2.000 tonnes de boues d'hydrocarbures et six à huit tonnes d'amiante pure, détaille encore M.Bonnemains.

Cette industrie, autrefois concentrée dans les pays développés, a été déplacée dans les années 1980 sur la côte du Pakistan, de l'Inde et du Bangladesh. (AFP / Biosphoto / Pierre Torset)

Les ouvriers chargés du recyclage de ces déchets sont exposés à ces matières potentiellement dangereuses, notamment à des risques d’asphyxie faute de ventilation dans les locaux de travail. Un mauvais dégazage peut les exposer aussi à certaines maladies véhiculées par les rongeurs et insectes qui se trouvent sur les bateaux les plus anciens.

En Inde, la découpe des citernes du tanker Perintis en 2014 avait notamment provoqué la mort de cinq personnes et fait une dizaine de blessés lors d'une explosion. A plus long terme, l'exposition à l'amiante ou à des substances radioactives comme des tartres de radium, ont de graves conséquences sanitaires sur ces ouvriers.

470 morts en Inde
Une étude universitaire indienne chiffre à 470 le nombre de tués, en trois décennies, sur les chantiers de démolition de ce pays. Parmi ces vieux navires à démanteler, certains restent immobilisés pendant des mois voire des années dans des ports entraînant leur rouille sur place sans pouvoir rejoindre leur lieu de destination, l’Asie.

Les ONG réclament un encadrement juridique spécifique à l'industrie la plus meurtirère du monde. Mais l’entrée en vigueur de la Convention de Hong Kong, relative au recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires, doit être signée par 15 pays représentant 40% de la flotte mondiale. Or, à ce jour, seuls la Norvège, la France et le Congo Brazzaville l'ont ratifiée, selon Christine Brossard, porte-parole de Robin des Bois. 

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