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Indonésie: Widodo partisan de la peine de mort pour les trafiquants de drogue

L'appel à la clémence de Paris pour sauver Serge Atlaoui, 51 ans, a très peu de chances d'aboutir. Depuis l'arrivée au pouvoir en octobre 2014 de Joko Widodo, dit «Jokowi», Jarkarta a refusé de gracier les dizaines d'Indonésiens et de ressortissants étrangers condamnés à mort pour des affaires de drogue. Cinq étrangers et une Indonésienne avaient été exécutés le 18 janvier 2015.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
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La position du président indonésien Joko Widodo surnommé Jokowi, s'est durcie avec l'augmentation des demandes de grâce. (FENG LI / POOL / AFP)
La Cour suprême indonésienne a rejeté, mardi 21 avril 2015, l'ultime recours du Français Serge Atlaoui pour un procès en révision afin de tenter d'échaper à la peine capitale pour un trafic de drogue qu'il a toujours nié. Le même jour, les juges ont rejeté le recours d'un Ghanéen, Martin Anderson, lui aussi dans le couloir de la mort pour trafic de drogue.

Dès la nouvelle, le ministre Français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a réclamé «un geste de clémence» de l'Indonésie, et l'épouse du condamné appelé la présidence indonésienne à prononcer une «grâce». «Défendre Serge Atlaoui, c'est rappeler la ferme opposition de la France à la peine de mort», abolie en 1981, a écrit le Premier ministre français, Manuel Valls, sur son compte Twitter. 


Pressions diplomatiques
Les pressions diplomatiques s'étaient multipliées ces dernières semaines sur le président indonésien. Son refus de gracier Serge Altaoui avait conduit le président François Hollande à demander à son homologue indonésien, dans une lettre fin janvier 2015, de surseoir à l'exécution du Français. Paris avait également convoqué l'ambassadeur d'Indonésie en France, le 17 février 2015, pour lui faire part de son «extrême préoccupation» et la «ferme opposition de la France à la peine de mort»

Serge Altaoui et son épouse Sabine Altaoui, après une inteview à la prison de haute sécurité dans l'île de Nusakambangan, le 25 mars 2008. (BAY ISMOYO / AFP)

Après les mises à morts de leurs ressortissants, le Brésil et les Pays-Bas avaient rappelé leur ambassadeur en Indonésie. Hikmahanto Juwan, professeur de droit de l'université Indonesia deJakarta, cité par Courrier international, trouve normal que les deux pays rappellent leurs ambassadeurs en signe de désaprobation, parce qu'ils défendent leurs citoyens. Mais, assure le juriste, le peuple indonésien «soutient entièrement ces exécutions».

«L’opinion publique est largement favorable à la peine de mort pour les trafiquants de drogue», souligne Delphine Alles au journal Le Monde. «Exécuter ces condamnés renvoie l’image d’un pouvoir fort, notamment face aux pressions extérieures, c’est pourquoi la position de Joko Widdodo s’est durcie au fur et à mesure que les demandes de grâce augmentent», explique l’universitaire.

«L'Indonésie ne doit pas se sentir harcelée. La peine de mort est encore appliquée dans de nombreux pays, y compris dans certains Etats des Etats-Unis. Cela montre bien qu’elle n'est pas du tout liée au degré de civilisation d'une société», ajoute Hikmahanto Juwan.

Atlaoui, condamné à mort en 2007
Dix ans après son arrestation, Serge Atlaoui estimait avoir «peut-être encore une chance» d’obtenir une révision de son procès après le rejet de son recours en grâce. C’est ce qu’il avait confié à l’AFP, le 18 février 2015, lors d’un entretien téléphonique depuis la prison «Pasir Putih» (Sable blan), haut-lieu sécuritaire surnommé l'Alcatraz indonésien, sur l'île de Nusakambangan, au sud-est de Java. 

«L'espoir, c'est la différence entre la vie et la mort», avait ajouté ce père de quatre enfants originaire de Metz (est de la France) qui se veut optimiste. «Ils n'ont jamais exécuté quelqu'un qui n'a pas épuisé tous ses recours», avait-il affirmé.

Cet artisan soudeur avait été arrêté en 2005 lors d'une opération de police dans un laboratoire de production d'ecstasy, dans la banlieue de Jakarta. Il avait été condamné dans un premier temps à la prison à perpétuité, mais la Cour suprême avait aggravé la sanction en 2007, infligeant la peine capitale au Français ainsi qu'à huit autres membres du «réseau» de trafiquants.

Michaël Blanc grâcié en 2009
L’annonce de la libération conditionnelle de Michaël Blanc, condamné pour une affaire de stupéfiants, avait constitué «une première judicaire» en Indonésie, selon son avocate. Ce Français, cuisinier originaire de Haute-Savoie, avait été arrêté au lendemain de Noël 1999 à l'aéroport de Bali avec 3,8 kilos de haschich dans deux bouteilles de plongée appartenant, selon lui, à un ami. Il a bénéficié d'une grâce présidentielle partielle en mars 2009 qui a réduit sa peine à 20 ans de réclusion. 

En l'absence de convention de transfèrement entre la France et l'archipel, le plus ancien détenu français en Indonésie, qui a déjà passé 14 ans en prison, devra rester dans le pays jusqu'à la fin de sa peine, le 21 juillet 2017.

Jakarta possède l'une des législations les plus sévères au monde en matière de drogue: un condamné à mort peut être exécuté à tout moment une fois que sa demande de grâce présidentielle a été rejetée, même lorsque qu'une ultime procédure est en cours devant un tribunal. L'indonésie a renoué avec les exécutions en 2013, après une suspension de cinq ans. 

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